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Souvenirs perdus, tome 1 : Etrangère
Samantha Bailly
Syros, roman (France), fantasy moderne, 328 pages, mai 2014, 16,90€

La vie pourrait être paradisiaque sur l’île d’Enfenia. Chacun a son rôle dans la communauté, et si le Léviathan, craint et honoré, empêche de quitter l’île, il en tient aussi à distance les dangers de l’extérieur.
Nel, fille aînée d’Azorn Originelle, est destinée à succéder à son père à la tête du village, pour le guider administrativement et spirituellement, tandis que Merea, sa petite sœur, pourra se consacrer à la pêche, sa passion.
Syon, le garçon rebelle, voudrait quitter l’île. Il sait que son père, qui a tenté la traversée, n’a pas été tué par le Léviathan, et doit vivre quelque part, au-delà de l’horizon.
La découverte d’une jeune fille amnésique, Isil, sur la plage, va ébranler les certitudes de Nel et conforter celles de Syon : si le Léviathan est toujours là, on peut désormais arriver et surtout partir de l’île.
Dans sa fuite, Syon emmène Isil, considérant la jeune amnésique comme son sésame, et Nel qui tente de le retenir. Ils vont tous les trois découvrir le continent d’Hermetis, sa techno-magie solaire et les tensions entre tenants de l’ancienne religion d’Ifa et adeptes forcenés de La Lueur, le nouveau dirigeant du pays.
Très vite, ils vont également comprendre que leur île n’est pas un sujet anodin, et qu’on cherche à leur mettre la main dessus. Leur fuite va reprendre de plus belle, tout comme leur quête de réponses tant sur Enfenia que sur l’identité d’Isil.



Malgré son jeune âge, Samantha Bailly n’est pas une novice. Avec son dyptique « Oraisons », prix Imaginales des lycéens 2011, réédité chez Bragelonne, elle était le coup de cœur des Imaginales en 2013.
Sa nouvelle trilogie jeunesse, « Souvenirs perdus », donne plus qu’envie de découvrir ses univers, que je n’avais pour le moment qu’entrevus dans sa nouvelle “Elixir”.

Dans ce premier tome, très rythmé par les nombreuses péripéties qui assaillent nos jeunes héros, Samantha Bailly traite initialement de la destinée et du choix, avec la communauté d’Enfenia, totalement autarcique, et son Léviathan à la fois protecteur et geôlier. Chacun choisit sa voie pour le bien commun. Il y a quelques traces de totalitarisme au fond de tout cela, et Syon est le premier à se rebeller, et à saisir l’opportunité de fuir, emportant avec lui Isil, dont l’amnésie l’empêche de savoir si ce nouveau départ qu’on lui propose sur Enfenia est une chance ou un piège, et Nel, qu’il compte bien déciller en lui prouvant qu’il a raison depuis des années.

Vient ensuite le choc des cultures, avec toutes les découvertes qu’ils font sur Hermétis, sa politique et ses religions. Poursuivis par Indila, une militaire Solaire proche de La Lueur aussi ambitieuse que fanatique, ils doivent leur salut au capitaine Eroth, un Solaire modéré qui refuse de les livrer, les aiguillant même vers un ancien scientifique chargé autrefois d’étudier Enfenia. Grâce à cet homme, Telesme, ou à cause de lui, ce que Syon et Nel croyaient savoir sur leur île va s’effondrer.

Autant qu’à Isil, cette « Étrangère » amnésique qui donne son titre à ce première volume, « Souvenirs perdus » fait référence à cette révélation finale (mais encore partielle) sur la vérité concernant Enfenia, qui ébranle les certitudes et les conceptions de Syon mais surtout de Nel. Future dirigeante de l’île, elle découvre que beaucoup de choses n’aient que des mensonges.

Encore une fois, la frontière en public jeunesse et adulte est floue. Certes, c’est un roman d’apprentissage, mettant en scène trois jeunes adultes qui découvrent un nouveau monde, complexe et dangereux, loin du cocon de leur enfance, les poussant à remettre en question leurs certitudes. Bref, à grandir.
Voilà pour l’étiquette jeunesse. Maintenant, en creusant l’univers, on entre dans l’adulte à pieds joints. Derrière la relative simplicité des choses rendue par le faible nombre de personnages impliqués, on devine une grande complexité. Politique et religion sont très liées. La Lueur, qui demeure un mystère, semble incarner les deux à la fois. Demeurent des croyants en Ifa, la Pluie, face à ce Soleil omnipotent qui a apporté confort, chaleur et sécurité à la moitié d’un continent. Une résistance « technique » et géographique, la magie solaire fonctionnant moins bien dans le Nord.
Les quelques personnages secondaires majeurs ne sont pas des coquilles vides. Si Indila est vite cataloguée fanatique et Eroth beaucoup plus modéré, quelques allusions de ce dernier interrogent sur leur relation, au sens physique du terme, au-delà de leur rapport hiérarchique. Indila ne manque d’ailleurs pas de rappeler que sur terre, c’est elle qui commande, comme si elle avait hésité à marcher sur les pieds d’Eroth à bord de son navire.
Enfin, avec le savant Telesme, on découvrira le concept de Lié, qui resurgira à deux reprises dans ce premier volume et bouleversera la portée des actes de nos personnages. Sur Hermétis, deux personnes peuvent se Lier, et entre eux, ce sera à la vie à la mort. Pour le meilleur et le pire. Et quand les Solaires font placarder partout qu’Isil est la Liée de La Lueur, est-ce un piège extrêmement puissant, ou une nouvelle vérité qui chamboule le peu que nos héros pensaient certain ?

Petit ou grand ado, jeune adulte ou plus, chacun trouvera dans ce premier volume de « Souvenirs perdus » un niveau de lecture à sa convenance. Les plus âgés et les grands dévoreurs trépigneront dès la fin de ses 320 pages, sachant qu’il faudra attendre septembre pour découvrir la suite, au titre évocateur de « Cendres », et 2015 pour « Pluie », la conclusion.

Terminons par saluer la couv’ très sympa de Prince Gigi, qui nous plonge en Enfenia avant même d’ouvrir le roman.


Titre : Étrangère
Série : Souvenirs perdus, tome 1/3
Auteur : Samantha Bailly
Couverture : Prince Gigi (Thomas Girard)
Éditeur : Syros
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 328
Format (en cm) : 22 x 15 x 2,5
Dépôt légal : mai 2014
ISBN : 9782748514124
Prix : 16,90 €


Souvenirs perdus
- Etrangère
- Cendres
- Pluie


Nicolas Soffray
10 mai 2014


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