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Nous allons tous très bien, merci
Daryl Gregory
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (États-Unis), épouvante, 200 pages, août 2015, 16€

Le Dr Jan Sayer a réuni un groupe de parole, dont les cinq membres ont connu l’horreur, mais une horreur qui s’affranchit des frontières du réel et les désigne pour la majorité comme des fous.
Chacun avec ses blessures partage à son rythme les épreuves passées, les atrocités qu’il a rencontrées et qui l’ont changé à jamais.
Stan est un infirme, en partie dévoré vif. Tout le corps de Greta a été scarifié pour la rendre attirante aux yeux d’un monstre. Barbara se demande toujours ce que le Scrimshander a pu graver sur ses os. Martin ne se départit jamais de ses lunettes, lui permettant de voir les abominations vivant cachées dans l’ombre de notre monde, alors que Harrison est le seul survivant des événements de Dunnsmouth, ce qui en a fait le héros d’une série de romans pour la jeunesse.
Chacun à sa manière a vécu l’enfer, découvert l’indicible et doit vivre avec.



Voilà une année, Daryl Gregory a séduit le public et la critique avec « L’Éducation de Stony Mayhall », une histoire de zombies sortant des sentiers battus. « Nous allons tous très bien, merci » n’en était donc que plus attendu, d’autant que le titre a de quoi attiser une légitime curiosité.
L’auteur nous présente l’horreur vécue par les cinq membres du groupe de parole, réunie par le Dr Jan Sayer, intervenant bien peu lors des réunions. Ils n’ont pas été choisis au hasard, tous ont eu droit à une expérience traumatisante les mettant en contact avec le surnaturel. Entre eux, ils ont donc peut-être une plus grande tendance à se livrer.
Chacun possède ses particularités. Alors que Stan s’est tout de suite exprimé sur son cas, Greta est bien plus réservée, plus encline à écouter qu’à parler. Intelligemment, Daryl Gregory a choisi de laisser la parole à tous les protagonistes. Chaque chapitre commence de manière globale avec le groupe, avant que le propos ne se recentre sur un personnage particulier, tout en conservant une certaine distance. Ce procédé nous permet de mieux découvrir chacun et de partager une expérience traumatisante au quotidien.

Cinq victimes, cinq récits différents mais aussi forts. Si pour certains les stigmates sont visibles, pour d’autres, les blessures sont bien plus profondes. Le lecteur est plongé dans une terreur alimentée aussi bien physiquement que psychologiquement. Si Daryl Gregory expose ce qui est arrivé à chacun, il s’intéresse surtout à la suite, à la façon dont ils ont survécu et vivent avec le souvenir et la connaissance de ce qui est tapi dans les ténèbres, ce qui n’est pas très fréquent. La majorité des romans de ce genre préférant exposer les faits pour nous en mettre plein la vue et nous frapper avec des scènes fortes.
À nouveau, Daryl Gregory a choisi une autre voie et surprend par son choix de narration. Il fait preuve d’originalité et dépasse le cadre des simples réunions du départ. Le lecteur se prend vite au récit et apprend de chacun des intervenants.

« Nous allons tous très bien, merci » relève du court roman. Il est d’ailleurs lauréat du Prix Shirley Jackson dans la catégorie novella, celle où il a aussi été nominé pour les Locus, Nebula... Il se lit très vite, car on a envie de savoir là où l’auteur désire nous amener. La surprise est conservée tout du long, l’intérêt toujours intact.
J’aurais simplement envie d’écrire : « ce mec est génial ! » ce qui est pour le moins simpliste, mais a le mérite d’être clair.
En 170 pages, Daryl Gregory nous intègre dans un groupe qui a perdu ses illusions, chacun à sa manière a vu ce qui se cache derrière les choses. Ils ont tous survécu et témoignent de l’horreur tapie dans l’ombre. Cette dernière fait bien sûr penser à Lovecraft, sentiment renforcé par la ville de Dunnsmouth à l’affiliation évidente.
La télévision ne s’y est pas trompée, lançant l’adaptation de ce roman en série. En charge du projet, Wes Craven vient hélas de nous quitter. Donc affaire à suivre...

Daryl Gregory confirme toutes les qualités détectées lors de sa première parution en France. Dans « Nous allons tous très bien, merci », il fait à nouveau preuve d’originalité dans le traitement, apportant du sang neuf à ce type d’histoire, il a vraiment le sens du récit et sait entretenir l’intérêt jusqu’au bout. Malgré eux, les lecteurs entrent dans son jeu et se retrouvent à tourner avidement les pages du livre, plongés qu’ils sont dans les révélations et affres de personnages torturés.
Un auteur incontestablement à suivre !

Cerise sur le gâteau : un entretien de 11 pages nous est présenté en fin d’ouvrage.

Le Bélial’ annonce déjà la sortie d’un troisième roman de l’auteur pour Août 2016. On ne peut que s’en réjouir et trouver le temps long jusqu’à là-bas.


Titre : Nous allons tous très bien, merci (We Are All Completely Fine, 2014)
Auteur : Daryl Gregory
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Laurent Philibert-Caillat
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 200
Format (en cm) : 13 x 20
Dépôt légal : août 2015
ISBN : 978-2-84344-136-3
Prix : 16 €



Autre roman de Daryl Gregory chroniqué sur la Yozone :
- « L’Éducation de Stony Mayhall »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
15 septembre 2015


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