Prévue en 7 tomes, un premier cycle s’achève avec “Le vampire de Bretagne”, le quatrième volet de la série “Les Chemins de Compostelle”. Jean-Claude Servais s’attache aux pas de quatre pèlerins, chacun parti de son côté, avant de se rencontrer. C’est ainsi qu’ils marchent deux par deux au début de cet album.

En la personne d’Alexandre, Blanche trouve un compagnon de route, mais aussi un disciple à qui elle peut enseigner ce qu’elle a appris de son papounet, versé dans l’alchimie et donc dans les symboles. Les deux flèches de la cathédrale de Chartres, une de style gothique et l’autre de style roman, possèdent chacune une signification, comme Blanche l’explique à Alexandre, heureux de partager ce savoir.
Comme leurs portraits s’affichent dans les journaux, Angelo est bien obligé de tout raconter à Céline, la novice qui s’éloigne du couvent de Saint-Michel et qui semble bien démunie face à cet homme. Elle sait qu’il est voleur, mais ignore qu’il s’agit peut-être aussi d’un assassin. En effet, les lieux et la période le désignent comme un parfait coupable. Céline ne veut pas y croire ni l’abandonner, se disant qu’elle pourrait ramener cette brebis égarée dans le droit chemin.
Les deux cas sont bien différents, d’un côté l’ambiance est studieuse, dans le partage, une complicité naissante les lie, alors que de l’autre, ils sont obligés d’avancer cachés et se méfient un peu l’un de l’autre. Céline doit même sacrifier ses cheveux pour arborer une coupe à la garçonne.

C’est l’occasion pour Angelo, mais aussi Jean-Claude Servais de faire le parallèle avec une autre jeune femme vêtue d’habits masculins et avec une coupe d’homme : Jeanne d’Arc. La comparaison s’avère d’autant plus d’actualité qu’ils arrivent à Tiffauges qui abrite le château de Gilles de Rais, le compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, mais aussi le tueur de tant d’enfants. Sous la plume d’Albert Moxhey, un dossier de 6 pages en fin de volume permet de revenir fort à propos sur ces deux grands personnages de l’Histoire de France.
À Tiffauges, l’ombre de Gilles de Rais plane toujours, passé et présent s’entrechoquent comme vont l’apprendre les pèlerins. Toutefois, si “Le vampire de Bretagne” apporte des réponses quant aux meurtres des trois femmes, toutes les interrogations ne sont pas levées et donnent l’intrigue des futurs tomes des “Chemins de Compostelle”.

L’histoire se révèle vraiment prenante, elle allie aussi bien l’action que la réflexion et la contemplation, le polar et le récit de voyage que l’ésotérisme. Servais enrichit et intrigue les lecteurs en leur dévoilant la face cachée des choses, il leur ouvre les yeux sur un monde parallèle qui demande un effort pour être vu. Son dessin qui lui est propre et qui permet de le reconnaître au premier regard favorise le voyage, il le magnifie même. Les monuments sont d’une belle précision, les décors lumineux avec la colorisation de Raives, les visages souvent resplendissants pour peu qu’un sourire les éclaire. Difficile de ne pas être sous le charme de ce graphisme si travaillé et si particulier.
“Les chemins de Compostelle” indique la voie, celle du voyage avec ses joies et ses peines. Servais montre qu’il s’agit d’une expérience enrichissante pleine de surprises. Il ne se contente pas des visites des hauts lieux de l’itinéraire, il l’agrémente de diverses péripéties, capables aussi bien d’intéresser les lecteurs que de les faire frissonner pour tel ou tel protagoniste. Ces derniers ne sont pas des coquilles vides, chaque personnage possède son histoire qui l’a poussé à prendre son bâton de pèlerin. Et dessiné de la sorte, c’est du grand art.
Une très belle série !
(T4) Le vampire de Bretagne
Série : Les chemins de Compostelle
Scénario et dessin : Jean-Claude Servais
Couleurs : Raives
Éditeur : Dupuis
Dépôt légal : 13 octobre 2017
Format : 24 x 32 cm
Pagination : 74 pages couleurs + dossier de 6 pages
Numéro ISBN : 9782800170466
Prix public : 16,50 €
À lire sur la Yozone :
Les chemins de Compostelle (T1) Petite licorne
Les chemins de Compostelle (T2) L’Ankou, le diable et la novice
Illustrations © Servais, Raives et Dupuis (2017)