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Code Minotaure (Le)
Bénédicte Taffin
autoédition, roman (France), thriller/aventures, 208 pages, février 2017, 2,99€

De retour du Moyen-Orient, où il est allé racheter une gemme familiale en pleine zone de guerre, le jeune baron Dimitri Hennessy - lord écossais par son père, russe par sa mère, orphelin élevé par son oncle Boris à l’école des Spetsnaz - apprend la mort suspecte de son ami d’enfance Alexeï Alexandrov.
Pris à partie par le père de son ami, Vladimir Alexandrov, un homme directif et autoritaire, et « entrepris » par sa jeune épouse mannequin Olga, dès la fin de l’enterrement parisien, Dimitri a à peine le temps de s’interroger que la limousine du magnat russe est attaquée à l’arme très lourde.
Une fois en sécurité dans sa résidence privée, Vladimir lâche le morceau : un hacker russe a développé Apocalypse, un virus capable de paralyser Internet. Lui a fait développer Minotaure, une contre-offensive. Mais Alexei, persuadé que son père en userait pour faire pression sur les grands groupes voire des Etats, a volé la seule clé USB contenant le code Minotaure et l’a cachée.
Apocalypse se déclenche dans moins de 36 heures et Dimitri est le seul à pouvoir comprendre les indices laissés par Alexeï...



Bénédicte Taffin, que nous avions découverte dans du space-opera jeunesse (« Les yeux d’Opale »), puis de la fantasy plus mature (« La Pucelle et le Démon ») et enfin de la SF militante (« L’Héritier de Clamoria »), s’essaie au techno-thriller avec un certain succès.
Entre courses-poursuites dans les rues de Paris, mensonges et faux-semblants des différents protagonistes et inévitables télescopages des groupes rivaux, le rythme est plus que soutenu, ne laissant que peu de temps morts. Les scènes d’action, quelle que soit leur échelle, sont toujours très claires et lisibles. Enfin, le compte à rebours martelé en titre de chapitre accroit encore la tension.

Le sujet, très actuel, est bien trouvé : un hacker russe, rendu un poil plus fou par la mort de son fils, a développé un virus capable d’infecter toutes les machines reliées à Internet, par contagion. Inactif pour le moment, il inquiète modérément les autorités. Seuls quelques initiés anticipent le chaos qu’engendrerait une coupure totale des réseaux pendant ne serait-ce que quelques heures, tant Internet est partout, même où on ne l’imagine pas. Certes, avec le code Minotaure, on a la parade, mais elle n’est pas entre des mains altruistes (genre Avast :-D) et le remède pourrait s’avérer aussi déstabilisant que le mal au niveau planétaire. Cela évoquera aussi les labos pharmaceutiques qui vendent à prix d’or certains traitements, les multinationales de l’eau, du pétrole, etc. Hélas. Très contemporain, donc.
Sur un ton plus léger, les geeks souriront aux quelques allusions glissées çà et là par l’autrice, du nom de l’IA de Roxane au champ de bataille final, une adresse bien connue des rôlistes parisiens.

Voyons les personnages : Dimitri Hennessy est presque un archétype. Séduisant, à l’abri du besoin, mi-aventurier mi-tête brulée, il est à la croisée de James Bond et des héros baroudeurs comme Nathan Drake (du jeu Uncharted). Pas insensible au malheur des autres mais pas non plus aux jolies femmes (dangereux, ça...) ni aux alcools fins, mais avec modération, il est le bon héros par excellence, juste assez naïf pour faire confiance et ne pas sentir venir la trahison assez tôt, mais pardonner (un peu) ensuite quand on ronronne avec des yeux larmoyants.
Enfin, les femmes... parce que côté masculin, la galerie de personnages secondaires n’est guère ragoutante. Vladimir a les atours de l’oligarque, le mépris des inférieurs qui va avec, et cette arrogance de celui qui sait que le fric peut tout acheter. Loukian Minovitch, le hacker, croit voir son fils mort, ce qui donne des dialogues hallucinants (et hallucinés) très bien menés, très visuels. Tonton Boris n’est pas commode, et pas en bonne posture, puisqu’il doit faire son boulot quitte à tabasser son neveu, mais en renard roublard, il en use. Mais tous ont mis leur curseur de tolérance à la violence au plus haut. L’enjeu ne souffre pas de faire dans la dentelle.

Côté femmes, elle sont deux à occuper le devant de la scène. Olga, jeune mannequin mariée à Vladimir, pourra sembler une parfaite potiche, mais dès la première scène, on la devine un rien plus complexe : très prompte à user de ses charmes, parfois sous les yeux de son époux, on se demande quel contrat unit ces deux-là et quelle est la longueur de la laisse. Cela pourra paraître un peu cliché, mais au fil des pages on verra davantage un fragile équilibre entre soumission et liberté qui doit (ce n’est que mon avis) être la réalité de nombreuses compagnes d’hommes riches et puissants.
Face à la poupée fragile, Roxane Harris campe le visage fort du genre. Hackeuse talentueuse, elle savoure d’humilier les hommes trop sûr d’eux (ce qu’elle fait dans sa scène d’ouverture). Entrant dans la danse autour de Dimitri, elle joue aussi de son charme sans se laisser prendre au sien, parfaitement maîtresse d’elle-même, renversant les codes et le rapport de force. Missionné par un groupe secret (les Gentils de l’histoire), elle donnera toujours à Dimitri l’impression d’avoir un coup d’avance sur lui, ce qui, en plus de lui résister, achève de la rendre irrésistible à ses yeux.

Très contemporain, très visuel, mené tambour battant, « Le Code Minotaure » est un bon thriller. Je ne suis pas un grand fan du genre, car il privilégie trop souvent la forme au fond, mais je l’ai lu sans déplaisir aucun. Bénédicte Taffin remplit parfaitement ce contrat implicite avec le lecteur : un sujet qui pousse à s’interroger sur l’actualité du monde, mais une narration qui fait la part belle à l’action, aux retournements, au fil d’un jeu de pistes dans lequel le héros est le seul qui ne triche pas. On apprécie qu’aux ingrédients habituels, très classiques (oligarque, mannequin, commando, hacker) elle ajoute une femme forte qui contrebalance agréablement cet archétype du héros bondien, pour le coup mis en difficulté. Pas de quoi faire tomber le mâle de son piédestal, mais c’est un début, qui augure du bon pour la suite. Car la fin ouverte ne laisse guère planer le doute, nous retrouverons Dimitri Hennessy.


Titre : Le Code Minotaure
Série : Dimitry Hennessy, tome 1
Auteur : Bénédicte Taffin
Couverture : Bénédicte Taffin
Éditeur : auto-édité / Amazon POD
Site Internet : page auteur
Pages : 208 (numérique) / 280 (papier)
Dépôt légal : février 2017
Prix : 2,99 € / 10€ (papier)



Nicolas Soffray
11 juillet 2017


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