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Comment braquer une banque sans perdre son dentier
Catharina Ingelman-Sundberg
Fleuve, roman, traduit du suédois, polar, 425 pages, mars 2014, 19,90€

On connaît la délinquance juvénile, on ignore encore un peu trop le braquage gériatrique, le casse sénile, le kidnapping par des croulants, la demande de rançons par des mamies qui auraient comme des trous de mémoire. On les voit somnoler en maison de retraite, on ferait mieux de s’en méfier. En inventant le polar gérontologique, Catharina Ingelman-Sunberg écrit aussi une joyeuse comédie.



Ils sont cinq, ils coulent des jours pas tout à fait heureux en maison de retraite. Il y a le Génie qui ne cesse de tout bricoler, et qui a inventé un système de freinage pour déambulateur. Il y a le Râteau, toujours aussi classieux que quand il avait la trentaine. Il y a Martha, organisatrice-née, et aussi Stina l’élégante, et Anna-Greta, en apparence moins décidée, mais jamais à court de bonnes idées.

Des vieux et des vieilles, des ancêtres, des débris penchés sur leurs déambulateurs. Mais pas tout à fait morts encore. Car lorsque la maison de retraite qui leur avait promis monts et merveilles, à force de restrictions budgétaires, leur supprime leurs sorties et leurs brioches de quatre heures, la révolte gronde. Et ces cinq-là, qui ne sont pas tout à fait tombés de la dernière pluie, comprennent qu’on ne fait rien d’autre que leur faire avaler des couleuvres. Il est temps de réagir.

C’est que ce petit groupe n’est pas constitué de croulants comme les autres. Non pas des vieux râleurs, mais des individus qui aiment profiter de la vie, et qui ont l’intention de continuer à en profiter encore. Aussi n’hésitent-ils pas à s’introduire nuitamment dans les appartements des gérants de la maison de retraite, où ceux-ci accumulent de la nourriture de luxe dont les pensionnaires ne verront jamais la couleur, et à y faire bombance.

Pris sur le fait, ils seront désormais interdits de sortie et drogués. Mais on ne la leur fait pas. Ils recrachent leurs calmants, volent des clefs, et s’en vont, secrètement, faire un peu de remise de forme en salle de gym. Leurs déambulateurs, bientôt, ne sont plus là que pour tromper l’adversaire. Car ils ont une fabuleuse idée en tête : faire un casse retentissant, se faire prendre, et finir leurs jours en prison, où, croient-ils, ils seront mieux lotis.

«  Mais, pendant que Martha lisait son nouveau polar – Meurtre à la Maison de Retraite – le Génie s’occupait des préparatifs.  »

Ils s’enfuient donc de leur asile, et, après avoir pris de nouveaux quartiers dans un hôtel de luxe, s’en vont dérober un Renoir et un Monet. Mais leur coup est tellement bien monté qu’ils s’en sortent sans soupçon. Décidés à rendre les tableaux contre rançon, ils s’en sortent une fois encore. Obligés de se dénoncer eux-mêmes à une police incompétente, ils sont enfin écroués. Mais il y a anguille sous roche : les tableaux ont disparu, la rançon elle-même s’est volatilisée. La comédie, alors, entre de plain-pied dans le récit policier.

Tout se complique, la prison n’est pas si agréable que cela, la peine est vite purgée, retour à la case départ – à la maison de retraite – pour nos cinq complices. Alors que la mafia yougoslave s’en mêle, qu’une meurtrière rencontrée en prison voudrait bien sa part de magot, qu’une étudiante en art pense avoir retrouvé le tableau, qu’une part du butin réapparaît mystérieusement à la maison de retraite elle-même, les cinq délinquants, toujours bien décidés à s’amuser, essayent de doubler une bande de malfrats puis se lancent dans une attaque de fourgon blindé. Avant de se décider d’aller couler des jours heureux au soleil.

«  Quand il y a un ou deux hommes pour une foule de vieilles femmes, tu peux être sûre qu’il s’agit d’une sortie culturelle.  »

On s’en doute : la comédie fait mouche. En quatre cents pages de lecture rapide et plaisante, séquencée en chapitres très courts, Catharina Ingelman-Sundberg atteint son objectif. Si la lecture de « Comment braquer une banque sans perdre son dentier » est aussi rafraîchissante, c’est non seulement parce que ses personnages sont sympathiques, pleins d’humour et que leur complicité fonctionne, mais aussi parce qu’elle se joue des clichés, des situations vues mille fois, et que son intrigue policière, au final assez simple, est une assez bonne parodie du genre. Après les retraités flingueurs du film « Red », voici les mamies braqueuses de « Comment braquer une banque sans perdre son dentier. » Et en refermant les dernières pages, on se surprend à prier pour, d’ici à quelques décennies, avoir encore suffisamment la pêche pour en faire autant.


Titre : Comment braquer une banque sans perdre son dentier (Kaffe med Rån, 2012)
Auteur : Catharina Ingelman-Sundberg
Traduction du suédois : Hélène Hervieu
Couverture : Oliver Wetter
Éditeur : Fleuve
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 425
Format (en cm) :14 x 22,5
Dépôt légal : mars 2014
ISBN : 9782265097636
Prix : 19,90 €



Hilaire Alrune
19 mai 2014


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