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Fleurs du Mal (Les) (T1 et 2)
Shuzo Oshimi
Ki-oon

Takao est un véritable amoureux de littérature, il dévore les romans souvent sur les conseils de son père. Son livre de chevet est “Les Fleurs du Mal” de Charles Baudelaire. Mais comment faire comprendre sa passion à ses camarades de classe ? Takao vit dans une petite ville de province et ses amis sont aussi banals que cette ville. Takao aime en secret la belle Nanako, mais le jeune garçon est bien trop timide pour oser aborder celle qui illumine la classe non seulement par sa beauté mais également par son intelligence. Takao serait certainement resté loin d’elle si un jour, en revenant dans la classe déserte pour récupérer ses Fleurs du Mal oubliées dans son bureau, il n’était tombé sur le sac de sport de Nanako, abandonné devant les casiers. Envahi d’une pulsion malsaine, Takao commence par respirer la tenue de sport de la jeune fille, mais pris d’une soudaine panique d’être découvert, il s’enfuit... en emportant les vêtements avec lui. Rentré chez lui, il prend conscience de l’horreur de son geste. Si ses amis apprennent ce qu’il vient de faire, il passera pour le pire des pervers. Malheureusement, quelqu’un a été témoin de son larcin...



Sawa est une rebelle. Mauvaise élève, impertinente, elle est la fille que toute la classe tente d’éviter pour ne pas avoir de problème. Sawa a une vision très pessimiste du monde et pour elle, tous les hommes sont des pervers, des cafards, des merdes qui osent se cacher derrière une pseudo honorabilité. Alors quand elle découvre le vol de Takao, elle décide de faire chanter le garçon et surtout révéler à tous le terrible pervers qui se cache sous ce visage d’ange. Toutefois tout ne se passe pas comme prévu car Takao a des réactions plutôt imprévisibles, au point qu’il parvient à obtenir un rendez-vous avec Nanako... grâce à Sawa. En prenant la défense de la jeune rebelle devant toute la classe, Takao a séduit Nanako. Quelle abjection ! Mais c’est aussi une occasion en or pour Sawa de montrer la perversité du garçon : elle va lui imposer de porter la tenue de sport de Nanako sous ses vêtements durant leur rendez-vous mais surtout, il devra lui arracher un baiser. Encore une fois, Takao se révèle incontrôlable et il se montre des plus séducteurs durant son tête-à-tête avec Nanako. Et comble de l’outrage, il va demander à son âme sœur de vivre une relation platonique. C’est la goutte qui fait déborder le vase ! Dans une réaction de colère, Sawa renverse un seau d’eau sur le garçon pour révéler ce qu’il porte sous son T-shirt....

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“Les Fleurs du Mal” est à l’origine un recueil de poèmes de Charles Baudelaire. A sa parution en 1857, ce recueil fait scandale car les poèmes abordent sans tabou des sujets comme le mal-être, le dégoût du mal et souvent de soi, l’obsession de la mort et l’aspiration à un monde idéal. Charles Baudelaire est ainsi à l’origine du terme spleen, cette mélancolie menant au profond désespoir. Ce sentiment sera incarné par Takao dans cette série de Shuzo Oshimi, reprenant comme titre celui du célèbre recueil de Baudelaire. Takao va découvrir l’attrait du mal et le désespoir que celui-ci engendre. “Les Fleurs du Mal” est une véritable descente aux enfers pour ce garçon, une descente guidée par la terrible Sawa. Shuzo Oshimi aborde un sujet loin d’être simple : la perversion sous toutes ses formes. Le mangaka s’est fait connaître en France avec la série “Dans l’intimité de Mari”, aux éditions Akata, une oeuvre plus récente que “Les Fleurs du Mal”.

Qui est le vrai pervers ? Takao qui a volé impulsivement les vêtements de celle qu’il aime, de sa muse ? Ou Sawa qui va torturer le garçon avec des jeux toujours plus pervers les uns que les autres ? Sawa veut révéler la perversité de Takao et montrer à tous qu’il n’est pas le gentil garçon qu’il veut paraître, mais n’est-elle pas en vérité en train de démontrer sa propre perversité ? Ces deux premiers tomes développent ce sujet avec un côté malsain parfaitement assumé par le mangaka. Takao devient la victime des chantages de Sawa, mais le jeune jeune accepte également sans trop de difficultés quasiment toutes les contraintes que lui impose la jeune fille. En fait, plus le temps passe, plus il devient une proie facile. Est-ce un syndrome de Stockholm ou la révélation de son moi profond ? L’ambiguïté demeure sur les deux tomes et Sawa joue avec une férocité atroce sur son hésitation, usant de viles stratagèmes pour mettre le garçon en porte-à-faux. Mais quel est le mal profond qui taraude la jeune fille ? Une haine des hommes ? Mais pour quel raison. Elle est perfide, sadique... perverse. Difficile de ne pas utiliser ce mot dont elle use et abuse durant les deux tomes.

L’atmosphère qui se dégage de ces deux tomes est particulièrement malsain car les deux protagonistes sont haïssables à souhait. Sawa, tout naturellement par son jeu que certain pourrait qualifier de minable avec Takao. Elle connaît ses faiblesses et les utilise sans le moindre remord pour abaisser le garçon plus bas que terre. Takao est tout aussi exaspérant car sa mollesse et sa réactivité de mollusque laisse douter de son innocence. La scène finale du tome 2 est tout bonnement édifiante et surprend par sa violence, sa force incroyable. Et c’est là à la fois la puissance et la faiblesse de cette série. Sa puissance car Shuzo Oshimi montre un talent de scénariste impressionnant, capable de pousser ses personnages jusqu’à leurs limites, jusqu’à sortir de leur normalité car c’est bien là ce que cherchent les deux personnages : à ne plus être normaux dans ce monde débordant de cette normalité qui les rend malades, qu’ils vomissent par leurs actes. Mais c’est également la faiblesse de cette série car il devient très difficile de placer le curseur du public pouvant la lire sans un avertissement. Le classement en tant que seinen est largement justifié.

Le dessin de Shuzo Oshimi colle parfaitement à cette histoire. Si les traits des visages sont assez classiques, les personnages sont très expressifs et permettent de ne pas s’attarder sur des membres d’une minceur qui pourrait inquiéter en comparaison du reste du corps. Si Shuzo Oshuimi aborde la perversion, il ne se laisse pas une seule seconde tomber dans le sado-maso ou le sexy. C’est d’ailleurs une force de cette série : faire passer toute la perversité de chaque scène uniquement par les dialogues et des situations qui pourraient paraître anodines sans un certain contexte. Shuzo Oshimi nous explique dans les inter-chapitres certaines références à son enfance, à sa propre histoire. Evidemment, Takao n’est pas une incarnation du mangaka, mais à voir tous éléments de son histoire que place l’auteur dans cette série, n’y aurait-il pas une autre forme de perversion ?

“Les Fleurs du Mal” n’est pas une série facile d’accès et demande au lecteur une certaine préparation de son état d’esprit, car il est si facile de se laisser bercer et séduire par ce terrible spleen de Charles Baudelaire. A noter que cette série comprend onze tomes.


Les Fleurs du Mal (T1 et 2)
- Auteur : Shuzo Oshimi
- Traducteur  : Thibaud Desbief
- Éditeur français : Ki-oon
- Format : 115 x 175, noir et blanc - sens de lecture original
- Pagination  : 208 (T1) et 192(T2) pages
- Date de parution : 12 janvier 2017
- Numéro ISBN  : 979-10-327-0070-9 ; 979-10-327-0069-3
- Prix : 6,60 €


AKU NO HANA © Shuzo OSHIMI / Kodansha Ltd.
© Ki-oon - Tous droits réservés



Frédéric Leray
23 janvier 2017




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