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Éducation de Stony Mayhall (L’)
Daryl Gregory
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (États-Unis), histoire de zombies, 436 pages, août 2014, 23€

En 1968, une épidémie de zombies s’est manifestée aux États-Unis, provoquant une réaction musclée des autorités, à force crémation pour éradiquer la menace. C’est à la même période que Wanda Mayhall aperçoit une femme couchée dans la neige sur le bas-côté. Elle est morte, mais le nourrisson qu’elle serrait dans ses bras pour le protéger ne l’est pas. Quoique... Il réagit, mais son cœur ne bat pas.
Wanda ne peut l’abandonner, ni le signaler, elle sait comment cela finirait. Alors elle le recueille chez elle, conserve le plus grand secret sur son existence et, contre toute attente, le bébé mort-vivant baptisé John grandit. Il est unique parmi les siens et promis à un destin exceptionnel.



Né en 1968, Daryl Gregory a publié quatre romans, « L’Éducation de Stony Mayhall » étant son troisième. Six apparitions dans des revues françaises, quatre dans « Fiction », une dans « Angle Mort n°1 » et la plus récente dans le « Bifrost n°74 », précèdent ce livre, annoncé déjà depuis un moment au Bélial’ et qui attisait légitimement la curiosité des amateurs des littératures de l’imaginaire.
Si l’on veut aller vite en besogne, on peut résumer « L’Éducation de Stony Mayhall » à un roman de zombies, ce qui n’est pas forcément une qualité, car cela revient à classifier ce roman à côté d’autres qui aiment surfer sur l’air du temps, profiter de l’aura de certaines figures fantastiques telles les vampires, loups-garous et autres pour attirer les lecteurs à moindre frais. Sentiment peut-être facile, mais placer au centre de son récit des morts-vivants peut ressembler à un effet de mode, plutôt qu’à un réel apport au genre.
Et bien non, il n’en est rien, l’auteur se détourne d’emblée du zombie avide de chair fraîche, d’ailleurs ces derniers préfèrent se désigner par Autrevivants, terme moins péjoratif.

L’histoire débute en 1968, année où arrive le premier incident zombie, ce qui n’a rien d’innocent. En effet, c’est précisément l’année où est sorti « La Nuit des morts-vivants » de George Andrew Romero, le film culte du genre. Il y est fait référence, mais comme d’un documentaire décrivant l’épidémie. Daryl Gregory nous invite à une histoire parallèle où les zombies existent vraiment, nul ne sait comment ils sont arrivés, mais ils sont présents et c’est un fait. Si certains clichés sont présents, qu’ils sont animés par une folie initiale, celle-ci ne dure pas et ils rentrent dans le rang, c’est-à-dire se cachent pour ne pas être exterminés et s’organisent pour survivre.

Et la place de Stony dans tout ça ? Il est unique, il grandit, défiant ainsi toutes les lois. Wanda et ses filles lui ont offert une famille, un foyer où vivre, mais le secret est de mise, alors que Stony est avide de connaissances, il a envie de découvrir le monde, d’être un garçon normal. Bien sûr, cette situation ne peut durer et la réalité le rattrape. Et bienvenue dans le triste quotidien des morts-vivants !

C’est à travers Stony que les lecteurs pénètrent dans cette société de l’ombre avec ses tensions entre des courants aux volontés différentes. Daryl Gregory nous plonge dans une situation à l’opposé de la nôtre, sans que cela ne nous heurte, car Stony est un personnage attachant, il a un grand cœur qui ne bat pas. Il rêve d’une cohabitation entre les deux règnes du vivant, que la peur qu’ils inspirent soit abolie et que la confiance règne. Belle et triste utopie qui l’anime, car les morts-vivants sont toujours comparés à une épée de Damoclès au-dessus de l’humanité.
De plus, le fait qu’il ait une famille rajoute une dimension plus humaine, lui apporte une motivation que les autres ne possèdent pas. Cet être à part s’affranchit de nombreuses règles, il défie la logique. Il expose toute l’horreur de la situation, nous pousse à nous questionner sur les droits des morts-vivants, débat que l’on pourrait transposer à certaines prisons américaines telles Guantánamo.

« L’Éducation de Stony Mayhall » frappe l’imagination, Daryl Gregory séduit par son style et son inspiration, il réussit à entretenir l’intérêt jusqu’au final, John, ce bébé recueilli puis surnommé Stony en raison de son aspect grisâtre proche de la pierre, est de ces personnages sublimes que l’on n’oublie plus. À juste escient, plutôt qu’une représentation fidèle, Aurélien Police nous le présente de manière détournée, entretenant le mystère.
Il y aurait beaucoup de choses à dire autour de ce roman aux nombreux passages forts, chacun y sera sensible, peut-être pas de la même façon, mais il éveillera des sentiments en chacun de nous. Le mort-vivant revient à voir l’autre, celui qui dérange.

Daryl Gregory, un nom à retenir, et « L’Éducation de Stony Mayhall », un livre à ne pas manquer, un livre qui dépasse les simples apparences et s’affranchit des codes pour notre plus grand plaisir.


Titre : L’Éducation de Stony Mayhall (Raising Stony Mayhall, 2011)
Auteur : Daryl Gregory
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Laurent Philibert-Caillat
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 436
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : août 2014
ISBN : 978-2-84344-128-8
Prix : 23 €



François Schnebelen
19 septembre 2014


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