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Murmure de soupirail
Patrice Dupuis
La Clef d’Argent, KholekTh, nouvelles (France), fantastique, 118 pages, septembre 2013, 7€

Troisième recueil de Patrice Dupuis, « Murmure de soupirail », malgré ce titre crépusculaire, recèle une grande lumière dans ses trois nouvelles.
Voilà un an que je l’ai lu, et le souvenir m’en est encore vivace. C’est dire.



Je ne vais pas entrer dans les détails, ma mémoire n’est point absolue, mais plutôt tenté de vous faire partager un ressenti, non pas à chaud, car les textes de Patrice Dupuis requièrent quelque repos, mais quelque chose de plus diffus, et durable.

Bleu falaise” raconte le malheur d’un peintre sur une petite île de l’Atlantique. Il ne voit plus les couleurs, depuis longtemps, il vit cloitré, avec sa compagne, sur cette terre inaccessible. Et un jour, il revoit le bleu. Mais étrangement, cette couleur, qui fait la renommée du vitrail de la chapelle locale, principal attraction touristique, a disparu pour les autres. Très vite, à la frénésie artistique qui s’empare à nouveau de lui succède le mouvement de foule du village pour qui il redevient l’Étranger, l’Envahisseur, le bouc émissaire qu’on sacrifiera en espérant ramener les choses à la normale.

J’aimerais vous dire toute la force de cette nouvelle, la tension perpétuelle, qui change de sujet à chaque avancée du récit, pour dire l’abîme des hommes tant que leur capacité à s’élever au-dessus de tout.

Les choses semblent moins compliquées au début de “La Montre d’Héloïse”, avec un jeune couple qui se tourne autour, une fille qui lui file entre les doigts, un sentiment de décalage. La bascule dans le fantastique se fait rapidement, tandis que les deux protagonistes ne sont plus sur la même temporalité. Et lui de courir après elle, de rattraper son temps, de ne pas rester à la traîne ni d’aller trop vite... Une très belle métaphore de la vie de couple en filigrane, une pointe d’humour autour du temps qui passe, et une course à l’immortalité ensemble, possible ?

Non pas que les deux précédents soient forcément drôles, mais “Mémoire d’une page blanche” est le texte le plus dur, puisqu’il retrace la biographie d’un Juif allemand dans la première moitié du XXe siècle. On commence sur sa mort, celle d’un clochard qui dessine des fresque sur les trottoir, fauché par une voiture un soir de neige, pour reprendre ensuite au jour de sa naissance. Un père bourgeois, une éducation exemplaire, des études en philosophie, mais surtout le développement d’une réflexion sur lui-même en tant qu’Allemand, et non pas en tant que Juif. Ce qui fait qu’il verra trop tard le danger, et finira dans un camp. Ressortant de là lessivé de sa vie d’avant, il erre pour raconter l’horreur, sur le pavé, avant de disparaître et que le monde (l’)oublie. Leçon d’histoire à l’échelle d’un homme, leçon d’humanité et d’inhumanité, elle n’est pas sans rappeler « Le Pianiste » de Polanski dans cette ascension qui rend la chute infiniment plus dure.

Troisième recueil de l’auteur après « Dans le Désert et sous la lune » et « Le Guetteur de sémaphore », « Murmure de soupirail » est probablement le plus facile d’accès, avec deux textes plus longs qu’à son habitude, dans lesquels on a le temps de prendre ses marques. Le troisième est plus bref, mais traitant du temps, il n’aurait pu en être autrement.


Titre : Murmure de soupirail, nouvelles du vide et de l’oubli (nouvelles)
Nouvelles :
- Le papillon de papier (prologue)
- Bleu falaise
- La montre d’Héloïse
- Mémoire d’une page blanche
- Le sarcophage (épilogue)
Auteur : Patrice Dupuis
Couverture : Patrice Dupuis
Éditeur : La Clef d’Argent
Collection : KholekTh
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 24
Pages : 118
Format (en cm) : 17,5 x 11 x 1,1
Dépôt légal : septembre 2013
ISBN : 9791090662162
Prix : 7 €



Nicolas Soffray
17 septembre 2014


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