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Enchâssement (L’)
Ian Watson
Le Bélial’, Kvasar, roman traduit de l’anglais (Grande-Bretagne, 1973), linguistique fiction, 352 pages, juin 2015, 23€

Chris Sole mène des recherches linguistiques sur des enfants dans un institut anglais. Dans le même temps, l’ex-amant de sa femme, le Français Pierre Darriand, se trouve en pleine Amazonie dans un petit village menacé par la montée des eaux, car un gigantesque barrage a été construit pour inonder une partie de la forêt. Au-delà du drame humain, il assiste à la possible disparition d’une culture très originale avec deux niveaux de langage.
Quand des extra-terrestres se manifestent, en tant que spécialiste Chris est mis dans le secret et convoqué au Nevada pour la rencontre. Les demandes des aliens ne sont pas sans rejoindre ses propres recherches et le langage enchâssé évoqué par Pierre prend toute son importance.



« L’enchâssement » est le premier roman SF de Ian Watson et c’est celui qui a eu le plus de retentissement dans sa carrière, un peu comme s’il était parti directement du sommet. Dans sa préface, il le regrette d’ailleurs, car il a l’impression que son nom se résume dans l’esprit des lecteurs à ce titre. Ce n’est pas faux !
Quand on parcourt la bibliographie signée Alain Sprauel, on voit que c’est de loin son roman qui a connu le plus de rééditions en France. Il reste d’ailleurs pas mal d’inédits et, dans ses dernières productions, dans les années 1990, quatre appartiennent à l’univers « Warhammer 40,000 ». Ses œuvres les plus marquantes appartiennent donc bien au début de sa carrière, dont « L’enchâssement » constitue le point d’orgue.

Si la renommée de ce roman a survécu aux décennies, c’est dû au fait qu’il met l’accent sur la linguistique, qu’il s’intéresse avant tout à une science humaine plutôt qu’à une science technique. Les romans tournant autour du langage : « Les langages de Pao » de Jack Vance et « Babel 17 » de Samuel R. Delany, sont suffisamment rares pour se démarquer de la production habituelle.
Bizarrement, même s’il ne s’agit pas ici d’une science dure, elle est bien plus difficile à appréhender. Heureusement Ian Watson mène suffisamment bien son récit pour que les lecteurs cernent le sujet. La postface de Frédéric Landragin, chercheur au CNRS, se révèle d’ailleurs instructive, venant étoffer les propos de l’écrivain et surtout montrer la qualité de l’ouvrage qui concilie les deux théories en cours.
C’est là qu’on prend vraiment la mesure du travail effectué par Ian Watson.

Il ne se contente pas de développer sa thématique juste à travers une trame, mais choisit de l’aborder à travers les recherches de Chris sur le langage enchâssé, la rencontre avec les extra-terrestres avides de trouver une langue universelle et la tribu des Xemahoa qui possède un langage à deux niveaux. À plus d’une reprise, il évoque Raymond Roussel et ses textes difficilement lisibles si on n’en possède pas la clé. Il s’en sert comme de point d’appui, de base de discussion et, quand il fait une démonstration, on ne peut que goûter la façon dont les phrases sont tournées pour brouiller les pistes. Même 40 années après sa sortie, le sujet reste d’actualité et surprend toujours par ses implications. Les aliens expliquent bien le potentiel de cette science.
Le début ne s’avère pas forcément entraînant, car le lecteur nage dans un concept qu’il n’a peut-être pas l’habitude de rencontrer, mais le récit décolle vraiment quand la possible rencontre avec une autre race est abordée. Cela permet à Ian Watson de donner plus de rythme, notamment quand il envoie ses personnages sur le terrain.

Il est toutefois dommage qu’il n’ait axé « L’enchâssement » que sur sa dimension linguistique, le reste ne servant que de prétexte. Une fois que les extra-terrestres ont servi, ils sont balayés comme des fétus de paille. Comment adhérer à la facilité avec laquelle les hommes s’en débarrassent ?
Certaines parties auraient mérité d’être plus étoffées et certains choix (une fin pour le moins rapide, faiblesse des moyens mis en œuvre en Amazonie...) sont pour le moins discutables et apparaissent peu plausibles dans le déroulement de l’histoire, mais rappelons qu’il s’agit quasiment du premier roman de l’auteur, ce qui explique certaines faiblesses au niveau de l’intrigue.
D’ailleurs, si le livre comporte 350 pages, le roman « L’enchâssement » est bien plus concis avec moins de 260 pages.
Cette livraison comporte donc une préface de Ian Watson, qui part un peu dans tous les sens, mais n’en est pas moins instructive sur son parcours, ainsi qu’un article sur la linguistique signé Frédéric Landragin et une bibliographie due à Alain Sprauel. Autant dire que l’ensemble est complet et que les ajouts apportent une valeur supplémentaire au roman. Cela permet de mieux appréhender sa valeur et surtout son ambition.

Même si on peut regretter certains développements légers de l’histoire, « L’enchâssement » se révèle un roman très ambitieux, il s’agit d’un classique de linguistique fiction, d’une démonstration éclatante que la science-fiction peut emprunter d’autres voies que les sciences dures, avec tout autant de rigueur dans le traitement du sujet.
Dès ses débuts, Ian Watson a fait très fort et effectivement le reste de son œuvre est effacé par « L’enchâssement ».


Titre : L’enchâssement (The Embedding, 1973)
Auteur : Ian Watson
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Didier Pemerle
Couverture : Manchu
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Kvasar
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 352
Format (en cm) : 15,1 x 22
Dépôt légal : juin 2015
ISBN : 978-2-84344-134-9
Prix : 23 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
19 juin 2015


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