Léonie Bischoff séduit et convainc d’emblée par sa capacité d’adaptation à des registres radicalement dissemblables, tout en y insufflant sa personnalité propre.
Ainsi, dès son premier album, « Hoodoo darlin’ » (2013), elle met à profit une incursion dans le monde des esprits du hoodoo (déclinaison américaine du vaudou haïtien) pour démantibuler l’agencement des planches à l’image des visions submergeant la jeune Adèle, lancée à la poursuite d’esprits malins afin de parfaire son initiation aux arcanes chamaniques.
Mais, à côté de proliférations fantastiques, la jeune créatrice n’est pas moins à l’aise avec les ambiances froides et distantes du polar à la scandinave, dont témoigne « La Princesse des glaces » récente adaptation BD du best-seller de Camilla Läckberg.
Un exercice périlleux où la caractérisation des protagonistes et les variations du découpage sont autant de sésames pour clarifier une enquête complexe, ponctuée de flash-backs et de diverticules amoureux. Sans doute l’intervention narrative du scénariste Olivier Bocquet explique-t-elle une soudaine et relative retenue qui n’en est pas moins du goût de Léonie, prête qi’elle est à repiquer au jeu avec deux autres adaptations d’intrigues dues à la même Läckberg : « Le Prédicateur » et « Le Tailleur de pierres ».
Il aurait bien sûr été plus aisé pour Miss Bischoff de suivre sa propension naturelle à l’extrême et au spectaculaire. Alors que cette apparente rupture et le choix d’un polar où le non-fit est souvent la règle correspond plutôt à une volonté d’explorer des voies nouvelles. Soit à une autre forme d’audace, qui, a fortiori, justifie l’attribution toute particulière du prix de la Scam Belgique à cette suite en devenir. Avec, auparavant comme à présent, une audace souveraine dans l’utilisation de couleurs, à la fois vives et profondes : des jaunes d’or exubérants, des violets intenses bien représentatifs du tempérament de Léonie Bischoff.
“Violette Nozière”, grande case, planche 19
De ces prouesses graphiques, il est permis de juger sur pièces à Bruxelles, où sont exposées les planches originales de « La Princesse des glaces », en compagnie de celles de« Violette Nozière » : soit le premier album de Camille Benyanina, revisitation ô combien prometteuse des célèbres méfaits de « l’empoisonneuse de la rue de Madagascar », parricide monstrueuse s’il en fût...
La Princesse des glaces
Editeur : Casterman
Collection : Univers d’auteurs
Dessins : Léonie Bischoff
Scénario : Olivier Bocquet
Pagination : 128 pages couleurs
Dépot légal : janvier 2014
Format : 18,8 x 26,8 cm
ISBN : 978-2-2030-7465-1
Prix public : 19 €
Exposition Léonie Bischoff/Camille Benyanina
Galerie Bruxelles-Paris
29, place de la Vieille Halle aux Blés - 1000 Bruxelles
du 19 décembre au 10 janvier 2015
Illustrations © Casterman et les auteurs