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Chambre 507
J.C. Hutchins et Jordan Weisman
Pocket, n° 15999, traduit l’anglais (États-Unis), thriller, 406 pages, septembre 2015, 7,30€

Un asile psychiatrique sinistre dans une ancienne carrière de New York. Un thérapeute dont la mission est de déterminer si le responsable d’une série de meurtres est apte à être jugé.



« Car en fin de compte, même les cannibales, les violeurs en série, les nécrophiles, les buveurs de sang, les schizoïdes ultraviolents et les gourous charismatiques doivent bien dormir quelque part. »

C’est dans l’asile psychiatrique de Brinkvale (dont l’histoire est si naturellement décrite que l’on finit par douter de son caractère fictif), construit dans le gigantesque trou d’une carrière de grès de New York, que Zach Taylor, jeune art-thérapeuthe, commence à faire ses preuves. Détesté par les psychiatres, mais soutenu par le directeur, il est chargé de déterminer si Martin Grace, accusé d’une longue série de meurtres, en est ou non mentalement responsable. Des meurtres dont Zach Taylor doute qu’il soit vraiment coupable. Des meurtres que Martin Grace avait prédits avec une justesse effrayante. L’ennui est que le père de Zach, juge bien en vue, a d’ores et déjà décidé de la culpabilité de l’accusé. Et qu’il entend bien faire démettre son fils de cette affaire.

« Vous avez raison d’avoir peur du noir. C’est dans le noir que cette chose chasse le mieux. »

Le roman, c’est évident dès les premières pages, cible un vaste public. Aussi ne s’étonnera-t-on pas d’une psychologie parfois volontairement caricaturale. Le première rencontre entre le narrateur et le tueur est à cet égard exemplaire. L’inversion des rôles est immédiate et, encore une fois, frôle le caricatural. Le prisonnier déduit, décèle, devine mieux qu’un Sherlock Holmes, et surtout manipule son interlocuteur avec une perversité et une facilité désarmantes : enième déclinaison de la rencontre entre Hannibal Lecter et Clarice Starling du fameux « Silence des Agneaux » de Thomas Harris, la scène fait craindre toute une série de redites.

Par bonheur, ce ne sera pas le cas. Les auteurs s’empressent de faire sortir le roman des sentiers battus, de le lancer dans un vacillement perpétuel entre thriller et fantastique. Dès le sixième chapitre, qui lors d’un événement familial fait basculer le roman, le malaise naît, et happe le lecteur. Il y a dans l’affaire Martin Grace trop de zones d’ombre, trop d’impossibilités pour ne pas suspecter des influences dépassant le simple cadre de la psychiatrie. Bientôt, les choses s’emmêlent : le passé de Martin Grace demeure introuvable, comme si l’individu n’était apparu au monde que juste avant les premiers meurtres. Des bribes de ce passé semblent liées à Zachary Taylor lui-même. Notre art-thérapeute, qui souffre d’une peur abominable des ténèbres – il est nyctaphobe depuis l’enfance – se trouve confronté à des subites pannes d’électricité dans les sous-sols de l’institut psychiatrique de Brinkvale. Des pannes que Martin Grace prédit avec justesse, ou même génère lui-même. Et d’abominables ténèbres se mettent bientôt à suinter des murs, dans l’asile mais également dans l’appartement de Zachary.

« Quelque chose de petit s’est brisé dans mon crâne, comme si un rouage s’était détaché. J’ai incliné la tête sur le côté, tâchant désespérément de comprendre. »

Le jeune art-thérapeute s’obstine. En compagnie de son frère, adepte du parkour, et de son amie, virtuose de l’informatique, il poursuivra son enquête bien au-delà de la salle de consultation, n’hésitant pas à enfreindre la loi pour accumuler les indices. C’est ainsi que le roman ne se borne pas à une série de huis-clos étouffants, mais se transforme en véritable thriller à la recherche du passé de Martin Grace. Zachary Taylor plonge dans les ténèbres – les siennes, celles de Grace, celles de sa propre famille.

« Je comprenais soudain comme il pouvait être facile de lâcher prise, de tout chasser d’un haussement d’épaule, de se débarrasser de la mue de serpent fine et sèche que l’on appelle santé mentale. »

« La tache d’encre », « L’homme sombre » : une entité terrifiante qui a tué les proches de Martin Grace et commence à tuer ceux de Zachary Taylor. Entre investigations et passages de pure épouvante, le roman prend un rythme particulièrement soutenu. Et cultivera jusqu’au bout, avec astuce, cette ambiguïté qui est propre au fantastique classique, lézardant sans cesse le réel, accumulant va-et-vient entre rationnel et surnaturel.

Inventif, tendu, nerveux, quasiment frénétique, « Chambre 507 » laisse en définitive une impression curieuse : celle de regarder une très bonne série B plutôt que de lire un livre. Ses personnages, qui ne sont pas vraiment des stéréotypes, paraissent si marqués qu’ils semblent plus sortir d’un blockbuster que d’un roman. L’omniprésence de la facette « geek » et des références à la pop culture américaine fait un peu série télé. Les scènes d’épouvante, si elles sont particulièrement bien rendues, auraient sans doute gagné à être un peu plus littéraires. Tous ces aspects, s’ils ciblent peut-être un peu trop ouvertement le public, ne nuisent pour autant pas à ce roman qui se lit avec plaisir et contient quelques véritables trouvailles. Bilan positif, donc, pour « Chambre 507 » qui assure largement le spectacle et parvient ici et là à sortir des sentiers battus.


Titre : Chambre 507 (Personal Effects : Darkart, 2009)
Auteur : J.C. Hutchins et Jordan Weisman
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Valérie Le Plouhinec
Couverture : Photo12 / Alamy
Éditeur : Pocket (édition originale : Super 8, 2014)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 15999
Pages : 406
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : septembre 2015
ISBN : 9782266250573
Prix : 7,30 €



Hilaire Alrune
17 octobre 2015


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