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King County Sheriff
Mitch Cullin
Inculte, Fiction, novella en vers libres (USA), chronique du Texas, 136 pages, janvier 2011, 16€

Adossé au puits de la maison de ses parents, le shériff Branches fume, en attendant que son beau-fils, Danny, veuille bien cesser de gueuler et crever, là en bas, tout au fond, où il a rejoint les cadavres de deux Mexicains bien décomposés. Et Branches de revenir sur sa vie, son enfance, son couple, son rôle de père, ses erreurs, tout ce qui a mené à cet instant.



Pour qui a déjà lu Mitch Cullin (ses« Abeilles de M. Holmes » traduit chez Naïve, où il s’empare du célèbre détective, ou « Tideland », adapté au cinéma par Terry Gilliam), on sait que le bonhomme ne verse jamais dans la facilité.
Son « King County Sheriff » est une histoire âpre, servi par une écriture sans défaut que la traduction préserve, changeant cette magnifique novella en une sorte de poème récité jusqu’à l’épuisement, une scansion à bout de souffle. Son héros s’y révèle tour à tour humain et monstrueux, doux et brutal. Il est le gardien de l’ordre. Il est la loi. Quel qu’en soit le prix, quelles qu’en soient ses erreurs.

J’ai connu ce garçon.
Je l’aimais
je crois
J’aurais jamais dû lui acheter
ce 9 mm.
J’aurais dû lui acheter un chien
plutôt.

Mitch Cullen dresse au travers de son antihéros un portrait de l’Amérique profonde, bouseuse, raciste, puritaine, et ce sheriff à la justice souvent brutale ne la rachètera pas. Mais l’homme est plus complexe que cela, et son insigne, ou le fait qu’il mérite de le porter, malgré ses égarements passagers, semble la marque que son curseur de monstruosité définit un seuil à ne pas dépasser. Il est la loi, ce qu’il juge bon est bon, le reste non. Faire du gringue à un flic et jouer les sainte-nitouche ensuite, c’est mal. Empoisonner des chiens, c’est mal. Et Branches applique sa justice, même s’il se trompe.
Aimer son pays, c’est bien. Ne pas aimer les Noirs, c’est normal. Mais ça s’arrête là. Et tant pis pour qui passe la ligne.

Les nègres
et les youpins
et les pédales
ne tuent pas les chiens.

Au fil des vers libres, on découvre son enfance, l’amour de sa mère et la haine pour son beau-père ; quelques actes d’humanité qui suffiraient à rattraper tout le reste, reste dont il s’absout tant que ces fautes tiennent sur les doigts d’une main, même s’il ne les oublie pas, jamais.

Deux crans plus noir et plus violent que le Longmire de Graig Johnson (chez Gallmeister), le « King County Sheriff » Branches ne vous laissera pas indemne.


Titre : King County Sheriff (Branches, 2000)
Auteur : Mitch Cullin
Traduction de l’américain (USA) : Yoko Lacour
Couverture : Yann Legendre
Éditeur : Inculte
Collection : Fiction
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 136
Format (en cm) : 20 x 16,5 x 1
Dépôt légal : janvier 2011
ISBN : 9782916940465
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
25 février 2014


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