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Egarés d’Ys (Les)
Vincent Gaufreteau
autoédition, nouvelles (France), steampunk féérique, 116 pages, septembre 2016, 11,50€

Parmi les forces occultes qui hantent les nuits, les salons et les théâtres parisiens du XIXe siècle, toutes n’œuvrent pas à la perte de l’espèce humaine. Découvrons les envoyés d’Ys l’engloutie, pauvres créatures parfois égarées pour leur malheur dans la capitale...



Nous avions révélé peu de choses sur “Le Gisant”, dans notre chronique de l’anthologie « Sombres Tombeaux », en signalant juste la grande qualité, taisant le retournement inattendu, la nature mécanique d’un protagoniste. Attiser la curiosité est le plus puissant des appâts.
Vincent Gaufreteau diffuse via son site personnel d’autres nouvelles dans le même univers, réunies dans le présent recueil. Je suis un des premiers à tirer sur l’autoédition, mais parfois, dans la boue des cochons, on trouve quelques perles. C’est le cas ici, aussi ne vais-je pas manquer de vous le faire partager.
Encadrées par une narration un peu leste de la naissance d’Ys et un monologue quasi testamentaire, trois nouvelles très variées, prouvant déjà que le genre ne contraint pas la forme.

Le concerto” est un polar. Un ingénieur a réussi à construire un orchestre d’automates, et s’attaque à l’imitation de la voix humaine, au grand dam de sa muse qui le quitte pour son amant précédent, un compositeur talentueux. Problème, que découvre l’inspecteur Victor Chamberlin le lendemain matin : l’homme est retrouvé mort, le crâne ouvert et le cerveau proprement retiré. Pour l’inspecteur et son adjoint le sergent Le Quéant, il convient de comprendre les motivations de ce crime pour découvrir le coupable. Simple rivalité amoureuse, ou projet scientifique contre nature ? Occupant à lui seul un peu moins de la moitié du recueil, “Le Concerto” nous tient en haleine, la rigueur policière scientifique se laissant lentement contaminer par des soupçons de surnaturel. Sans être archétypal, le duo Chamberlin-Le Quéant est classique et fonctionne parfaitement bien dans son opposition, le premier lettré, savant, charmeur, le second brut, bourru et sans une once de diplomatie.

Semaine sanglante” nous parachute en pleine Commune. A bord d’un appareil aérostatique motorisé, fendant les airs bien plus vite que les ballons, une petite équipe a pour mission de récupérer une relique dans un bâtiment officiel. Las ! Paris est déjà en feu, l’extraction furtive se change en course désespérée dans la ville en proie aux incendies, aux combats de rues et aux dénonciations à l’un ou l’autre camp. Pour la duchesse Marie de Longueville et l’ancien cuirassier Edgar Soissons, qui ne déclame que de bien tristes sentences, c’est une course contre la montre, avant que la chose qui s’est réveillée dans les flammes ne se révèle au grand jour et fasse plus de victimes que ce conflit fratricide. Un texte haletant, mené tambour battant, où l’action mène la danse, mais au ton grave, à la dramaturgie prégnante.

Contrecoup de la conclusion triste de “Semaine sanglante”, “Le Fiacre” commence presque de façon drôlatique, mettant en scène un clochard, pochtron, qui se vautre dans son vomi alcoolisé. C’est dans un état fortement éthylique qu’il est donc témoin d’une scène surréaliste : un fiacre noir s’arrête devant lui, une fée en sort et chante, attirant de petites lucioles que le cocher s’empresse de capturer avec délicatesse. Avant de partir, la fée pose les yeux sur lui, et le lendemain il s’en réveille tout ragaillardi, à jeun et propre ! Mais ce n’est pas le seul fait étrange : lorsqu’il s’en va à son troquet habituel corriger cet état inhabituel avec une bonne bouteille, l’on pousse des cris à son approche, l’on lui révèle que voilà trois jours qu’il est mort ! Ce brave Le Quéant va donc se remettre en quête du fiacre pour comprendre ce qui lui arrive. Sans s’en douter, il va ainsi retrouver sa juste place. Du fantastique au charme très gothique, dans la veine des romans du genre de l’époque.

L’on avait déjà tiqué au texte précédent à la présence d’un Le Quéant, en voici un troisième ! C’est dire si le Breton est une forme de pollution envahissante ! Plus sérieusement, et cela donne un charme supplémentaire au texte, Vincent Gaufreteau noue par ce biais un lien entre ses histoires, plus encore que par la présence d’un personnage secondaire aussi récurrent que truculent, une inventrice du nom de Groseille.

Il reste quelques impuretés sur la forme, coquilles aisément corrigeables, aussi insisterai-je sur le fond : polar, aventure, gothique, Vincent Gaufreteau se livre ici avec succès (et un indéniable talent) à trois exercices de style dans un univers qui mélange habilement steampunk et féérie. La publication du “Gisant” aux Editions du 38 est une première reconnaissance, et on n’en doute pas, sûrement pas la dernière.
Un auteur à suivre !


Titre : Les égarés d’Ys (nouvelles)
Contient : Le Dit d’Ys, Le concerto, Semaine sanglante, Le fiacre, Le havre
Auteur : Vincent Gaufreteau
Couverture : Vincent Gaufreteau
Éditeur : (autoédition)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 116
Dépôt légal : septembre 2016
Prix : 11,50 € (papier), 3,50€ (ePub)



Nicolas Soffray
15 juin 2017


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