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Je n’ai rien oublié
Ryan Andrews
Delcourt

Ryan Andrews nous présente quatre histoires courtes : “Rouge sang” où des oies sauvages s’écrasent sur le toit d’une maison, “Je n’ai rien oublié” avec un jeune garçon qui a perdu son papa et voit de drôles de créatures, “Tunnel” caché derrière les carreaux d’une salle de bain et “Sarah et la petite graine” mettant en scène un vieux couple qui n’a jamais réussi à avoir d’enfants.
Chacune dégage une atmosphère particulière et étrange, mais attachante.



L’histoire “Je n’ai rien oublié” qui donne son titre au recueil et qui apparaît sur la couverture affiche clairement son influence : une grande créature tenant un parapluie et avançant vers une maison. Hayao Miyazaki et son célèbre Totoro sont ici invoqués.
Découpage géométrique de 6 cases pour chaque planche, aucun texte, rien que du visuel en noir et blanc pour traduire le drame vécu par un enfant qui trouve un exutoire à son chagrin à travers de mystérieuses créatures lui apparaissant la nuit.
La touche de merveilleux apportée par ces êtres aux parapluies peine à contrebalancer la sècheresse du propos. Ce clin d’œil est sympathique, mais sans plus. Il est même bizarre que ce recueil ait repris ce titre particulier, même si cela se comprend au vu de la couverture.

“Tunnel” amène aussi son lot de bizarreries avec ce trou derrière un carreau dans une salle de bain. Le propriétaire découvre qu’un véritable tunnel s’y cache et il décide de l’explorer, attiré par une apparition. Habilement, Ryan Andrews donne à la faïence une colorisation rose, focalisant d’autant l’attention des lecteurs sur le carreau tombant dans l’eau de la baignoire et laissant un trou noir au milieu du mur. De plus, l’élément intriguant du départ trouve une habile conclusion.

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Toutefois, les deux histoires les plus intéressantes se situent en introduction et en dernier. D’ailleurs les deux ont été nominées pour les Eisner Awards 2012 et 2013 dans la catégorie meilleure bande dessinée numérique
“Rouge sang” porte très bien son titre, car au détour d’une page, la couleur rouge nous éclate à la figure et ces seules touches de fantaisie au cours du récit rappelle sans cesse ces oies qui se sont écrasées sur le toit d’une maison, y laissant des traînées de sang. Les enfants sont mis à contribution par leur père pour nettoyer la toiture, mais rien n’y fait, les traces ne s’effacent pas. Elles deviennent leur malédiction car, à chaque punition, ils se retrouvent sur le toit à frotter. Éternel recommencement, sans qu’il y ait de résultats visibles.
Le déroulement se révèle fascinant, d’autant que les enfants, touchés par le drame, imaginent plein de choses. Cette touche de rouge au fil des cases donne à l’ensemble toute sa dimension et apporte un relief bienvenu. Ryan Andrews nous démontre ici toute sa justesse dans le propos et dans le traitement du sujet.

“Sarah et la petite graine” est la plus longue histoire de l’album. Ici, l’auteur ne cherche pas à renforcer le fait marquant au moyen d’une infidélité au noir et blanc, son imagination y suffit. Sarah et Aaron ont acquis une grande maison pour accueillir la nombreuse progéniture qu’ils espèrent avoir. Hélas, Sarah se révèle stérile et les chambres restent inoccupées. Les années passent et, contre toute attente, Sarah qui a maintenant les cheveux gris annonce être enceinte. Le résultat de l’accouchement défie la raison ! Au fil des mois, Aaron s’inquiète de la santé mentale de sa femme...
Ryan Andrews nous délivre une intrigue de toute beauté avec un fait des plus inattendus et saugrenus. Il ne se contente pas de laisser le temps défiler, il ajoute de la dramatique avec les cauchemars d’Aaron, excellents contrepoints à la joie de Sarah. En cette occasion, l’auteur montre son talent à développer des contes merveilleux, à marquer les esprits, ainsi qu’à séduire par une inspiration baignée de poésie.

“Je n’ai rien oublié” constitue une excellente occasion de découvrir Ryan Andrews qui, avec ses dessins bon enfant, développe de très belles séquences chargées d’émotion. Son imaginaire s’avère attachant et, en privilégiant le noir et blanc, il se sert habilement d’une couleur à l’occasion pour insister sur un élément particulier. Le sang des oies sur le toit n’a pas fini de nous hanter...
Un auteur américain indépendant dont on surveillera la prochaine sortie.


Je n’ai rien oublié
- Scénario, dessins & couleurs : Ryan Andrews
- Traduction de l’anglais (US) et lettrage : Nicolas Bertrand
- Éditeur : Delcourt
- Collection : Outsider
- Dépôt légal : mars 2015
- Format : 19,2 x 26,7 cm
- Pagination : 136 pages noir et blanc
- Numéro ISBN : 978-2-7560-6559-5
- Prix public : 16,95 €


© Delcourt, Ryan Andrews - Tous droits réservés




François Schnebelen
6 octobre 2015




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