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Cosmos Incorporated
Maurice G. Dantec
Albin Michel, août 2005, 569 pages, 22,50 €


Depuis 1999 et la publication de « Babylon Babies », Maurice G. Dantec est réellement ce qu’il n’a jamais cessé d’être : un écrivain de science-fiction. Le vilain mot et le mauvais destin pour une critique littéraire française anesthésiée et incapable de lire autre chose que des petits propos de neurasthéniques de la plume, qui plus est sans grand talent, fort courts et vendus très chers !
En des temps où ni la qualité, ni la quantité ne sont présents dans les rayons, un écrivain comme Maurice G. Dantec dérange. Et très vigoureusement.

Si en plus, il s’agit de science-fiction, c’est-à-dire d’un exercice philosophique basé sur des extrapolations purement imaginaires, le couperet hexagonal tombe et l’inculture s’associe à la bêtise crasse pour contester à ce genre son droit à l’existence. Soit. Rien de neuf en ce beau pays. De littérature, il n’y en n’a point en SF, tout comme la musique est forcément absente de tous les sons électriques et rock’n roll...

M’enfin, sur le fond, Dantec s’en fout. Il ne vit plus en France et y vend fort bien ses livres. Comme pour Houellebecq, dont le talent et le succès dérangent. Oublions que le premier Goncourt fut donné à un roman de SF et faisons comme si. C’est exactement ce que fait Dantec. Il fait comme si. Car le « si » est mère et père de tout imaginaire.

Or donc nous voilà au milieu du 21ème siècle, en pleine ère de décomposition et d’unité forcée. “L’Unimonde”, une organisation supra mondiale, règle les affaires de l’homme à grands coups de lois internationales censées préserver l’individu. Dantec nous propose de suivre le parcours d’un tueur passé à la moulinette des technologies informatiques et génétiques -deux thématiques centrales depuis « Babylon Babies » chez l’écrivain- afin de dézinguer un édile de la cité de “Grande Jonction” (titre provisoire et annoncé de l’opus deux).
S’il faut avouer une grande qualité à Maurice G. Dantec, c’est son talent à planter les décors. Grande Jonction, on y est, on la voit, on la respire. Élite humanoïde aux corps “customisés” (transformés par le génie génétique), prolétariat vivant d’expédients et de mauvaises drogues, décollages de fusées plus ou moins rafistolées, partant vers un ailleurs orbital forcément meilleur et rythmant l’intrigue d’une pulsation futuriste du meilleur effet.
Il y a aussi un vocabulaire typique. Les aéroports nous parlent de « Star Trek », les “méta” quelque chose se multiplient et l’informatique, cette dernière frontière de l’exploration humaine, marque de son empreinte un roman religieux et métaphysique... Car il s’agit aussi de cela. Si les digressions philosophiques du récit n’en sont pas, c’est que le roman est conçu comme un tout indissociable. Il y a une vision à la Dantec comme il y a un son à la « Joy Division » (les références musicales sont d’ailleurs nombreuses, fort belles et pertinentes tout au long du parcours).
Alors oui, « Cosmos Incorporated » n’est pas un livre facile qui se lit d’une traite. Il va demander un effort, une persistance de la vision, un certain sens du devoir aussi ; nécessaires pour l’entrée dans un univers original, pour la compréhension -si cela est possible- d’une pensée intime et tourmentée, pour l’acceptation d’une phrase on ne peut plus personnelle.
La première partie, classique sur le fond et dans la forme, sera sans doute mieux acceptée que la suite du roman, plus tourmentée. On pourrait aussi critiquer vertement les raisonnements de l’auteur et ne trouver aucune logique, voire des erreurs à ses suppositions scientifiques. Mais tout cela est-il vraiment important ou intéressant ? Doit-on forcément chercher une pensée “raisonnable” à un ouvrage qui se veut d’anticipation et métaphysique ?

Ainsi, Dantec suppose un futur multi-religieux (“Un Dieu pour chacun”) quand Houellebecq pressent la main mise d’une secte globalisée (in « La Possibilité d’une Île », le plus beau titre et le meilleur roman de la rentrée). C’est une différence interprétative finalement minime puisque les deux écrivains se rejoignent dans un dégoût commun pour les affaires futures du Monde.
L’homme en tant que tel y aura de toute façon disparu. Alors...

Bon, tout cela n’est pas très joyeux, bien que l’humour ne soit pas absent -au contraire- de ces entreprises de démontage de l’humanité.

« Cosmos Incorporated », un roman de pure SF qui rappelle Philip K. Dick ou J. G. Balard, tout en s’appuyant sur des fondations bâties par Céline et dont les étages supérieurs auraient été maçonnés avec pas mal de Nietzsche avec des fenêtres donnant sur Saint Augustin.
On peut ne pas aimer, évidemment.
Un “Unimonde” de différence avec 99% de la production contemporaine, néanmoins.

Stéphane Pons

Auteur : Maurice G. Dantec (France-Canada)
Titre : Cosmos Incorpated
Couverture : design Narcisse et photo d’auteur par Tschi
Éditeur : Albin Michel (22, rue Huygens, 75014 Paris)
Pages : 569
Format (en cm) : 22,5 x 14,5 x 4 (broché et sous jaquette souple)
Site Internet éditeur : http://www.albin-michel.fr
Site Internet livre : site Albin Michel, taper le titre dans « Recherche ».
Dépôt légal : août 2005
ISBN : 2-226-15852-9
EAN : 9 782226 158529

Prix : 22,50 €


Stéphane Pons
21 novembre 2005


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