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Bifrost n°77
Rédacteur en Chef : Olivier Girard
Revue, n°77, science-fiction, nouvelles - articles - entretiens - critiques, janvier 2015, 192 pages, 11€

Mélanie Fazi n’est pas une inconnue, loin de là. Ce qui nous vient tout de suite à l’esprit, ce sont ses recueils de nouvelles, plus que ses romans pourtant tous deux primés, ainsi que ses traductions. Sur ce dernier point, je l’associe toujours à Poppy Z. Brite. Le choc de sa découverte a été accompagné du nom de sa traductrice, promise elle-aussi à un bel avenir.
Mais à la question Qui est vraiment Mélanie Fazi ? j’étais bien en peine de répondre avant de lire l’important entretien orchestré par Richard Comballot. Une pépite du genre, car il nous présente une personne qui forge sa bibliographie non sans mal. Le processus de création ne lui est pas facile, cela ressemble un peu à une lutte contre soi-même, une discipline à tenir pour réussir à écrire un texte.



En effet, une bonne année pour Mélanie Fazi se résume à quelques nouvelles, souvent issues d’une très longue gestation. Les parutions de l’auteure sont rares, très rares et sont donc à déguster, à apprécier pour tout le travail fourni. Quand on découvre son parcours, son expérience de standardiste dans un hôtel avec toujours dans un coin de sa tête cette idée qu’elle n’est pas à sa place, que son métier c’est tout autre chose de bien plus passionnant, possède un côté touchant.
Très bonne interview qui donne une belle image de Mélanie Fazi. Impossible de ne pas la trouver sympathique par après, ni de voir passer une nouveauté sans avoir envie de la lire.
Un grand moment de ce « Bifrost », tout comme “La clé de Manderley”, une nouvelle au fantastique discret. Loin d’être immédiat, il s’agit d’une lente immersion dans ce genre distillé par petites touches. Deux frères héritent d’une grande demeure dans laquelle ils ont passé voilà bien longtemps un été en compagnie du demi-frère de leur père et de son compagnon Carl. S’ils en ont gardé un bon souvenir, un certain flou règne toujours. Pour William, resté seul sur place pour faire le tri dans les affaires, le passé revient petit à petit : ses séances de cinéma avec Lucien, les films qui l’ont marqué...
La réalité ne se perce que petit à petit, laissant des brèches dans lesquelles s’engouffre l’étrange, révélant sa présence sans que l’on en prenne vraiment conscience. Le fantastique s’invite en catimini et prend de l’importance au fil des révélations. C’est subtil et prenant avec une économie de moyens dirais-je, car il n’y a pas de surenchère dans les effets.
Une nouvelle qui justifie pleinement le dossier consacré à Mélanie Fazi qui aura séduit les lecteurs de ce numéro.

Autre gros morceau de ce « Bifrost » : “Essaim fantôme” de Greg Egan. Le frère de Nathalie est le genre de gars à s’attirer des ennuis en empruntant de l’argent pour des plans foireux. Passe encore avec sa sœur, mais d’autres peuvent utiliser ce travers, surtout quand ils ont des vues sur Nathalie pour ses capacités de programmatrice de drones. Des drones minuscules pouvant se confondre avec des insectes et capables de bien des choses...
Greg Egan écrit là une fiction spéculative à court terme. Sa capacité à extrapoler notre quotidien, à nous présenter un futur aux accents proches mais où la technologie prend une part toujours plus grande, est impressionnante. Le lecteur n’éprouve pas le sentiment d’être en territoire inconnu, il peut se raccrocher à ce qu’il connaît et qui est juste un peu déformé. De la science-fiction de haut vol qui nous plonge dans un futur plausible et qui est à notre porte.

Stéphane Beauverger s’avère aussi un auteur rare. 2015 s’annonce une grosse année pour lui (dixit la présentation) avec deux nouvelles et un roman. “[Replay]” porte bien son titre, car on pourrait croire toujours lire le même passage avec cette maison en bord de falaise. Cette fausse impression de redite est encore accentuée par une narration à l’envers. On part de la fin pour se diriger tranquillement vers le début de l’histoire. Je ne pense pas avoir tout compris, mais n’en ai pas moins apprécié l’exercice.

Roland Lehoucq et Jean-Sébastien Steyer répondent à la question “De la vie sur les corps glacés ?” Ils ne démontent pas la science des films « L’empire contre-attaque » et « Europa Report », ils s’en servent plutôt pour étayer leurs propos. Changement dans la manière de procéder mais c’est toujours aussi instructif.
À nouveau “La chandelle de Maître Doc Stolze” m’a interloqué par la place consacrée au roman « L’Île du point Nemo » de Jean-Marie Blas de Roblès. Trois pages sur quatre pour nous expliquer pourquoi ce livre est un vaste fourre-tout, en gros du n’importe quoi !

Le premier numéro de l’année, c’est l’occasion de donner les gagnants des Prix des lecteurs de Bifrost 2014 :
- catégorie nouvelle francophone “Forbach” de Thomas Day (« Bifrost 73 »)
- catégorie nouvelle étrangère “Faits pour être ensemble” de Ken Liu (« Bifrost 75 »)
Pour mémoire, ces prix récompensent les meilleures nouvelles parues dans les quatre numéros de Bifrost de l’année écoulée.

Sans parler de révélation, Mélanie Fazi éclaire ce « Bifrost » de sa présence. Et puis du Greg Egan, cela ne se refuse pas. Un très bon numéro.


Titre : Bifrost
Numéro : 77
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Bastien Lecouffe Deharme
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 77, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : janvier 2015
ISBN : 978-2-913039-74-2
Dimensions (en cm) : 14,9 x 21
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article : [email protected]


François Schnebelen
23 février 2015


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