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Fléau d’Éden (Le)
James Rollins
Fleuve Noir, traduit de l’anglais (États-Unis), thriller, 443 pages, novembre 2014, 20,90€

Avec James Rollins, on sait à quoi s’attendre : du thriller qui explose dans tous les sens, un soupçon d’inventions scientifiques (souvent des expérimentations abominables menées par des scientifiques sans scrupules, au besoin sur des êtres humains), des personnages généralement stéréotypés et autres ingrédients propres au genre. Si Rollins s’est consacré ces dernières années aux aventures de la Sigma Force, une équipe secrète d’investigation et d’intervention dont plusieurs aventures ont déjà été traduites en français (« Tonnerre de sable », « L’Ordre du Dragon », « La Bible de Darwin, « La Malédiction de Marco Polo », « Le Dernier Oracle », « La Clef de l’Apocalypse » « La Colonie du Diable » et « Le Complot des immortels »), il écrit également des romans indépendants, catégorie à laquelle appartient « Le Fléau d’Eden ».



Sur les côtes de la Louisiane, un navire s’échoue. On n’y retrouve personne, mais Jack Menard, le responsable des gardes-côtes, après avoir fait dans ses cales des découvertes surprenantes, fait appel à Lorna, jeune et brillante vétérinaire employée par le Centre Audubon de Recherche sur les Espèces Menacées. Dans la cale, des espèces, vivantes ou mortes, porteuses de malformations étranges. Bientôt, Lorna comprend que ces animaux ont des caractères régressifs sur l’échelle de l’évolution, mais aussi des caractères nouveaux. Ils sont particulièrement intelligents. Ce qui pose un problème considérable dans la mesure où l’une de ces espèces mutantes, un félin colossal, s’est échappé du navire et menace les habitants du bayou. La traque commence.

Dès lors, c’est parti pour du grand spectacle. Les traqueurs se font dévorer, un hélico va au tapis (ou plutôt dans la vase), les navires explosent. Mais là n’est pas le seul problème. Des bandes de mercenaires attaquent le Centre Audubon pour en exterminer les scientifiques et enlèvent Lorna. Quelle sinistre entreprise derrière tout cela ? Programmes occultes de recherches, savants fous, mercenaires impitoyables, crash divers, véhicules démolis aux lance-roquettes, assaut d’un autre complexe scientifique, infiltration sur une île secrète où ont lieu les pires manipulations génétiques qui soient, explosions apocalyptiques en cascade et enfin final pyrotechnique constituent de toute évidence autant d’appels du pied à une adaptation cinématographique.

Le roman n’est pas avare en scènes déjà vues. On s’amuse – ou s’irrite, c’est selon – de voir une fois encore le scientifique machiavélique tout expliquer à sa prisonnière, persuadé (il a consacré trop de temps à ses recherches pour lire lui-même des thrillers) qu’elle n’a absolument aucune chance de s’en sortir. Les héros sont stéréotypés, mais l’auteur parvient à nourrir un moment son intrigue avec une vieille histoire familiale, ce qui donne à quelques-uns des personnages un soupçon de densité et d’humanité.

Sur le plan scientifique, « Le Fléau d’Eden » reste assez superficiel : une paire de chromosomes surnuméraires, manifestement les mêmes, chez des espèces animales différentes apparaît un peu trop grossier pour être crédible. Puis les choses se précisent avec interrogations et découvertes au sujet du « Junk ADN » (qui fascina tant Maurice G. Dantec), nouvelles capacités neurophysiologiques découlant des connaissance acquises sur la magnétite cérébrale (bonne idée de la part de Rollins puisque des travaux sur une thématique associée ont valu cette année même le prix Nobel de physiologie et de médecine attribué à John O’Keefe, May Britt-Moser et Edvard Moser). La découverte de la « fractale de l’intelligence » prête à sourire, et, tout comme la physique quantique, a bon dos et joue son rôle habituel de fourre-tout ou de boîte à malice en termes d’explications scientifiques. Mais si l’on peut hâtivement qualifier « Le fléau d’Eden » de biotechno-thriller, James Rollins n’a jamais eu la prétention de faire de la « hard-science » et la science n’est ici qu’un prétexte assez sommaire à l’action.

Action, oui, mais pas seulement. Car, outre l’inévitable touche de romance, on ne peut plus commerciale, on reconnaîtra au « Fléau d’Eden  » le mérite de dénoncer – de manière très brève il est vrai – les dérives du « tout privé » américain : armées privées façon Blackwater et firmes de recherche privées se livrant à toutes sortes d’expérimentations illicites, généralement en dehors du territoire et sur des populations considérées comme sans importance, toutes manières pour l’état américain de feindre d’ignorer les atrocités commanditées, commises et parfaitement connues. Le roman, hélas n’en finit pas moins par sombrer dans l’angélisme pro-américain habituel puisque le scientifique le plus immonde est irakien : l’honneur est sauf.

Plus globalement, « Le Fléau d’Eden », en mettant en scène une recherche génétique progressant à la fois vers des caractères nouveaux et régressifs, enfouis dans ce que l’on croit être les poubelles de l’évolution, justifie astucieusement son titre. En ébauchant l’hypothèse d’un monde passé, fait d’harmonie et de communication accrue entre les humains et les autres espèces, et dont on pourrait retrouver des traces dans des capacités particulières enfouies dans des segments inactifs de l’ADN, Rollins échafaude une très belle idée qui mêle science et mythe. Mais, si Eden il y avait, n’y avait-il pas aussi un revers de la médaille ?

« Le Fléau d’Eden », on l’aura déduit des éléments ci-dessus, constitue aussi une nouvelle déclinaison de « L’île du docteur Moreau ». En revisitant à sa façon le célèbre classique de H.G. Wells, en y adjoignant les ingrédients habituels de ses propres succès, James Rollins en fait un thriller hollywoodien, tendu et riche en action. Roman commercial et très éloigné de la grande littérature, « Le Fléau d’Eden  » méritait sans doute un peu plus d’âme. Il n’empêche : pour les amateurs de thrillers trépidants, James Rollins a une nouvelle fois accompli sa mission.



Titre : Le Fléau d’Éden (Altar of Eden, 2010)
Auteur : James Rollins
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Leslie Boitelle
Couverture : André Sanchez
Éditeur : Fleuve Noir
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 443
Format (en cm) : 14 x 22,5
Dépôt légal : novembre 2014
ISBN : 978-2-265-09724-7
Prix : 20,90 €



James Rollins sur la Yozone :

- « Le Complot des immortels »
- « Amazonia »
- « L’Ordre du dragon »


Hilaire Alrune
6 janvier 2015


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