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Agonie de la Lumière (L’)
George R. R. Martin
J’ai Lu, Science-fiction, roman (USA), space opera, 442 pages, janvier 2014, 8€

Dirk t’Larien débarque sur Worlon pour, pense-t-il, y reconquérir son amour de jeunesse, Gwen. Mais celle-ci vit avec Jaan Vikary Jadefer, et son teyn Janacek. Originaires de Haut Kavalaan, ils sont issus d’une société très éloignée de l’éducation libertaire de Dirk, qui peine à comprendre la teneur et la profondeur du lien qui les unit, et plus encore vis-à-vis de Gwen.
Tandis qu’il explore la planète en sa compagnie, Dirk s’attire maladroitement les foudres d’autres Kavalars, de la branche traditionaliste, qui chasse comme du gibier ceux qu’ils considèrent comme des sous-hommes. Usant des mystères des lois de Haut Kavalaan, Vikary tente de protéger Dirk, mais ce dernier préfère s’enfuir avec Gwen dans une cité voisine. Dès lors, la chasse commence...



Bon sang que j’ai eu du mal avec ce bouquin... Moi qui attends qu’il ait terminé de l’écrire pour lire « Le Trône de Fer », je n’avais jusqu’alors lu de George R. R. Martin que « Skin Trade » (qui ressort bientôt chez J’ai Lu). « L’Agonie de la Lumière » date de 1977, et à bien des égards ce roman est parfaitement représentatif de la SF américaine de l’époque : c’est très bien écrit, très intelligent, très détaillé, et très difficile à lire si vous ne vous y immergez pas complètement.

Worlon est une planète éphémère : son orbite la fait passer à proximité d’un anneau de petits soleils, la rendant habitable pour à peine un siècle. Les civilisations de la galaxie y ont organisé donc un festival pendant 50 ans, après quoi elles ont abandonnée les villes bâties là, joyaux représentatifs de leur art et de leur technologie. Dirk et Gwen passent les 100 premières pages du roman à visiter ces cités fantômes, la jeune femme expliquant à son compagnon le pourquoi de certaines choses. Cela donne des images magnifiques (la cité qui chante avec le vent), cela donne à réfléchir (la ville autonome toujours en fonction), cela ouvre nos yeux sur différentes cultures et conceptions de la société, mais c’est long ! très long !

A cela il faut ajouter l’aveuglement de Dirk, qui s’imagine pouvoir reconquérir Gwen malgré les dénégations de celle-ci, et surtout son incompréhension de la culture kavalar.

Cette incompréhension est au cœur du roman. Haut Kavalaan est une planète post-féodale, où les clans ont perduré, et dans ces clans, les étaux, des liens très forts peuvent unir les hommes. Les femmes sont quantité négligeable, bien entendu, reproductrices ou objet de confort et de plaisir (et encore...). Dans « L’Agonie de la Lumière », on avance au rythme de la compréhension de Dirk, ce qui est plutôt lent. Car ces liens entre Vikary, Janacek et Gwen, avec tout ce qu’ils sous-entendent au niveau personnel, social, etc., ne peuvent être décrits que par des mots kavalars sans équivalents dans le langage courant.
Worlon est le lieu d’un affrontement entre deux visions du monde kavalar. Les Braith, traditionalistes, sont là pour chasser les humains comme aux origines de leur société. Les quelques membres Braith présents sont parmi les ultras. Face à eux, Vikary est le plus réformateur des Jadefer, le clan le plus ouvert à la modernité. Sachant les Braith très respectueux des codes, comme tout bon Kavalar, il tente de sauver ces humains en les déclarant korariel, sa propriété, ses esclaves, même si dans les faits il n’en est rien. Mais ce lien suffit à les rendre intouchables sous peine de duel, et Vikary et Janacek sont redoutables à l’exercice des armes.
Mais le duel est aussi une manœuvre diplomatique, risquée et à l’issue parfois incertaine mais indispensable pour régler les questions d’honneur. Ce que Dirk ne comprend pas, pas plus que le reste.

Lorsque les Braith usent d’un prétexte pour le provoquer, Jaan Vikary propose de le protéger, en tant que korariel, et de se battre à sa place. Mais Dirk veut d’abord se défendre seul, au grand plaisir des Braith, mais finit par fuir, sur la suggestion de Gwen, et déclenche une série de réactions en chaîne dans les codes de duel et les lois kavalars, dont il ne mesure absolument pas les conséquences.

La fin du roman, entre chasse à l’homme, pas toujours le même, et manœuvres de diversion, avec enfin le fin mot de qui a provoqué tout cela, est plus fluide. Ou bien est-ce moi, lecteur, qui, enfin familiarisé avec ce monde, comme Dirk, n’y allait plus à reculons ?
Mais c’est aussi à ce moment qu’on sait toute la dualité du titre. A l’agonie de cette planète éphémère, l’échec de Vikary à contrer les Braith et leurs coutumes sanglantes d’autrefois sonne le glas, sur Worlon mourante, de la civilisation, pour revenir à la barbarie et à ses drames.

Bref, la dernière page tournée, j’ai la sensation d’avoir lu un bon, voire un très bon bouquin.
Et cela bien que j’y ai passé presque un mois et demi, n’arrivant à lire que 10 pages dans les 100 premières avant de m’endormir, n’hésitant que peu entre poursuivre celui-là ou en entamer un autre. Mais j’ai tenu bon, et la persévérance a payé. Ce n’est qu’à la fin qu’on apprécie la richesse du monde-patchwork déployé par Martin (même si, avouons-le, il aurait pu être bien plus léger sans que l’histoire en souffre), ce n’est qu’au fil des pages qu’on apprécie la nébulosité des Kavalars, de leurs codes et de leurs lois inconnus et archaïques à nos yeux.


Titre : L’Agonie de la Lumière (Dying of the Light, 1977)
Auteur : George R. R. Martin
Traduction de l’anglais (USA) : Jean-Pierre Pugi (1989), révisée par Sébastien Guillot (2014)
Couverture : Kentaro Kanamoto
Éditeur : J’ai Lu
Collection : Science-Fiction
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 10683
Pages : 442
Format (en cm) : 18 x 11 x 3
Dépôt légal : janvier 2014
ISBN : 9782290075722
Prix : 8 €



Nicolas Soffray
5 septembre 2014


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