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Waldgänger
Jeff Balek
Bragelonne, thriller, 407 pages, juillet 2014, 22 €

Démobilisé après une blessure, Balek, ex-forces spéciales, assure la sécurité d’une expédition archéologique au Pakistan lorsqu’il tombe dans une embuscade. Son équipier est tué, lui-même blessé, de toute évidence mortellement, par des munitions qui ne devraient pas exister : des balles capables d’enflammer la matière organique. Se traînant tant bien que mal pour échapper à ses ennemis, il tombe dans une salle antique. Il survit. Miraculeusement. Récupéré, hospitalisé, il constate que ses blessures cicatrisent à une vitesse elle aussi miraculeuse. Mais défiguré, convalescent, il n’a d’autre choix que de rentrer chez lui.



«  Quand on connaît un peu le quartier, Yumington, c’est un vrai supermarché de la mort . »

Blake (assez ouvertement l’anagramme de Balek) revient donc à Yumington, où sa femme et sa fille ne l’attendent pas vraiment, et sont encore moins ravis de le voir de retour avec une figure de monstre. Yumington, apparaît comme une sorte de Gotham City revu à la sauce Balek. L’influence des comics et des super-héros est indéniable : cité du crime, politiciens véreux, complots et manipulations, narrateur se découvrant des pouvoirs supra-humains, masque et tenue, déplacements au niveau des toits, etc. Même mélange également entre univers réel et univers fictif : les références géopolitiques (Pakistan, Afghanistan), historiques ou mythiques (les Templiers – de toute évidence, l’auteur s’amuse du cliché des gros-thrillers-qui-ne-peuvent-plus être-écrits-sans-des-templiers-dedans – le Juif Errant, les quatre cavaliers de l’Apocalypse) ou cinématographiques (Johnny Depp, Freddy, « Pretty Woman »).

«  Certains se sont changés en véritables modèles de vertus chrétiennes, au point d’en devenir des raseurs. D’autres ont choisi l’autre côté et sont devenus… des monstres.  »

Ses déboires ne sont pas finis : Blake tue, par accident, le petit ami de sa fille. Le voilà traqué comme un assassin. Mais d’autres soucis le préoccupent : ce qu’il a vu au moment où il aurait dû mourir, le caractère de plus en plus affûté de ses sens, sa vitesse et sa science du combat qui ne font, inexplicablement, que s’accroître. Et qui est ce vieillard, qui dit se nommer A. Shavérus, et qui, dans une vieille demeure d’allure gothique, lui permet de développer plus encore ses nouveaux dons ?

«  Un nouvel ordre moral ?
– Par exemple. La pire peste de toutes les pestes.
 »

Blake se retrouve bientôt embringué dans une affaire de vendetta, et aussi dans une affaire plus grave : un véritable complot politique mené par des individus dénués du moindre scrupule, et prêts à tout pour grapiller un complément de pouvoir. Tout ceci alors qu’il est tenaillé par le désir de savoir qui il est devenu réellement, et qu’il doit à chaque instant faire des choix difficiles. On reconnaît la thématique classique des récits mettant en scène des individus porteurs de pouvoirs nouveaux. Les contrôler, les maîtriser, certes, mais dans quel but ? Et comment ne pas se laisser entraîner vers le côté obscur de la force ? Mais notre héros, on l’aura compris à l’exergue ouvrant le volume - extrait du magnifique « Traité du rebelle » d’Ernst Jünger - ne se laissera pas corrompre.

Un thriller nerveux et tendu.

Même si l’on note ici et là quelques incohérences mineures (Blake entravé sur une chaise se trouve au chapitre suivant libre de ses mouvements, les militaires et mafieux sont capables de suivre le héros à la trace mais la police reste incapable de le localiser, le narrateur pense n’avoir jamais tué d’enfants alors que le contraire apparaît évident à la lecture des premiers chapitres), Jeff Balek parvient à éviter les incohérences énormes qui, avec une fréquence remarquable, décrédibilisent les blockbusters à la mode ou les thrillers d’outre-Atlantique. De même, si l’on peut remarquer ici et là quelques facilités scénaristiques (le fait que Cairn et le gouverneur aient à plusieurs reprises l’occasion de se débarrasser de Blake et le laissent à chaque fois repartir ; la facilité avec laquelle Blake impose sa volonté aux chefs de gang ; la ruse alimentaire trop grossière pour fonctionner), « Waldgänger  » tient la distance comme le ferait un feuilleton bien rythmé.

Un feuilleton : telle est en effet la nature de l’ouvrage. Telle est également sa structure, beaucoup plus cinématographique que littéraire. Car « Waldgänger  », c’est avant tout une succession de séquences : deux-cent-dix-huit chapitres regroupés en six parties. Des chapitres brefs, entre une demie page et deux pages, trois maximum. Chaque chapitre est un dialogue, une situation, une scène d’action. Pas de finesse, pas (trop) d’introspection ou de psychologie. Ça défouraille et ça déblaye à grande vitesse. Pas de complexité excessive non plus dans le scénario : les trahisons, on le comprend très vite, seront au rendez-vous, les retournements de situation également, et le règlement de compte final, rituel parmi les rituels, ne dérogera pas à la tradition.

Nerveux, tendu, rythmé, avec de bons dialogues, brassant des thématiques classiques, original par son découpage, « Waldgänger  » apparaît comme un thriller honorable. Vitaminé, distrayant, « Waldgänger  » ne recherche pas la profondeur. Son objectif, à l’évidence, est de proposer une lecture délassante, qui n’exigera pas d’effort excessif de la part du lecteur. Objectif atteint, donc, pour Jeff Balek, dont on aura sans doute l’occasion de lire d’autres romans dans les années à venir.


Titre : Waldgänger
Série : Yumington
Auteur : Jeff Balek
Couverture : Shutterstock
Éditeur : Bragelonne
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Site Internet dédié à Yumington : Yumington
Pages : 407
Format (en cm) : 15,5 x 23,7 x 3,2
Dépôt légal : juillet 2014
ISBN : 978-2-35294-756-1
Prix : 22 €



Hilaire Alrune
21 octobre 2014


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