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Sérum
Cyril Pedrosa et Nicolas Gaignard
Delcourt

Le Paris de 2050 n’a rien de réjouissant. L’eau y est sévèrement rationnée, ainsi que l’énergie, et un couvre-feu nocturne est de mise. Kader travaille dans une vaste exploitation d’éoliennes aux portes de la capitale. Il vit dans la zone de transit et, après une incarcération, une injection de zanédrine lui a été administrée. Depuis, mentir lui est impossible ; à chaque question, il répond par la vérité, même si elle fait mal et peut blesser.
De mystérieux tags ARV apparaissent en ville et même sur un pylône d’éolienne dans son secteur. Il n’en faut pas plus pour que Kader soit mis sous surveillance par la police.



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“Sérum”, autrement dit sérum de vérité avec la zanédrine, s’inscrit dans un futur angoissant avec son lot de privations, aussi bien pour des besoins de premières nécessités que pour les libertés. Une condamnation équivaut à une injection qui enlève tout libre arbitre quant aux réponses données. Dans ce cas, chaque parole compte et la solitude est souvent préférable pour éviter les ennuis. Kader vit justement en reclus, il ne côtoie pas ses collègues de boulot, s’adonnant juste, quand c’est trop dur, au holoporn pour discuter avec une dénommée Deborah. Même les visites à sa fille lui sont retirées. Vie de m...
Mais qui est vraiment Kader ? De loin pas le travailleur lambda, mais plutôt une victime des purges après que le gouvernement a été renversé. Si une partie de celui-ci s’est exilée, lui a dû payer : détention, injection, zone de transit, surveillance, bracelet de contrôle...
Malgré ce qui l’afflige, ce personnage n’apparaît guère sympathique. Son visage ne change guère tout du long, arborant toujours la même expression renfermée, seuls ses yeux affichent un semblant d’expressivité à de rares occasions. L’observer ne suggère guère l’enthousiasme et prendre fait et cause pour lui tient de la gageure.

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Le décor est à l’avenant, la grisaille règne. Les agents de l’ordre sont anonymes et on peut se demander s’il s’agit seulement d’humains. Le tableau dressé s’avère noir, sévère, triste, il met le moral dans les chaussettes. La dystopie est poussée loin dans tous ses aspects : Paris n’est de loin plus la ville des lumières, la majorité des habitants sont déshumanisés, à tout âge il faut travailler...
Forcément la révolte gronde, mais qui l’exprime et dans quel but ? Quel est le rôle de Kader dans tout ça ? En est-il conscient ? Pas mal d’interrogations demeurent au final. Y a-t-il seulement une morale, du moins un message ? J’avoue être resté dans l’expectative, avec un sentiment d’inachevé.

Quant au dessin, j’ai aussi eu du mal. Les couleurs d’ambiance sont en accord avec le thème, d’accord, mais les expressions de Kader ne varient guère. Rien que les éoliennes ne font pas réalistes. Que signifient ces disques autour de l’axe de rotation ? Traduisent-elles la vitesse des pales tournant ? Et dans ce cas, pourquoi ces dernières sont-elles aussi visibles ? Le dessin n’est pas très immersif. Se veut-il le témoin de la dystopie ?

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“Sérum” m’a laissé songeur. D’un côté, le lecteur se trouve face à un album de près de 160 pages avec une histoire complète, ce qui est à saluer, et les auteurs explorent le futur, mais en se lançant dans un récit d’anticipation politique comme le précise le bandeau. C’est bien le cas, mais est-ce ce que le lecteur a envie de lire ?
L’enjeu se résume finalement à une lutte de pouvoir afin de savoir qui s’assiéra au sommet de la pyramide et bénéficiera de privilèges. Les conditions de vie sont dénoncées, mais sans vraiment devenir le sujet principal.
L’histoire me laisse donc très pensif et ce n’est pas le dessin qui fait pencher la balance du bon côté.
Pour moi, “Sérum” relève d’une bonne idée de départ, mais le traitement ne suit pas. Dommage !


Sérum
- Scénario : Cyril Pedrosa
- Dessin et couleur : Nicolas Gaignard
- Éditeur : Delcourt
- Collection : Hors collection
- Pagination : 152 pages couleurs
- Format : 21,3 x 28,5 cm
- Dépôt légal : 18 octobre 2017
- ISBN : 9782756065915
- Prix public : 18,95 €


Illustrations © Nicolas Gaignard et Delcourt (2017)



François Schnebelen
2 mars 2018




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