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Finnele (T2) Dommages de guerre
Anne Teuf
Delcourt

Lors du retour au village d’Oberaspach, devenu Aspach-le-Haut à la fin de la guerre, beaucoup ont découvert leur maison abîmée par les combats d’artillerie. La demeure des Koehrlen est juste bonne à détruire et à reconstruire en partant de zéro.
En 1920, Finnele a 14 ans, elle assiste aux problèmes rencontrés par ses parents : attente du passage de l’architecte, puis démarrage du chantier de reconstruction et surtout les difficultés à payer les travaux. Chaque sou compte et pour aider, Finnele trouve un emploi à l’épicerie du village. Sa mère lui prend quasi l’intégralité de ses gages.
Les temps sont durs, les tensions sont vives, car les dommages de guerre n’arrivent pas pour aider à la reconstruction, le passage de l’Allemagne à la France ne remporte pas l’adhésion de tous les Alsaciens, notamment quand il est question de la remise en cause du Concordat.



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Avec “Dommages de guerre”, Anne Teuf raconte l’après-guerre vécu par sa grand-mère Finnele, soit Joséphine en français.
Pour bien comprendre cette tranche du passé alsacien, il faut toujours garder à l’esprit que suite à la guerre de 1870, l’Alsace et la Moselle sont devenues allemandes. Il est d’ailleurs regrettable que les dialogues ne reflètent pas clairement comment s’expriment les personnages. Ce n’est que lorsque quelqu’un les interpelle en français que l’on comprend qu’ils s’exprimaient en alsacien entre eux. Beaucoup ne connaissent pas le français de par le contexte historique.
De plus, l’Alsace et la Moselle sont toujours sous le régime du Concordat. En effet, lors de la promulgation de la loi sur la laïcité, elles étaient en territoire allemand. Après guerre, la remise en cause de ce régime spécifique entraîne un vif tollé et de grandes manifestations pour le défendre.
À juste titre, Anne Teuf s’intéresse aussi bien à la vie quotidienne de sa famille qu’à la réalité alsacienne du moment. Entre les deux ennemis de la Guerre 14-18, le peuple alsacien balance. Le contexte est très bien rendu et pour cette cause plus grande, le cadre change. Le lecteur quitte Aspach-le-Haut pour Mulhouse où les contestataires se regroupent pour exprimer leur désapprobation.
Anne Teuf joue habilement sur les deux tableaux. D’un côté, l’intimiste avec Aspach-le-Haut et ses proches environs et de l’autre, l’historique plus général avec les deux grands villes haut-rhinoises, Mulhouse et Colmar.

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L’après-guerre ne signifie pas la fin des combats, car le retour à la normale s’annonce aussi comme un combat, un défi à relever. La maison des parents de Finnele n’est plus qu’une ruine. Avec quel argent reconstruire ? Celui des réparations promis par l’état français, mais qui n’arrive jamais... Les enfants travaillent déjà très jeunes et, en l’occurrence, la mère tient les cordons de la bourse. L’homme de la maison est d’un caractère bien différent, plus dépensier, plus charitable, alors que sa femme reste terre-à-terre et s’attire l’inimitié de ses propres enfants. La fin est d’ailleurs symptomatique de la situation. Se sentant trahie, Finnele quitte les siens pour aller chercher du travail à Paris.

La vie de tous les jours est devenue une épreuve pour tous. Le sol cache encore de nombreux obus non explosés. Ils font partie du décor et il faut faire avec, car les gens n’ont finalement pas le choix. De même, il ne faut pas faire la fine bouche pour trouver du travail et accepter bien des vexations.
D’autres problèmes se posent aussi, certains ont fait la guerre sous le drapeau allemand, d’autres sous celui de la France. Des Allemands ont grandi toute leur vie en Alsace et deviennent soudain des personnes à chasser d’un territoire redevenu français. La situation est pour le moins compliquée, elle crée de vives tensions et des injustices.
Dans le dossier final, un aperçu de cette politique d’épuration est présenté à travers des cartes d’identité qui sont différentes selon ses origines. L’autre est montré du doigt, identifié à l’ennemi, alors que tout ce petit monde a souvent vécu ensemble en toute intelligence auparavant.
C’est dans ce contexte que grandit Finnele, obligée de s’adapter pour aider ses parents à la reconstruction. L’époque est difficile, aussi bien au niveau du village qu’au niveau de la région avec la remise en cause d’acquis que la majorité ne veut pas abandonner.

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Le dessin en noir et blanc fait merveille. C’est une bonne idée de ne pas le cantonner à des cases restrictives, ce qui lui offre une plus grande liberté. Les lieux sont très bien rendus et ceux qui les connaissent apprécieront d’autant leur lecture. Les traits des personnages sont expressifs. Finnele est à un âge où elle grandit rapidement et cela se ressent très bien dans l’album. Il est facile de distinguer les protagonistes pourtant nombreux, ce qui améliore la compréhension du récit.

Anne Teuf nous offre une tranche de vie alsacienne, riche en enseignements, qui mérite d’être mise en avant. Les conséquences de la Grande Guerre ne se sont pas arrêtées avec l’armistice. Le retour à la normale s’est fait dans la douleur dans les zones proches des combats. Par leurs aînés, les Alsaciens connaissent l’histoire de leur région. Pour les autres, l’occasion est belle de découvrir le contexte particulier de l’époque, dont certains effets sont encore visibles aujourd’hui.


(T2) Dommages de guerre
- Série : Finnele
- Scénario & dessin : Anne Teuf
- Éditeur : : Delcourt
- Collection : Encrages
- Site Internet : le blog de Finnele
- Dépôt légal : 8 juin 2016
- Format : 16,6 x 23 cm
- Pagination : 214 en N&B
- Numéro ISBN : 978-2-7560-6627-1
- Prix public : 15,50 €


A lire sur la Yozone :
Finnele (T1) Le front d’Alsace


Illustrations © Anne Teuf et Éditions Delcourt (2016)




François Schnebelen
30 octobre 2016




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