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Dragons de la Cité Rouge (Les)
Erik Wietzel
Milady, Fantasy, roman (France), fantasy, 377 pages, août 2015, 8,20€

Alec Deeran était autrefois un prometteur officier de l’armée du royaume de Redfelt. Favori de la future reine Eline, il a pourtant tout abandonné pour devenir chasseur de primes. Au cours d’une mission, il tue des hommes possédés et parmi eux, le roi de Redfelt. Son sens de l’honneur le pousse à revenir voir son ancienne amante qui lui apprend que le prince a été enlevé, et son époux convoyait la rançon réclamée, une épée qui contiendrait les âmes des 3 dragons qui furent vaincus à Redfelt trois siècles plus tôt. Alec se laisse convaincre de retrouver l’épée et d’achever la mission, sauver le prince.
Pour l’aider, il a Arkan, un dragon d’onyx banni par son clan, et Shen Sey, une mystérieuse femme avec qui il a noué un pacte non moins mystérieux.
Le prince Nathan est emporté loin au sud par ses ravisseurs, dirigés par Meg-Hator, un sorcier possédé par l’âme d’un dragon, qui veut réveiller ses frères enchâssés dans l’arme magique. Alec part sur ses traces, mais en chemin il va découvrir la magie qui hante son arme, et croiser la route de personnages bien décidées, pour diverses raisons, à le voir échouer.



Les fans de fantasy ne pourront que sourire à la lecture du bandeau imprimé en couverture : l’ouvrage est chaudement recommandé par Maxime Chattam, best-seller de thrillers. Autant dire une pointure dans le genre qui nous occupe. Chattam et Wietzel étant tout deux membres de La Ligue de l’Imaginaire, on sent plus le coup de pouce d’un collègue prêt à défendre la qualité française face à l’envahisseur anglo-saxon. Et un nom connu peut aussi accrocher sur la couverture...
Et ce n’est pas de refus, car disons-le franchement, « Les Dragons de la Cité Rouge », s’il concurrence sans mal la production moyenne gamme anglo-saxonne, n’est pas, et de loin, le meilleur roman d’Erik Wietzel mais, à la rigueur, une entrée honorable dans le genre pour le néophyte.

L’influence du thriller et de la télévision se font sentir : les scènes sont très découpées, très visuelles (on commence avec notre héros aux prises avec des « zombies » et sauvé in extremis par Shen Sey), le rythme assez haché. Le roman vient d’être adapté en BD, et les illustrations n’arrivent pas à la cheville de la couverture de Magali Villeneuve. Avec le succès de « Game of Thrones », on pourrait espérer... Mais non.
L’histoire recycle bon nombre de clichés de la fantasy, voire de clichés de la fiction tout court : le héros bon-mais-avec-un-secret-qui-l’empêche-d’être-heureux, la reine forte mais qui a perdu son fils, le vilain conseiller qui la détrône mais dont les grands plans s’effondrent parce qu’il a eu les yeux largement plus gros que le ventre, le petit prince qui sort grandi de l’affaire, et même des dragons (« moi j’ai la trahison d’un frère, une romance impossible, et même un dragon », disait Bohort dans un épisode de « Kaamelott »). Certains passages trainent en longueur, d’autres « passages obligés » pour bien comprendre l’évolution des personnages, le réveil du pouvoir de l’épée... sont d’autant plus fatigants qu’ils sont bien écrits.

Car c’est peut-être cela le pire : Erik Wietzel écrit bien.

Et il n’y a rien de plus frustrant que de lire un bouquin de fantasy bien écrit et mené tambour battant se traîner sur des poncifs. On aurait pu, entre les étapes superflues et les passages trop longs, largement réduire d’un quart ces 380 pages. Quand une embuscade dans une ruelle prend plus de pages que la bataille finale, on s’interroge. Quand on passe un chapitre à affronter des elfes morts-vivants juste pour dire « l’épée se gorge de pouvoir et s’éveille, fais gaffe »...

A côté de cela, de grands pans de choses intéressantes sont laissés dans le flou. Si on reconstitue peu à peu les origines du pacte entre Alec et Shen Sey, l’auteur ne lâche que quelques miettes à son sujet à elle : succube, guerrière, prêtresse ? Idem des amours de notre héros, hormis un passage très émouvant, son seul « faux pas » qui coûta la vie à son aimée : l’un des meilleurs chapitres du livre ; loin du bruit et de la fureur, mais tout en passion et en tensions du fait de cette épée de Damoclès qui menace les amants. On aurait voulu en connaître davantage à propos d’Arkan, également. Mais non. La fin ouverte, de rigueur, laissait espérer... mais depuis 2009, rien à l’horizon.

Malgré le gigantisme des distances parcourues (les kidnappeurs sont partis plein Sud), la politique restera au niveau local, le royaume (dont on ne voit que la capitale) contre ses voisins immédiats. Les combats d’Alec se font de lieu en lieu, renforçant cette impression très télévisuelle « un décor/une scène d’action » (voire un peu plus) contre des méchants jetables puisqu’il les terrasse, avant qu’un plus gros ne prenne la suite (jusqu’aux dragons à la fin). Bref, beaucoup de choses sont très mécaniques, et masquent les qualités du texte.

Quitte à découvrir Erik Wietzel, je vous conseillerai davantage « La Porte des Limbes », son premier roman qui vous plonge dans un Paris fantastic-horrifique fin XIXe. On m’a également dit du bien d’« Elamia », sa trilogie de fantasy (rééditée en intégrale en 2015) toute aussi horrifiante pleine de trucs bien dégoutants et de torture qui ne mettent pas en appétit, un pavé qui patiente sur mon étagère pour mes prochaines insomnies...

Tout dépendra donc de votre « profil » de lecteur. Néophyte en fantasy, pas forcément engloutisseur de pages (un petit chapitre avant de s’endormir), « Les Dragons de la Cité Rouge » ne vous déplaira sans doute pas. Habitué des pavés, des trilogies, vous risquez de le trouver... pas inintéressant, mais un peu bancal, longuet et sans grande surprise.


Titre : Les Dragons de la Cité Rouge
Auteur : Erik Wietzel
Couverture : Magali Villeneuve
Éditeur : Milady (édition originale : Bragelonne, 2009)
Site Internet : fiche du roman
Collection : Fantasy
Pages : 377
Format (en cm) : 18 x 11 x 1,5
Dépôt légal : août 2015
ISBN : 9782811214944
Prix : 8,20 €



Nicolas Soffray
25 juin 2016


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