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Karthago
Jacqueline H. Osterrath
Collection Eons Futur n°47, 253 pages, octobre 2005, 15,70 €


Mélissa et ses deux cousins, Detlev et Nolte, se retrouvent du jour au lendemain, co-héritiers du riche domaine agricole de Karthago sur la planète Herbst. L’exploitation est gérée sur place par une autre cousine, Cyane, fille de leur oncle décédé et d’une indigène.
Cependant, pour prendre vraiment possession du domaine de Kathago, nos trois co-héritiers devront y rester dix ans sous peine de perdre leur héritage. La tâche paraît réalisable mais c’est compter sans les manœuvres de Jeremy Talbot, qui veut acheter cette propriété à n’importe quel prix, et sans les réactions imprévisibles des habitants originels de la planète Herbst.

Jacqueline H. Osterrath est surtout connue pour avoir créé et animé durant 10 ans le fanzine « Lunatique » qui révéla une bonne palanquée d’écrivains français (Andrevon, Duvic, Fontana, Frémion, etc.) et pour avoir traduit plus de 86 épisodes de la série de space opera « Perry Rhodan » (Fleuve Noir). Se limiter à ce bref résumé d’une longue carrière toute entière dédiée à la propagation de la littérature de Science-Fiction, c’est aller un peu vite en besogne et oublier que Jacqueline H. Osterrath a aussi écrit de nombreuses nouvelles, toutes d’excellente qualité et plusieurs romans d’égale valeur.
En l’occurrence, c’est dans le « Lunatique n°66/67 » de 1973 que l’on peut lire la première version de ce roman. Cette nouvelle édition, révisée par l’auteur, est comme à l’habitude chez Eons, publiée avec une nouvelle inédite d’un autre écrivain. Ici, c’est Clark Dalton, romancier allemand et père avec Karl-Herbert Scheer de « Perry Rhodan », qui livre « Gracié » (nouvelle traduite par Jacqueline H. Osterrath), un joli petit texte, posant avec un humour certain, la question de l’immortalité et de ses funestes conséquences.

« Karthago » est une belle histoire, incontestablement. Au bout de trois pages, le lecteur se retrouve plongé dans le récit et n’a plus qu’une envie, en connaître la fin. L’ambiance SF est tout à fait légitime, bien tenue, crédible et à de nombreux moments, on pense même à du très bon Jack Vance. La planète Herbst, ses habitants, les colons humains et l’environnement socio-économique de cette bourgade du fin fond de l’univers, sont autant d’éléments parfaitement plantés et décrits.
L’intrigue de base, cette histoire d’héritage à conserver, s’avère même plus originale qu’on ne pourrait le croire au départ. Jacqueline H. Osterrath a évidemment mis beaucoup de choses, sans doute très personnelles, dans les nombreux personnages féminins de ce « Karthago ». Mélissa bien sûr et tout particulièrement dans les opinions qu’elle peut exprimer sur ses cousins et sur la gent masculine en général.
Cependant, on n’est pas très loin de penser que Cyane pourrait aussi être une Jacqueline bis, tant la discrétion de son intervention dans le déroulement de l’histoire semble dépasser le simple cadre de son rôle. Il convient donc de prêter une attention soutenue aux propos et actions de ces deux charmantes femmes.
Alors que dans ce type de romans, c’est souvent un héros musclé qui dénoue les fils de l’intrigue, ici pas de souci, « Girl Power » à tous les étages, les mecs comptent pour nada ! Et c’est presque un roman de SF purement féministe que nous avons entre les mains. Bonne idée, ça change et rafraîchit agréablement les neurones !
Autre fait intéressant, un parfum inconscient de plantations et de champs de coton, effluves surannés d’un 19ème siècle où les femmes intervenaient plus qu’on ne le croit aujourd’hui dans la direction des affaires familiales, émerge souvent derrière le décor purement SF de cette aventure d’outre-espace.

Par contre, on ne peut être que réticents et trouver quelques détails un peu bâclés pour tout ce qui touche à cette fameuse civilisation indigène. De prime abord, les “locaux” sont les archétypes du gentil sauvage -en vaguement plus évolués. Puis, une phrase, un aveu, un détail, nous font comprendre qu’ils sont bien plus que cela. Les bougres pratiquent la sélection naturelle des naissances via un conseil des sages qui gère sa race comme s’il s’agissait d’un cheptel bovin (le mot “troupeau” est employé) et l’on comprendra vite qu’ils n’hésitent pas non plus à se livrer à d’autres manipulations, tout aussi contestables.
Certes, elles sont toujours justifiées par le besoin de faire le bien mais sortir de « Karthago » sans qu’une seule fois la question de la légitimité morale de ces actes ne soit vraiment contestée ou débattue, gêne aux entournures. Ces gars-là sont bien gentils mais un peu trop bizarres quand même pour être des saints !

Il n’empêche, malgré ces petites réserves, « Karthago » est un sacré bon bouquin de SF aux qualités quasi ethnologiques incontestables (d’où Jack Vance cité précédemment). Les éditions Eons ont donc eu le nez fin et il faudra bien qu’un jour votre site internet préféré se penche attentivement sur le remarquable boulot réalisé par ces passionnés.

À noter, une superbe couverture de Caza, qui à elle seule vaudrait déjà l’investissement et conforte l’excellente opinion que l’on peut donner de ce « Karthago ».
Bref, vous pouvez y aller en toute confiance car il s’agit d’un bon roman de SF, parfaitement édité et doté d’une superbe couverture. Pas beau la vie ?

Stéphane Pons

Titre : Karthago
Auteur : Jacqueline H. Osterrath
Nouvelle : « Gracié » de Clark Dalton
Couverture : Caza
Collection : Eons Futures, numéro 47
Collection dirigée par : Jean-Luc Blary
Éditeur : Eons Productions, Château Vallée, 59190 Caëstre
Site Internet : Eons
Page internet roman : Karthago
Site Internet illustrateur : Caza
Pages : 253
Format (en cm) : 13 x 2 x 20 (broché, 342g)
Dépôtlégal : quatrième trimestre 2005
EAN : 9 782754 402439
ISBN : 2-7544-0243-8

Prix : 15,70 €
(Versions numériques aux formats “.pdf” ou “Mobipocket” à 4,40 € sur le site des Éditions Eons)


Stéphane Pons
9 février 2006


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