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Frontière Belge (La)
Jean Rolin
La Table Ronde, La Petite Vermillon, roman (France), littérature générale, 133 pages, janvier 2018, 5,90€

Le roman s’ouvre sur la découverte d’un corps, mangé par les renards. Au vu de l’émotion contenue du Père - « ça devait arriver » - et du narrateur, on pensera d’abord que la victime était un animal familier de la maison. Il n’en est rien : Lilas était, avec Guitoune et Rainette, une des 3 filles du Père, peut-être la plus rebelle, et donc elle n’est plus. Le narrateur, seul jeune homme de la maison, plus ou moins adopté par tous, revient sur son arrivée, peu glorieuse ; les étranges manières et lubies des habitants : le Père, qui fait beaucoup d’efforts pour subvenir aux besoins alimentaires de tous en refusant catégoriquement de travailler, quand bien même ses rapines lui coûtent plus de labeur encore, Guitoune, qui satisfait ses pulsions de jeunes femmes avec de petits animaux... Mais c’est Lilas la plus importante, la plus ambitieuse, qui va tenter de s’arracher à ce havre sordide, par quelque moyen que ce soit, entraînant le narrateur avec elle, en dépit de cette frayeur inepte qu’il a de franchir la frontière belge toute proche. Des aventures qui conduiront donc au trépas de Lilas, et à une expédition punitive contre l’hôtel que le Père soupçonne de contraindre les jeunes filles à la luxure.



Après notre lecture de « Journal de Gand aux Aléoutiennes », nous étions quelque peu préparés à la prose de Jean Rolin. « La Frontière Belge » est pour ainsi dire de la même eau, un récit fantastique dans sa forme comme son fond.
Une histoire décousue, commencée à l’avant-dernier acte, portrait de famille de gens bizarres, tarés au sens propre, victimes captives de leurs pulsions et autres TOC, de leurs choix, leurs faiblesses et autres petites lâchetés. Un portrait d’une vie de contingences, d’obligations toutes relatives (vivre, manger, travailler parfois), d’envies et autres jalousies, d’espoirs rattrapés par la réalité. Quelques aventures, comme une croisière qui finira mal, là encore contée la fin avant le milieu, pour nous faire découvrir des péripéties rocambolesques et embrumées de mystère (avec la disparition tragique d’un prestidigitateur avant qu’il eut fait réapparaître son assistante et épouse).
Jean Rolin aime jouer avec la chronologie, les non-dits, ses personnages complices des blancs de son/leur histoire.

Comme dans le « Journal... », les digressions, nombreuses, nous égarent encore autant qu’elles nous éclairent, peu à peu, sur le caractère de chacun. Au fil des pages, jusqu’au finale dantesque autant que ridicule, c’est le visage peu ragoutant de l’Homme que brosse l’auteur, dans ses travers, ses hontes, ses défauts, ses misères, sa méchanceté, la petitesse, et ses « héros » ne valent guère mieux que leurs victimes. Tout cela relève d’une sarabande ubuesque, un carnaval grotesque, dont rares seront les lignes, hormis les ultimes, à nous donner quelque espoir.

Petit ouvrage étrange, déroutant, sidérant, « La Frontière Belge » me laisse, à moi lecteur d’Imaginaire, un sentiment étrange. Jean Rolin jette des ponts entre le réel et le rêve, et la prose est un feu d’artifice qu’on suit deux petites heures, intrigué, ébahi, et qu’on quitte insatisfait, peu familier qu’on est de telles formes, d’un récit qui n’est qu’une trame à trous où survivent çà et là des scènes aussi flamboyantes qu’incongrues. Pas toujours facile à suivre, souvent délectable à lire, toujours intrigant, parfois rebutant, « La Frontière Belge » nous invite au voyage sans nous garantir la route ni la destination.


Titre : La Frontière Belge
Auteur : Jean Rolin
Couverture : Loustal / Cheeri
Éditeur : La Table Ronde (édition originale : Lattès, 1989)
Collection : La petite vermillon
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 444
Pages : 133
Format (en cm) : 18 x 11 x 1
Dépôt légal : janvier 2018
ISBN : 9782710385691
Prix : 5,90 €



Nicolas Soffray
7 mars 2018


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