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Secret de l’Inventeur (le), tome 1 : Rébellion
Andrea Cremer
Lumen, roman (USA), steampunk, 406 pages, février 2015, 15€

Les Amériques, XIXe siècle, dans une version où les colons ont perdu la guerre d’indépendance. L’Empire Britannique domine toujours. Quelques poches de résistance perdurent. Dans un réseau de cavernes, les enfants grandissent, attendant leur majorité pour entreprendre la lutte aux côtés des adultes. Mais ils ne demeurent pas inactifs. Dirigés par Ashley, le plus âgé, ils mènent quelques incursions à l’extérieur, à la recherche de déchets de métal indispensables à la fabrication d’armes.
D’une excursion dans la forêt, Charlotte, 16 ans et sœur d’Ashley, a ramené un jeune garçon guère causant car amnésique. Ses vêtements le désignent comme un ouvrier de la Cité Flottante de New York. Malgré ses réticences, Ash accepte qu’il fasse partie du voyage secret qui va mener un petit groupe des plus âgés à la métropole britannique, où ils doivent rencontrer des soutiens à leur mouvement. Le tout grâce à Jack, un nouveau venu, transfuge de la troupe impériale, que Charlotte ne supporte pas (et qui le lui rend bien).
Sous l’alibi de l’entrée de Charlotte dans le monde aristocratique anglais, les voilà infiltrés dans la Cité Flottante, régie par des codes dont la jeune fille ignore tout, au contact d’une société à cent lieues des préoccupations quotidiennes des rebelles. C’est également l’occasion pour Jack de lever le voile sur sa véritable identité, et pour Meg, la soigneuse, de retrouver ses racines.



Après sa série « NightShade », Andrea Cremer se lance dans le steampunk. Genre périlleux s’il en est, puisqu’il ne suffit pas d’habiller son intriguer de vapeur et de cuivre, comme on a un peu la sensation que c’est le cas dans les 50 premières pages, pour faire rétro-futuriste.
L’écriture très vive laisse peu de place à l’explication. Assurez-vous donc d’avoir lu la 4e de couverture avant d’entamer le livre, au risque d’attendre un peu pour grappiller les clés de cet univers. La priorité est à l’action, et aux perturbations sentimentales de Charlotte, l’héroïne de cette histoire.

L’univers des Catacombes fera penser aux Enfants Perdus de « Peter Pan », avec des grands qui jouent aux adultes, guerre secrète oblige, avec des rôles comme Scoff et Birtch, l’un savant fou aux potions dangereuses, l’autre bricoleur de génie. Difficile de savoir d’où leur vient leur science, comme on en sait peu sur à peu près tout.
Pour tout dire, les 150 premières pages sont menées sur des chapeaux de roues, entre le sauvetage de celui qu’on surnommera Grave, faute de mieux, une sortie à la décharge pour chercher du métal et la préparation de l’expédition à New York, cela fait beaucoup d’informations pêle-mêle, au milieu desquels abondent les accrochages entre Charlotte et Jack ou les incursions dans les domaines de Scoff et Birtch. Le tout saupoudré, selon les besoins, de quelques informations sur l’état du monde, et de ce qu’en savent les enfants.

Néanmoins, après cette entrée en matière un peu laborieuse, l’intrigue se recentre sur ce rendez-vous des rebelles à New York. Pour Charlotte, c’est une effrayante aventure, puisqu’elle doit jouer les demoiselles entrant dans le monde de la haute société, tandis que son frère, sous l’apparence d’un domestique, pour aller et venir à sa guise. Elle est plus à l’aise avec un fusil qu’en robe de bal, et craint que le moindre impair de sa part mette toute l’opération en danger. Elle n’a pas tort.

L’arrivée à New York sera l’occasion de faire la lumière sur l’identité de Jack. On s’en doute, il n’est pas n’importe qui. Fils cadet d’un très haut gradé, les portes s’ouvrent toutes devant lui, un sacré coup de pouce pour Ashley. Mais Charlotte doit aussi compter avec Coe, le frère aîné de Jack auprès duquel il passe pour un vilain petit canard.
On ne sera guère surpris que les deux frères développent, chacun à leur façon, des sentiments pour Charlotte, qui se retrouve prise entre deux feux émotionnels, aimant-haïssant l’un et ne sachant pas trop quoi penser de l’autre. On retrouve là la patte d’Andrea Cremer pour les triangles amoureux de jeunes adultes, et si cela n’est pas neuf, dans le fond comme dans la forme, avec des secrets révélés, des trahisons fraternelles et des aveux qui viennent trop tard, c’est suffisamment bien écrit, et entremêlé au reste de l’intrigue, pour qu’on passe un bon moment de lecture sans râler que tous ces sentiments viennent parasiter l’action (pardon, réaction typiquement masculine !).

En parallèle, le petit groupe résoudra le mystère de Grave, un peu cousu de fil blanc : un garçon amnésique, indolent, doté d’une force peu commune, réagissant aux aimants... dans un univers steampunk... Oui, vous avez compris, comme tout le monde passé la page 100 (si la couverture de Benjamin Carré ne vous avait pas déjà mis la puce à l’oreille), sauf les héros. Restera à découvrir le pourquoi et le comment. Mais Andrea Cremer fait cependant de Grave et de sa nature différente un élément clé de sa trame de fond, et c’est très prometteur pour la suite.

Terminons par signaler un humour assez fréquent, pour contrebalancer le dramatique de certaines situations ou de bouleversements sentimentaux, avec des personnages secondaires parfois un peu caricaturaux, comme les époux Ott, dont l’exubérance permanente sert à dissimuler leur double jeu, ou le franc-parler de Linnet, un peu exagéré. À force cependant, tout comme le sentimentalisme, cela peut finir par lasser le lecteur (surtout masculin, désolé, les dames et demoiselles seront peut-être plus clémentes).

Si la combinaison steampunk et politique fonctionne bien, les amateurs de ce genre trop rare devront accepter le pendant sentimental jeunesse dans lequel Andrea Cremer est plus qu’à l’aise, et qui prend peu à peu le pas sur le thème. L’accumulation de détails, les décors foisonnants, les lambeaux de mythologie étouffent le lecteur sous une avalanche visuelle. Est-ce une obligation de la littéraire pour jeunes adultes, que de nous noyer dans des univers très riches ? Si je n’ai rien contre éveiller la curiosité des lecteurs dans de nombreux domaines, il faut parfois savoir se restreindre. L’auteure aborde beaucoup d’aspects (sociaux, politiques, religieux) sans trop en dire, et malgré les incessantes questions de Charlotte à Meg ou Coe, procédé classique pour distiller les informations au lecteur, les blancs à remplir finissent par être nombreux.

Il se passe à la fois beaucoup de choses et très peu en 400 pages, et en un sens on reste sur sa faim au moment du suspense final. Il va falloir attendre la suite, mais le livre étant sorti en avril 2014 aux USA, et sa suite pas encore annoncée, je crains qu’il ne faille s’armer de patience...

En conclusion, un ouvrage d’aventures menées tambour battant, au foisonnement très prometteur, mais qui plaira sans doute davantage aux fans de l’auteure qu’aux jeunes mordus de rétro-futurisme.


Titre : Rébellion
Série : Le secret de l’inventeur, tome 1
Auteur : Andrea Cremer
Traduction de l’anglais (USA) : Mathilde Bouhon
Couverture : Benjamin Carré
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 406
Format (en cm) : 22,6 x 14 x 3,5
Dépôt légal : février 2015
ISBN : 9782371020290
Prix : 15 €


Le Secret de l’inventeur :
tome 1 : Rébellion
tome 2 : L’Enigme du magicien
tome 3 : Le Pari du traître


Nicolas Soffray
19 mars 2015


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