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Géante Rouge n°22
Rédacteur en chef : Patrice Lajoye
Fanzine, n°22, SF - nouvelles - entretiens, 4e trimestre 2014, 192 pages, 11€

Vingt-deuxième livraison de « Géante Rouge », un fanzine aux allures de revue, car il ressemble extérieurement à s’y méprendre à « Galaxies ». Deux au-teurs sont à l’hon-neur : Adriana Lorusso et Bruno Pochesci.
La grande majorité des textes au som-maire sont des textes qui ont par-ticipé au Prix Alain le Bussy 2014, ne l’ont pas rem-porté mais ont été jugés d’une qualité suffisante pour une parution dans « Géante Rouge ». Pour le numéro 21, c’était des bloggeurs qui avaient choisi, cette fois-ci, le mode de sélec-tion a changé.



Vous vous demanderez à la lecture de l’introduction le pourquoi de ces tirets hachant des mots, alors qu’il n’y a pas de renvoi à la ligne. Et bien, je n’ai rien inventé, cette bizarrerie revient régulièrement au fil des pages de « Géante Rouge » et cela s’avère pour le moins agaçant. Voilà typiquement le genre de détails à soigner.

Les deux focus sont de la même veine : une nouvelle, suivie d’un entretien.
Les extraterrestres peuvent-ils être sexy ?” d’Adriana Lorusso n’est pas sans évoquer de l’ancienne SF, sans que ce soit un reproche. Hazel a subi une sélection draconienne pour avoir le droit de partir à bord de l’astronef à la recherche de la vie dans la galaxie. La parité de mise homme-femme à bord éclate vite et Hazel, la mécano, se retrouve seule, elle s’ennuie, surtout quand une planète répond aux critères de la mission et qu’elle est rejetée par les autres membres d’équipage, car jugée trop bête. L’autre est différent, il semble s’intéresser à elle...
Ce texte un peu old school se lit très bien, il est amusant à plus d’un titre et la fin est grinçante à souhait. Une bonne surprise !

Bruno Pochesci est partout, il est très prolifique et le pire, c’est qu’à chaque fois, il s’en tire avec les honneurs. Dans “La gare de Perpignan”, il ne raconte pas moins que la fin de la création, toute vie est appelée à disparaître. Chacun de leur côté, un homme et une femme se battent pour survivre le plus longtemps possible, ils fuient le fléau jusqu’au dernier refuge : la gare de Perpignan où ils finissent dans un photomaton qui va être secoué pour l’occasion !
L’auteur n’est pas à l’aise dans les explications scientifiques, cela s’en ressent et il l’avoue d’ailleurs, mais il esquive le problème à sa façon en plaçant l’humain au centre de son récit. Cette course contre la montre se termine par un hasard des plus extraordinaires et improbables, un peu comme si les deux étaient faits pour se retrouver et offrir un nouvel espoir à l’humanité.
Comme d’habitude, c’est fou, ensorcelant et l’incroyable dénouement passe comme une lettre à la poste, c’est le cas de le dire. Pourtant, à bien y regarder, il y aurait à redire au niveau de l’histoire, mais à quoi bon, le plaisir de lecture est présent, alors...

Deux focus de bon aloi pour débuter ce « Géante Rouge », avant “Prométhée” de Marie Latour. Un laboratoire a créé un être capable de vivre dans notre monde, comme de s’en affranchir et d’avoir accès à une réalité parallèle afin de l’étudier. Mais ça coûte très cher et il faut des retombées à cette exploration. Cette chronique d’une mort annoncée s’avère froide et ne m’a pas fait vibrer, peut-être la faute à un univers parallèle peu emballant.

Pianitza nous plonge dans “Blanche-Acid”, une ville carcérale où s’entre-tuer apporte des points. Connaître les armes en circulation peut aider... Il y a de l’idée, cela ressemble à un jeu vidéo mais en réel. Toutefois, c’est un peu brouillon par moments et on en sort pas forcément convaincu.

La vieille dame et la petite Japonaise” de François Capet s’avère subtil. Le personnage vit de peu et s’échine à faire plaisir à une personne âgée. Il ne comprend pas pourquoi beaucoup de gens se moquent de lui ou l’ignorent. L’arrivée d’une nouvelle voisine change sa routine habituelle.
La réalité de la situation nous est bien cachée, le propos n’en est que renforcé. Beau texte un peu intimiste.

L’humanité est mal au point, elle cherche à quitter sa planète qu’elle a pollué hors de toutes proportions. Les élus pour partir à bord des vaisseaux sont peu, aussi chacun doit être d’une santé à toute épreuve pour parvenir au terme du voyage. La compagne du pilote s’inquiète, le dernier contrôle risque, d’après elle, de lui être fatal.
Mathieu Aubert nous raconte les préparatifs du départ, les craintes d’un couple, pas forcément sur la même longueur d’onde. La conclusion de “2104 – Homo Astrus” est immorale en diable et illustre bien la volonté de chacun de partir, de ne pas laisser sa place à autrui. Et si jamais cela devait arriver, attention aux conséquences !

Dernière variable d’ajustement” de Jean-Laurent del Socorro expose le parcours de Bliss Forester, surnommé le Dragon, qui va devenir le premier homme augmenté. Toutefois, il ne va pas y perdre son humanité. Cette ascension dans la société jusqu’au poste suprême, finalement brigué par les industriels qui estiment que Forester est leur marionnette car ils l’ont fait, doit illustrer bien des cas. Mais ici, la plongée dans la SF est bien orchestrée, l’homme n’y perd pas sa lucidité. Il sait d’où il vient et où il va. Ses capacités augmentées lui permettent d’optimiser ses choix et œuvrer pour le plus grand nombre. Joli !

« Ozô homo » Des rencontres en bord d’ozone” de Charles Mignon m’a laissé assez perplexe. Allez savoir pourquoi, je n’ai pu me départir de l’impression que l’auteur cherchait à revisiter « La route » à sa façon. Il s’agit d’une fuite de refuge en refuge de deux hommes qui ont recueilli un jeune garçon. Les raisons de la chute de la société sont plus ou moins expliquées, les deux hommes sont des homosexuels et la fin va être plutôt sanglante, le plus fragile se transformant en une vraie terreur. On a du mal à le croire. Charles Mignon a voulu mettre beaucoup de choses dans sa nouvelle, marquer par son style et par une histoire dans l’air du temps, mais pour moi, l’ensemble ne prend pas. Dommage !

Aujourd’hui déjà, la mort est un vrai commerce ; demain, ce ne sera pas mieux et, comme nous le montre Sylvain Lamur, ce sera encore pire, chacun rivalisera d’ingéniosité pour trouver le concept qui cassera le compte en banque des familles. “Des cimetières” extrapole les tendances de notre présent, s’inscrit parfaitement dans la speculative fiction. Bravo pour la performance.

Gib accepte une longue mission dans l’espace pour que sa fille, victime d’un accident, puisse suivre une régénération. Il lui promet de revenir, mais la mission se passe mal... Du space op, du sentiment, de l’évasion, tout est là pour que “Presque l’éternité” d’Éric Colson nous fasse passer un très bon moment de lecture.

Un vol qui se passe mal ; des deux malfrats, il ne peut en rester qu’un de viable. Pour celui dont le cerveau est transplanté dans le corps de l’autre, attention aux surprises. La réalité de la situation nous est dévoilée au fur et à mesure, ce qui permet d’entretenir le doute, d’autant que le survivant éprouve toujours du mal à endosser son nouveau corps. Comment alors expliquer aux policiers que ce n’est pas lui le coupable ? “Fragmentation” de Frédéric Naggiar n’est pas sans rappeler le film « Volte/face » de John Woo avec John Travolta et Nicolas Cage. C’est donc efficace et pose bien des questions.

Hugo Van Gaert est l’initiateur du fanzine « Géante Rouge » et, à ce titre, il jouit du privilège d’y figurer chaque année. L’humour est partie prenante de “Obote qui êtes aux cieux” et “Free Weight”.
Dans la première nouvelle au titre limpide, Obote est le dernier mâle reproducteur, car il était dans l’espace au moment de la catastrophe. Obligé d’y rester pour ne pas devenir aussi stérile, il n’est plus qu’une usine à spermatozoïdes qui aimerait bien connaître un jour de repos par semaine, le dimanche bien sûr. L’auteur joue avec la création de manière amusante et nous divertit de belle façon.
Free Weight” n’est pas du même calibre. Comme la touche d’humour est dans la chute et que dans la majorité des cas, on saisit l’astuce bien avant le terme de la nouvelle, elle tombe à plat.
Deux textes, deux traitements différents, mais pas le même succès.

Ce numéro s’achève par les lauréats des Prix Pépins 2013 et 2014, ainsi que de tout un florilège de textes de moins de 300 signes.

Un « Géante Rouge » contenant bon nombre de nouvelles, souvent d’un très bon niveau. Il y a de l’évasion, des drames, du rire... bien des choses pour faire plaisir aux lecteurs.


Titre : Géante Rouge
Numéro : 22
Rédacteur en chef : Patrice Lajoye
Couverture : Laurent Palmier
Type : revue
Genres : SF, nouvelles, entretiens
Site Internet : Géante Rouge
Dépôt légal : 4e trimestre 2014
ISSN : 1778-011X
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article : [email protected]


François Schnebelen
12 février 2015


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