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Affaire du Siècle(L’) (T2) Vampire à Louer
Jean-Jacques Beineix & Bruno de Dieuleveult
Au Diable Vauvert - Cargo Films

La belle Cora et le romantique Tony sont deux vampires aux pouvoirs très affaiblis. Heureusement, ils rencontrent Brand, un maître du sang en pleine possession de ses moyens, et visent un double objectif : redevenir de vrais vampires et braquer le mafieux du coin afin d’acheter un château made in Transylvanie d’origine !
Bonne pioche car la conjoncture est à l’intolérance et aux bandes de fanatiques religieux armés jusqu’aux dents.



Voici donc la BD qui déchaîne les passions, fait du bruit dans Landerneau, révolte les uns (la majeure partie des sites internet spécialisés BD et la “grande” presse) et fait monter les autres (Jodorowsky, par exemple) au créneau. Il faut dire que cette BD a pour pères Jean-Jacques Beineix (cinéaste, producteur) et Bruno de Dieuleveult dont le milieu graphique hexagonal ne reconnaît qu’une qualité, celle de savoir dessiner des storyboards.
Bonjour l’ambiance...
Fidèle à son statut d’état neutre, indépendant (pas de pub, pas de fric) et tout entier dédié à l’imaginaire (une passion), la Yozone s’est frottée à « Vampires à Louer » sans a priori.

La série développée par Jean-Jacques Beineix et Bruno de Dieuleveult est une œuvre typiquement burlesque. Pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour le comprendre et l’admettre. Brand est un vampire provocateur, louchant avec concupiscence sur les attributs féminins, pratiquant un humour de mauvais goût certain et ne détestant pas le chorizo. Il use et abuse des stratagèmes rendus possibles par son statut, avec un plaisir évident. Pour le moment, Cora et Tony paraissent un peu en retrait et sucent la roue de Brand avec une grande modestie.
Dans les interstices, mafia, agités ultra-religieux et puissances financières et politiques s’agitent en coulisse. Bref, notre société occidentale n’est plus très jolie, jolie...

De fait, pour peu que l’on veuille bien accepter le postulat burlesque et satirique de départ, le scénario tient la route et possède une logique interne incontestable.
Le graphisme est lui aussi logique et conforme à l’histoire qu’il est censé servir. Les couleurs flashantes (voire fluos et agressives) sont un des éléments moteurs du ressort humoristique. Si l’on n’avait pas ces roses pétants, ces verts « chlorophyllisés » à l’extrême, cette asymétrie permanente des visages et des perspectives, où serait donc le lien qui doit forcément unir un scénariste et un dessinateur ?

Ce second volet s’avère par ailleurs bien plus maîtrisé graphiquement que le premier opus (« Château de Vampire à Vendre »). On le constate d’évidence, le dessinateur a trouvé son style que cela plaise ou pas. Il est clair que le propos comique de « L’Affaire du Siècle » doit aussi beaucoup aux outrances de la Comedia Del Arte. Penser que Jean-Jacques Beineix n’a pas réfléchi à cela est quand même un signe de mauvaise foi évidente.
Certes, la série rompt franchement avec des critères admis. Elle transgresse certaines des règles du genre (cadrages, couleurs) et aurait mérité une relecture plus attentive des bulles de dialogues et de leur lettrage. Ok, on n’est pas obligé d’aimer toutes les saillies verbales proposées. On peut même ne pas aimer les films de Jean-Jacques Beineix (« Diva », « 37,2 », « La Lune dans le Caniveau », « Roselyne et les Lions », « IP5 », « Mortel Transfert » -ce qui n’est pas mon cas), tout est affaire de goûts et de choix personnels, mais un jugement impartial doit aussi se nourrir de critères artistiques objectifs.
Ne pas reconnaître un certain charme à quelques pleines pages (23, 24 ou 65), un sens du cadre très cinématographique à d’autres (la dernière, par exemple) serait une aberration.
Faire semblant de croire que cette BD ne serait que le fruit du hasard ou un coup médiatique serait aussi une erreur. Oui, tout cela a un sens qui n’est pas choquant ou indicible. Non, sa publication ne met pas les arts graphiques en péril (faut peut-être pas pousser non plus). Et oui, on peut très bien l’acheter sans aucune honte et la lire avec plaisir.

On peut même “tilter” sur quelques détails qui amènent la BD sur des chemins que l’on n’attendait pas obligatoirement. Ne pas reconnaître dans certains des personnages des caricatures de politiciens bien contemporains confine à la cécité. Partant « L’Affaire du Siècle » use et abuse (tout comme le vampire Brand) des principes du média BD pour faire passer quelques messages sur notre époque et sur son lent glissement vers l’indicible -qui devrait régulièrement sauter aux yeux d’un plus grand nombre...

Alors oui, Beineix et de Dieuleveult savent exactement où ils vont. Bien sûr, ils ne nous réservent pas la sempiternelle histoire du “héros christique armé de sa baguette magique qui part à la chasse aux dragons pour sauver sa bien-aimée”. Non, ils utilisent via l’adaptation du roman « La Vierge de Glace » de Marc Behm, un principe créatif vieux comme le monde :
- Transgresser la morale du moment, verser dans le comique le plus total pour nous dire autre chose.

Quand les vampires possèdent les statues hindoues par surprise (et par derrière !), matent les postérieurs féminins avec délectation, braquent les mafieux et cassent du facho-religieux-hystérique, j’ai plutôt tendance à croire que tout n’est pas perdu en ce bas monde.
Par les temps souffreteux et moralement corrects qui courent, ça a plutôt tendance à me rendre de bonne humeur. Vivement le tome 3, que l’on reprenne vite quelques tranches de débauche et de chorizo !
Pourvu que ça dure... en plus dur !

Fiche Technique
Titre : Vampire à Louer
Série : L’Affaire du Siècle (T2)
Scénario : Jean-Jacques Beineix
Dessins : Bruno de Dieuleveult
Couleurs : D. Roubane & Jean-Jacques Beineix
D’après le roman : « La Vierge de Glace » de Marc Behm
Éditeurs : Au Diable Vauvert - Cargo Films
Site Internet Album : Vampire à Louer(T2)
Lien Amazon : Tome 1, Château de Vampires à Vendre (Glénat-Cargo Films)
Pages : 96 (couleurs)
Format (en cm) : 25 x 1 x 32 (cartonné)
Dépôt légal : Janvier 2006
ISBN : 2846261008 - VAU 0932
EAN : 9 782846 261005
Prix : 15€

Interview et vidéo Yozone exclusives de Jean-Jacques Beineix : activez le lien

© photo : Stéphane Pons-Yozone.
© dessins et illustrations publiés avec l’aimable autorisation des éditions Au Diable Vauvert et Cargo Films.



Stéphane Pons
26 février 2006




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Le tome 2 d’une série très contreversée



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Où la musique n’adoucit pas obligatoirement les moeurs !



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Brand : un vampire très saignant !



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La belle Cora flaire le bon coup !



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Alors que le très réservé Tony est plus prudent.



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Jean-Jacques Beineix persiste et signe !



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Un premier opus qui fit couler beaucoup d’encre (et un peu de sang).



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