Si Sae ne connait rien d’Ifen, ce n’est pas le cas d’Ethiel. Vidanno lui raconte alors le sinistre passé du jeune homme. Lorsqu’il était encore un enfant, Ethiel vivait avec ses parents sur le navire la Lanterne. Malheureusement, le bateau fut attaqué par une troupe de soldats Iféniens. Après avoir brûlé le navire, les soldats assassinèrent les parents d’Ethiel devant ses yeux. L’enfant fut marqué à vie par cette tuerie et s’il ne montre pas cette cicatrice, il voue une haine sans borne pour tout ce qui est Ifenien. Alors en apprenant l’ultimatum lancé à Alchimia, il ne peut réfréner sa rage. Toutefois, la guerre va les rattraper plus vite qu’ils ne le pensait. Alors que l’Atelier fait escale dans une ville portuaire, celle-ci subit l’assaut d’une troupe d’Ifeniens menaçant les habitants pour qu’ils leur livrent les alchimistes se cachant dans le village. Devant le refus de ces derniers, les soldats commencent à tuer aveuglément tous ceux qui se dressent devant eux. Ayant perdu de vue les autres membres de l’équipage, Sae se retrouve face à un soldat, mais contre toute attente ce dernier l’épargne alors qu’il est parfaitement conscient qu’elle est une alchimiste. Pourquoi Idan a-t-il agi ainsi ? En tout cas, il va rapidement le regretter...
“Alchimia” est un manga un peu particulier car il est le fruit du travail de deux jeunes françaises. Le scénario est signé Samantha Bailly. Munie d’un Master en littérature et d’un Master professionnel en édition, elle se dirige dans un premier temps vers les jeux vidéos. Elle publie à vingt ans son premier roman, “Oraisons”, qui obtiendra le prix Imaginales des Lycéens en 2011. Avec des écrits plutôt tournés vers un jeune public, elle s’inspire de tout ce qui nourrit son imaginaire. Et c’est donc avec “Alchimia” qu’elle aborde aujourd’hui le monde de la BD à travers le style manga. Pour cette série, elle s’associe avec Miya, qui débuta dans le monde de l’édition et du manga avec “Vis-à-Vis”, publié chez Pika en 2006. Après avoir fait une pause et travaillé sur des sujets aussi divers que des affiches de festival ou des dessins de lingerie sur le thème du manga, elle revient donc à ses premières amours avec “Alchimia”.
L’histoire d’“Alchimia” est venue d’un thème très simple : celui d’un navire itinérant et de la vie de son équipage. Samantha Bailly a choisi de développer cette idée dans un monde imaginaire, où la magie est incarnée par les alchimistes, capables de transformer les souvenirs en matière, changer les émotions ou encore modifier les matériaux, activité la plus connue avec ceux capables de transformer le plomb en or. Mais l’univers d’“Alchimia” n’est pas des,plus sereins. Leur voisin, le royaume d’Ifen, estime blasphématoire les actes des alchimistes et les traque pour les tuer. Samantha Bailly ne peut être plus dans l’actualité côté contexte politique de son histoire. Difficile de ne pas faire le lien avec des actes d’extrémistes religieux ou encore de pures racistes. Car la haine des alchimistes par les Ifeniens a nombre d’échos dans notre histoire passée et récente. Un sujet fort mais aussi idéal pour un shojo car il permet de créer le fameux amour impossible, façon “Roméo et Juliette” car évidemment, notre jeune héroïne, Sae, tombe amoureuse d’un Ifénien qui s’avère à l’opposé de ses semblables. Bon d’un autre côté, c’est aussi quelque peu téléphoné et notre jeune scénariste ne va pas éviter les poncifs du genre, entre le coup-de foudre, l’héroïne cachant son beau sauveur dans le navire... Sans compter la rencontre entre ses deux prétendants. Le triangle amoureux est parfait avec le personnage d’Ethiel qui hait viscéralement les Iféniens. La dramaturgie des plus classiques est posée.
Oui, sans le contexte intéressant s’il est bien développé de la guerre entre Ifen et Alchimia, nous serions dans un shojo d’une grande banalité. Mais c’est avec ce genre de petit plus que la série pourra tirer son épingle du jeu dans un marché du shojo hyper formaté pour les jeunes filles fleur bleue. Le dessin de Miya est un réel plus à “Alchimia”. Même si les axiomes graphiques des shojo sont suivis à la lettre (décors quasiment inexistants, focus quasi systématique sur les personnages), les protagonistes sont facilement reconnaissables et l’action est très claire. Les tenues possèdent les détails nécessaires pour immerger la lectrice dans cet univers plus proche de l’héroic fantasy ou des “Contes des Mille et Une Nuits”. La lecture est fluide et plutôt agréable. Il faut noter que les combats sont de bonne facture et font vraiment corps avec l’histoire d’amour qui prend peu à peu toute sa force. Espérons que le destin de Idan et Sae ne prendra pas le chemin de celui de “Roméo et Juliette”.
Pour une première oeuvre version manga, demandant un travail de synthèse plus compliqué que pour un roman, Samantha Bailly s’en sort plutôt bien, soutenue par le dessin de bonne facture de Miya. Espérant que l’intérêt persistera dans les tomes suivants.
A noter que la couverture de ce tome est réversible, suivant que vous préférez voir Sae en compagnie d’Idan ou d’Ethiel.
Alchimia (T1)
Scénario : Samantha Bailly
Dessin : Miya
Éditeur français : Pika
Format : 120 x 180, noir et blanc - sens de lecture original
Pagination : 196 pages
Date de parution : 26 octobre 2016
Numéro IBSN : 9782811622930
Prix : 7,50 €
ALCHIMIA © MIYA / Samantha BAILLY / Pika Édition