Le décor est planté : une ville sombre, glauque, dangereuse, minée par la corruption. Les Fédéraux sont aux abois. Dans la nuit brouillasseuse, un échange devait avoir lieu, près d’une ligne de métro d’Adam Street. Là des agents des Wolves, ici un Batman en planque, qui observe le curieux manège... la rencontre tourne mal, un agent est tué, Batman est blessé, vite les Fédéraux jugent bon de lui coller le meurtre de leur loup sur le dos...
Mais il leur faut savoir qui est cet étonnant personnage, capable de semer une meute de chiens enragés et améliorés d’un bond de plus de huit mètres entre deux toits d’immeubles. Vite on muselle la presse, on lâche les plus dangereux et sinistres limiers du FPC et on met Gordon sous pression. Il faut tout savoir de ce Batman, l’enjeu est phénoménalement important !
C’est dans les pages de “Detective Comics #27”, en mai 1939, qu’apparaît pour la première fois The Bat-Man. Paul Pope situe donc son Batman pile poil 100 ans plus tard. Et pour rendre hommage à ce héros emblématique, il fait ce choix intelligent de l’oubli total par Gotham de son justicier masqué. Pour mieux obliger son enquête à plonger dans les strates d’un passé que même Jim Gordon méconnaît. Et ainsi offrir une lecture méta de l’histoire d’un personnage mythique de la pop-culture. Plutôt dans l’esprit d’un Frank Miller avec “The Dark Knight Returns”, il place Batman dans une confrontation frontale et violente avec le pouvoir fédéral. Entouré d’une petite équipe : Robin, un orphelin que Batman a pris sous son aile, Kris Goss (la légiste de Gordon), Tora, fille de Kris et informaticienne de génie, il remonte vers la tête d’un complot gigantesque qui met l’humanité en péril avec un virus terrifiant appelé Sarcophage.
L’histoire de Paul Pope est efficace, passionnante et particulièrement rythmée, freinant juste quand la méta-histoire renseigne sur l’origine de ce bestial et impressionnant personnage, avant de mieux remettre les gaz, à fond dans un déluge de feu, de flammes embrasant les nuits de Gotham. Le graphisme singulier de Paul Pope joue constamment sur les codes d’une ville emprisonnée dans l’ombre posée sur une population absente, terrée chez elle entre peur de ses propres agents de police et terreurs liées à une désinformation qui permet les pires des affabulations.
Le dessin est dur, le trait se veut fort et intense, multipliant les détails, le découpage est impressionnant, les couleurs détonantes et l’ensemble est un exemple de composition. Avec beaucoup d’inventivité dans cette aventure marquée du sceau de la science-fiction.
C’est certain, le dessin si particulier de l’artiste ne séduira pas tous les amateurs de comics, pourtant ce “Batman : Année 100” est une vraie pépite, avec un Batman qui montre les muscles et sa puissance bestiale, son histoire et sa force légendaire, dans une histoire moderne et débridée qui n’oublie pas d’être un hommage personnel intelligent d’un auteur envers une icône qui a marqué sa jeunesse.
“Batman : Année 100” a été publié en 2007 chez Panini Comics. Une vraie découverte et une vraie claque la même année où Dargaud publie l’excellent “Heavy Liquid”.
Cette édition, 10 ans après par Urban Comics, permet de retrouver avec grand plaisir une excellente histoire dans l’univers Batman, accompagnée de plusieurs courtes histoires encore réalisées par Paul Pope et restées inédites en France, ainsi qu’un carnet graphique annoté par l’auteur. Publiée dans la collection DC Deluxe, celle des romans graphiques incontournables de l’univers DC, elle offre à “Batman : Année 100” l’écrin qu’il méritait.
Batman : Année 100
Scénario et dessin : Paul Pope
Couleurs : José Villarrubia, Ted McKeever & James Jean
Éditeur : Urban Comics
Pagination : 272 pages couleurs
Dépôt légal : 3 juin 2016
Pagination : 272 pages couleurs
Numéro ISBN : 9782365778831
Prix public : 22,50 €
Illustrations © Paul Pope et Éditions Urban Comics (2016)