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Involution
Johan Heliot
J’ai Lu, Nouveaux Millénaires, science-fiction, 189 pages, janvier 2014, 13€

Le Brésil, dans un futur proche. Vincent, licencié par son employeur français, trouve un travail à Sao Paulo chez Globo, géant de l’informatique en passe de concurrencer Google. Il espère y renouer avec son épouse Chloé, spécialiste des ondes sonores, qui après avoir mis au point des robots anti-émeutes nommés hurleurs, et avoir été conspuée suite à quelques bavures de ces robots, s’est reconvertie, au sein de la firme Foréa, dans l’utilisation de ces ondes sonores pour propulser dans l’écorce terrestre, jusqu’à des profondeurs jamais atteintes, une capsule habitée, le but à terme étant d’exploiter des ressources jusqu’alors inaccessibles. Elle espère trouver gloire et fortune ; Vincent, lui, ne pense qu’à la retrouver, ainsi que leur fille Angie. Mais rien, absolument rien, ne va se passer comme prévu.



Car les profondeurs du manteau terrestre abritent une vie intra-terrestre, sorte d’avant-poste d’une intelligence extra-terrestre d’une ancienneté incommensurable qui a choisi la voie de l’expansion à tout prix. Une vie intra-terrestre chargée de préparer l’exploitation de la colossale quantité de fer nécessaire à la propagation dans le cosmos de cette entité qu’elle représente. Une intelligence qui n’a cure de ces minables parasites qui s’agitent à la surface du globe, que le pillage programmé ne tardera pas à faire disparaître en entraînant des perturbations magnétiques telles qu’elles modifieront jusqu’aux couches entourant l’atmosphère, et permettront aux radiations cosmiques de griller l’humanité à petit feu.

Un soupçon de science, une pincée d’histoire de famille, un entretien avec des extra-terrestres, une étrange et originale vision du big-bang, un peu d’apocalypse et de troubles urbains, la fin programmée de l’humanité, une belle idée du sauvetage de la mémoire humaine, et pour finir une tentative d’envolée métaphysique. Ces thématiques auraient pu servir de base à un récit mêlant thriller et hard-science et pourraient être intéressantes si tout n’était pas si superficiel – les dialogues entre Sébastian et Vincent donnent l’irréductible impression de sortir d’un type de feuilleton télévisé pour lequel il faudrait inventer de nouvelles lettres situées bien au-delà du « z » – et si le manque d’homogénéité et de cohérence n’étaient à tels points récurrents. Le lecteur, en effet, ne cesse de se poser des questions, aussi bien du côté du « pourquoi » que du « comment ». Comment se fait-il que les intra-terrestres, qui sont également des extra-terrestres ayant colonisé l’univers sur des distances faramineuses, n’aient strictement aucune idée de la présence de l’humanité sur la Terre, et ne la découvrent qu’à l’occasion du forage ? Comment se fait-il qu’un personnage comme Sébastian, de l’envergure et de l’importance d’un Bill Gates, s’amuse à recruter lui-même, et à suivre comme s’il était son égal, un personnage aussi pâle et aussi inexistant que Vincent ? Comment se fait-il que les modifications électromagnétiques fassent chuter les drones mais n’aient pas l’air de perturber beaucoup le fonctionnement du reste des appareils ? Ou même pourquoi tombent-ils alors qu’il est expliqué un peu plus loin, pour justifier tant bien que mal le fait que les projets informatiques de Sébastian puissent se poursuivre, que le continent sud-américain n’est pas affecté par ces modifications du champ magnétique ? Comment se fait-il que les extra-terrestres à tel point indifférents au sort de l’humanité qu’ils vont s’en débarrasser comme d’un simple parasite souillant ce qu’ils estiment être leur propriété finissent-ils par ériger Chloé comme messager destiné à apprendre à l’humanité sa propre fin ? Et que vient faire cette histoire de truands et de macumba et pourquoi diable nos extraterrestres sauvent-ils l’un des pires d’entre eux pour le transformer en créature invincible destinée à prendre le pouvoir à Sao Paulo ? Quelques questions, parmi bien d’autres, que l’auteur n’a pas su anticiper, ou auxquelles il n’apporte que des explications bien peu satisfaisantes.

L’ouvrage fait à peine deux cents pages et est écrit en gros caractères. Des spécificités que l’on aurait, face à la déferlante de gros volumes, tendance à considérer comme une authentique qualité. Mais, hélas, pas d’épure dans « Involution  ». Ce roman - l’auteur aurait-il voulu faire trop facile à lire ? - n’est pas seulement insuffisamment développé, il est aussi simpliste sur le plan scientifique, élémentaire au niveau de l’écriture, basique en ce qui concerne les caractères. Autant d’éléments qui pourraient encore passer si sa construction n’était finalement assez lâche, et, surtout, si son intrigue n’était pas en même temps aussi mince et jalonnée d’incohérences. Le lecteur n’aura aucun doute : si l’on excepte d’infimes détails, « Involution » est au mieux un roman pour enfants, qui, au lieu d’être publié par une maison d’édition dévolue à la jeunesse, s’est égaré dans la collection « Nouveaux Millénaires. » À ce constat l’on pourra objecter que sous ce label ont déjà été édités quelques récits qui semblent destinés aux adolescents comme ceux de Nick Sagan – mais ils étaient d’une autre trempe. On restera donc assez perplexe sur la place d’« Involution » dans cette collection, à moins que « Nouveaux Millénaires » ne cherche à tout prix à se bernard-werberiser, ce qui, au vu des excellents titres qu’elle a jusqu’ici publiés, ne semblait pas correspondre à sa ligne initiale.


Titre : Involution
Auteur : Johan Heliot
Couverture : Flamidon / Shutterstock
Éditeur : J’ai Lu
Collection : Nouveaux Millénaires
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 189
Format (en cm) : 13 x 20
Dépôt légal : janvier 2014
ISBN : 978-2-290-06003-2
Prix : 13 €



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Hilaire Alrune
4 février 2014


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