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Reste de leur vie (Le)
Jean-Paul Didierlaurent
Au Diable Vauvert, roman, 272 pages, mai 2016, 17€

Après le succès du « Liseur du 6 h. 27 », après l’excellent recueil de nouvelles « Macadam », Jean-Paul Didierlaurent est de retour avec un second roman, « Le reste de leur vie ».



L’un soigne les morts, l’autre les vivants. Le jeune Ambroise a perdu l’estime de son père, prix Nobel de médecine, en devenant thanatopracteur. La vie n’est pas simple pour le jeune homme qui vit chez sa grand-mère et peine à nouer avec les uns et les autres de véritables relations sociales : lorsque les personnes qui le rencontrent prennent conscience de son métier, refus et rejet sont de règle. Manelle, aide à domicile, est enjouée, futée, observatrice – qu’ils soient acariâtres ou charmants, les gens dont elle s’occupe méritent le détour. Le vieux Samuel, rescapé d’une époque bien ténébreuse, et qui voit la faucheuse se rapprocher à tire d’elle, rencontre Manelle, puis Ambroise. Ils vivront tous les trois une aventure singulière.

« L’ennui a de la place pour s’installer, se faufile entre nos souvenirs et nos regrets, remplit les vides. C’est une noyade qui ne prend fin qu’avec nos derniers souffles »

Il est difficile de parler du « Reste de leur vie » sans révéler les dessous de l’intrigue, aussi nous contenterons-nous de formuler quelques-unes des questions auxquelles répond ce roman. Comment un embaumeur peut-il bien s’y prendre pour dissimuler sa profession aux gens qu’il rencontre ? Est-il possible de mettre en échec des années durant un vieillard acariâtre qui vous pousse à la faute ? Un chat borgne, anorexique et couturé de cicatrices, peut-il séduire une vieille dame en se jetant sur le gâteau qu’elle vient de cuisiner ? Peut-on raconter durant des années des histoires à son thanatopracteur ? Est-il possible de faire transporter son propre cadavre en faisant croire à son chauffeur que l’on est encore vivant ?

« Cette femme était comme ces très vieux mirabelliers qui, malgré un tronc fendillé de toute part et une écorce cassante et desséchée, continuent de renaître tous les printemps pour donner les meilleurs fruits l’été venu. »

Il y a dans « Le Reste de leur vie » une volonté nette de s’inscrire dans l’air du temps (Ikéa, les fraises Tagada, Tolkien, King et Rowling comme lectures d’enfance), mais aussi, tout comme dans « Le liseur du 6h27 », de créer une petite musique singulière, de pointer du doigt les mille et une petites choses qui font la magie de l’existence. « Le Reste de leur vie  » est écrit pour plaire et cela se sent. Il y a ici et là des situations qui sont aussi des clichés, il y a l’inévitable histoire d’amour entre Ambroise et Manelle (qui l’eût cru ?) qui fleure peut-être un peu la guimauve, tout comme les retrouvailles familiales entre les uns et les autres. Mais l’on trouve aussi dans ce roman ces petits détails qui font mouche, cette tendresse de l’auteur envers ses personnages qui déjà faisait le charme du « Lecteur du 6h27 ». On savourera, par exemple, le tableau de création forcenée de néologismes par une arrière-grand-mère qui veut à tout prix gagner au scrabble, ou la très belle idée de ce défunt qui se fait enterrer costumé et grimé en clown.

Les esprits chagrins feront remarquer qu’écrire sur la vieillesse n’a rien de nouveau, et semble même suivre une certaine tendance, que montrent certains romans comme « Comment braquer une banque sans perdre son dentier », « Le Gang des dentiers fait sauter la banque » de Catharina Ingelman-Sundberg ou encore « La Balade des pas perdus » de Brooke Davis. Il n’empêche : il fallait un courage certain et un certain goût du risque, après avoir rencontré le succès avec ce thème universel qu’est la lecture, pour associer ces deux thématiques moins attirantes que sont la fin de vie et la thanatopraxie. Tout l’art de Jean Paul Didierlaurent est d’avoir parvenu à en faire de ce récit une histoire lumineuse. En effet, malgré une certaine âpreté, notamment dans les premiers chapitres – car la narration se veut aussi sans fard – « Le Reste de leur vie  » est agencé pour apparaître aussi comme un roman plein d’espoir.

Si les pages du « Reste de leur vie » sont numérotées jusqu’à deux-cent-soixante-douze, ce petit livre, une fois décomptés les blancs de tête et de fin de chapitres, n’en compte guère plus de deux cents. On est donc dans un format analogue à celui du « Liseur du 6h27 », qui suffit amplement à l’auteur pour en dire plus que bien d’autres dans d’épais pavés. « Le Reste de leur vie » est donc un petit roman vite lu, mais aussi un roman à la fois sérieux et fantaisiste, à la fois profond et léger, à la fois âpre et optimiste, qui mérite amplement les deux ou trois heures que l’on y passe. Un de ces romans que l’on voit très bien le désormais fameux « Liseur du 6h27 » ouvrir dans un compartiment de train bondé pour en commencer la lecture à voix haute et, peu à peu, captiver ou charmer ses voisins.


Titre : Le Reste de leur vie
Auteur : Jean-Paul Didierlaurent
Couverture : Didier Fontvielle /offparis.fr
Éditeur : Au Diable Vauvert
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 272
Format (en cm) : 13 x 20
Dépôt légal : avril 2016
ISBN : 9791030700596
Prix : 15 €



Jean-Paul Didierlaurent sur la Yozone :

- « Le Liseur du 6h27 »
- « Macadam »


Hilaire Alrune
13 juin 2016


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