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Origine des Victoires (L’)
Ugo Bellagamba
ActuSF, Hélios, roman-nouvelles (France), 221 pages, octobre 2015, 8€

Il y a l’Orvet, une entité qui pousse les hommes à la guerre et au désordre, car elle se nourrit du Chaos. Pour le contrer, des femmes (car il n’a pas d’emprise sur la gent féminine) luttent en secret, usant de leur influence pour contrer la sienne. Pour ramener les hommes, et l’Humanité, sur les bons rails. Elles sont les Victoires.
Et son grand jeu à lui l’Orvet, c’est de les découvrir et de les tuer. En savourant leur peur et leur échec.
Ce combat a commencé il y a longtemps... et durera encore longtemps.



« L’Origine des Victoires » est une sorte de roman à facettes : des nouvelles « indépendantes », toutes sur le même thème, qui prennent sens dans leur assemblage, loin d’être anodin.

Le « recueil » s’ouvre avec Natacha, en 1973. La sortie mère-fille dans les calanques sera la dernière, la mère le sait, l’Orvet l’a repérée. Il lui faut transmettre le savoir ancestral, uniquement oral, à sa fille. Pour nous lecteurs, tandis que pour la petite fille se lève un voile bien mystérieux, et que disparaît son enfance, on voit l’Orvet s’emparer de deux hommes qui avancent inexorablement vers cette plage, où ils commettront l’irréparable, moitié téléguidés par cette puissance démoniaque, moitié poussés par de vieux atavismes misogynes et des colères à assouvir.
Un premier texte assez violent, qui secoue.

Ugo Bellagamba s’y prend ensuite à rebours pour nous évoquer des Victoires précédentes, leur recrutement (Euphoria, 1932), leurs façons d’agir, de contrer l’Orvet, de sauver les hôtes dont il s’empare, généralement des hommes visionnaires dont il détourne le projet (Patrizia, 1881). Guerrières de l’ombre, prêtes au sacrifice, leur action peut être ponctuelle ou au contraire un combat d’usure. L’auteur leur donne tantôt la parole, mais apprécie de nous coller aux pas des hommes pour mieux nous faire saisir les coups que s’échangent Orvet et Victoire (Gloria, 1270). Nous remontons ainsi jusqu’à l’Antiquité (Egeria, -31), pour constater que les deux camps s’écharpent allègrement, et que si les Victoires « tiennent » à peu près l’Europe méditerranéenne, l’incursion de l’Orvet en « Terre Sainte » et les Croisades qui s’en sont suivies les ont laissées démunies.

Si on pouvait craindre un message féministe martelé, un « women power » scandé à tout va, qu’on se rassure, l’auteur ne refait pas l’Histoire, ne pleure pas sur le sort des femmes. Il montre que la détermination de quelques-unes peut, et a pu, changer le cours des choses. Parfois simplement, dans nos sociétés patriarcales, en changeant un homme. Il évite l’écueil de s’emparer de grandes femmes de l’Histoire (Simone Veil, Louise Michel...), y compris Cléopâtre qui n’apparaît, battue, qu’en creux.

Dans un bond temporel il nous transporte ensuite dans un futur proche (Nadia, 2032) où la lutte, sous l’égide d’une nouvelle génération et dans un champ de bataille désormais mondialisé, est désormais plus directe et... physique. Mais cet épisode est aussi l’occasion de pointer certaines failles dans les deux camps.

Coppélia, la Dernière Victoire, nous envoie dans l’espace, et un futur lointain, avec l’ultime tentative des femmes pour détruire, définitivement, l’Orvet. Le plan est aussi audacieux, cynique que désespéré. Sa fin sait écho au début de cette guerre, narrée dans le dernier texte, (Oruha, -19.000), quand tout a commencé... Et tout est explicité, si vous n’aviez pas déjà eu la puce à l’oreille. L’auteur y énonce, tandis que l’Orvet découvre notre monde et une petite tribu, les vérités fondamentales : les hommes veulent le pouvoir, se battent pour l’obtenir et le conserver un temps ; les femmes le détiennent déjà - le vrai pouvoir et non son illusion - et font le choix de ne pas en priver les hommes. Ensuite, tandis que l’Humanité prolifère, tout n’est plus qu’une question d’échelle... Les ambitions des mâles grandissent avec leur monde, le rôle de garde-fou des femmes engendre les premières Victoires.

Lecteur masculin ou féminin, un très beau livre à découvrir, huit moments où nous (hommes et femmes) avons/serons capables du meilleur au nom du pire, et vice-versa. Le tout sous une magnifique couverture, rappelant tant une amazone que les enluminures dorées à la feuille, un mélange inédit.


Titre : L’Origine des Victoires (version revue et augmentée)
Auteur : Ugo Bellagamba
Couverture : Casimir Lee / Atelier Octobre Rouge
Éditeur : ActuSF (édition originale : Mémoires millénaires, 2013)
Collection : Hélios
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 42
Pages : 221
Format (en cm) : 18 x 11 x1,2
Dépôt légal : octobre 2015
ISBN : 9782917689981
Prix : 8 €



Nicolas Soffray
7 avril 2016


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