Publiée en 1973, cette novella ne fait pas son âge, se lisant toujours très bien. Gardner Dozois entre directement dans le vif du sujet avec l’arrivée des 4 vaisseaux. Américanisme oblige, trois se posent sur le territoire des États-Unis et « ... un (pour un motif inconnu) dans un champ de canne des abords de Caracas au Venezuela. » Ils ont dû se perdre ou ne pas comprendre que les Américains sont les maîtres du monde ! Du moins, cela permet de montrer tout ce qu’il ne faut pas faire face aux aliens, comme pour servir de témoin.
Les extraterrestres sont là et le motif de leur venue échappe à toute compréhension. Les IA plus émancipées que leurs créateurs ne pourraient le croire, mais toujours fidèles, tentent bien de communiquer avec eux, mais le contact est difficile. Qui sont-ils et ont-ils seulement conscience de la présence humaine ?
En parallèle, dans des chapitres bien plus longs, l’auteur s’attache aux pas de Tommy qui vit dans son monde, en marge du visible et de l’invisible. Cet enfant n’a pas la vie facile. Entre l’école et sa famille, son quotidien ressemble à une épreuve. Ses rares copains lui permettent de le rendre plus supportable, mais c’est surtout les Autres, ceux que lui seul semble voir qui lui permettent de s’évader. Avec sa perception plus sensible, il a rapidement compris que quelque chose est arrivé, qu’il y a du changement dans l’air, même si les autorités cherchent à museler l’information.
Le lecteur ne reste pas insensible face aux difficultés rencontrées par Tommy et, du fait du peu d’amour qui lui est témoigné, peut douter de ce qu’il voit. Pourtant, ces chapitres sont bien plus révélateurs de la situation que ceux abordant de front les vaisseaux et les autorités dépassées par les événements.
Au rythme des pas d’un enfant, « Le fini des mers » dévoile sa richesse. Le récit plus intimiste centré sur Tommy montre l’importance de ne rien négliger, de toujours rester ouvert à toutes les possibilités. Fort de sa force, l’homme peut-il seulement le comprendre ? Ou est-il devenu trop cartésien, oubliant son regard d’enfant, peut-être bien plus perçant ?
Avec un soupçon de fantasy, Garder Dozois plonge les lecteurs dans un récit de science-fiction bien tourné, dans lequel le grand spectacle avec les vaisseaux alterne avec le quotidien intimiste d’un enfant incompris. « Le fini des mers » se révèle poignant, d’une part à cause de Tommy, et d’autre part quand la compréhension se fait jour. Une novella très attractive qui n’a rien perdu de sa force avec les années.
Il est suffisamment rare de lire une œuvre de Gardner Dozois traduite en français pour ne pas en profiter et découvrir le talent de cet auteur décédé en mai 2018.
Titre : Le fini des mers (Chains of the Sea, 1973)
Auteur : Gardner Dozois
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Pierre-Paul Durastanti
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 14
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 104
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : juin 2018
ISBN : 9782843449369
Prix : 8,90 €
Autres titres de la collection
1. « Dragon » de Thomas Day
2. « Le nexus du Docteur Erdmann » de Nancy Kress
3. « Cookie Monster » de Vernor Vinge
4. « Le choix » de Paul J. McAuley
5. « Un pont sur la brume » de Kij Johnson
6. « L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu
7. « Cérès et Vesta » de Greg Egan
8. « Poumon vert » de Ian R. MacLeod
9. « Le regard » de Ken Liu
10. « 24 vues du mont Fuji, par Hokusai » de Roger Zelazny
11. « Le sultan des nuages » de Geoffrey A. Landis
12. « Issa Elohim » de Laurent Kloetzer
13. « La ballade de Black Tom » de Victor LaValle
Gardner Dozois sur la Yozone :
« L’étrangère » »
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