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Chaînes de l’avenir (Les)
Philip K. Dick
J’ai Lu, , n°10484, traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 221 pages, avril 2014, 6€

Dans un futur proche, après un conflit atomique, l’humanité est régie par le Goufédem, ou Gouvernement de la Fédération Mondiale. Un gouvernement aux relents totalitaires, bien que l’existence, dans ce monde, semble assez proche de ce que l’on pouvait vivre dans la société américaine des années cinquante. Faisant partie des services de renseignement, Kussick est aux premières loges pour savoir ce que l’on cache à tout un chacun. Un jour, dans une foire, il rencontre un individu dont les connaissances collent étrangement à ce que nul, en dehors des cercles gouvernementaux, ne devrait savoir. Plus encore, les prédictions que formule ce diseur de bonne aventure se réalisent.



«  La boîte contenait quelque chose qui ressemblait à un intestin roulé, d’une matière organique spongieuse et grise. Le tout était enfermé dans une capsule de gélatine transparente. La créature remuait très faiblement . »

Dans ce monde futur où il n’est pas rare de croiser des mutants humains générés par les retombées radioactives, dont les plus spectaculaires sont montrés dans des cirques, dont certains, incapables de survivre à l’extérieur, sont gardés dans un refuge où ils respirent la composition gazeuse spéciale qui seule leur permet de survivre, les monstres abondent. Monstres humains, certes, mais aussi créatures extraterrestres, puisque des sortes d’amibes géantes, protoplasmiques, inoffensives, dépourvues d’intelligence, se mettent à tomber sur la terre depuis l’espace. Monstres humains encore, car le docteur Rafferty, qui s’occupe des mutants, vaut à lui seul de longues et puissantes retombées radioactives ; et le lecteur découvrira qu’il n’est pas tout à fait innocent dans le domaine de la mutagenèse, et qu’il mérite peut-être une place au panthéon des savants fous.

«  Moins l’on en sait sur l’avenir, mieux on se porte. Toutes les illusions sont permises, on croit jouir du libre-arbitre.  »

_ Voilà bien des choses dont le bonimenteur Jones, qui ne devrait pas en avoir connaissance, est parfaitement conscient. Il en sait trop, mais il connaît également trop bien l’avenir. Il sait que le Goufédem, après l’avoir arrêté, sera obligé de le relâcher. Il connaît à la perfection le futur. Il ne peut non plus rien y changer.

«  Un fœtus languide avait caressé des impressions d’un monde à venir. Recroquevillé dans la matrice gonflée de sa mère, il avait assisté à une fantasmagorie incompréhensible et brillamment colorée . »

Jones, depuis toujours, voit les choses un an à l’avance. Son destin, il le connaît : renverser le Goufédem. Un mouvement contre lequel nul ne peut rien : Cussick voit ses propres collègues, sa propre épouse, passer dans la clandestinité et l’opposition. Le Goufédem tombe. Jones prône la guerre aux amibes, non pas sur Terre, mais dans l’espace d’où elles viennent. Mais rien ne se passera comme prévu.

«  Plus besoin de deviner, plus d’incertitude, nous savons. Nous pouvons être sûrs du chemin que nous empruntons . »

Dans ce second roman de Philip K. Dick, bien des thèmes s’entrecroisent. Philosophiques, avec cette terreur hideuse devant ce qui est à la fois prédictible et immuable – une absence de libre-arbitre très bien rendue par le titre français, beaucoup plus évocateur que le titre américain. Politiques, puisque se pose aussi le problème des libertés individuelles et que l’on peut voir cette société comme un décalque de la société américaine et de sa peur de la « contamination » communiste. Sociaux, puisque l’on retrouve les oppositions classiques entre tolérance et intolérance, entre ceux qui veulent tuer les mutants humains qui ne sont rien d’autre que des victimes, mais aussi entre ceux qui s’obstinent à brûler les amibes géantes extraterrestres alors qu’elles ne nuisent à personne et qu’elles ne font rien d’autre que mourir. Éthiques, puisque y sont décrites des expérimentations humaines infligées contre le gré des personnes. Et l’on notera au passage l’apparition de thématiques qui prendront une importance toute particulière dans l’œuvre dickienne, notamment les drogues de synthèse, mais aussi, au neuvième chapitre, une certaine « fille aux cheveux noirs » au sujet de laquelle beaucoup a déjà été écrit.

Second roman de Philip K. Dick, « Les Chaînes de l’avenir » reste, il est vrai, une œuvre secondaire de l’auteur, très loin de grandes réussites que seront « Ubik » ou « Le Dieu venu du Centaure ». Pourtant, après « Loterie solaire », influencé par Van Vogt et publié l’année précédente, Dick livre un récit moins confus, mieux structuré, déjà plus personnel, faisant fusionner des thématiques en apparence disparates, et dans lequel on voit s’esquisser les composantes de chefs-d’œuvre à venir.


Titre : Les Chaînes de l’avenir (The World Jones Made, 1956 )
Auteur : Philip K. Dick
Traduction de l’anglais (États-Unis)) : Jacqueline Huet
Couverture : Flamidon
Éditeur : J’ai Lu (édition originale : [Librairie des Champs-Elysées], 1976)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 10481
Pages : 221
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : avril 2014
ISBN : 9782290033555
Prix : 6 €



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Hilaire Alrune
5 juin 2014


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