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Tes mots sur mes lèvres
Katja Millay
Fleuve noir, Territoires, roman traduit de l’anglais (USA), 501 pages, janvier 2014, 17,50€

La vie de Nastya Kashnikov, dix-sept ans, a été détruite lors d’un terrible événement qui a balayé tous ses projets, et son ancien elle. Deux ans et demi plus tard, après s’être enfermée dans le mutisme, elle décide de prendre un nouveau départ, dans une nouvelle ville, une nouvelle école, où personne ne la connaît et ne sait ce qui lui est arrivé, et où elle pourra se créer un nouveau personnage. C’est là qu’elle rencontre Josh Bennett, ce mystérieux garçon qui semble être entouré d’un champ de force empêchant les gens de l’approcher, mais qui n’a même pas besoin d’élever la voix pour être écouté et respecté.



Mourir, ce n’est pas si dur quand on l’a déjà fait.
Et c’est mon cas.
Je n’ai plus peur de la mort.
C’est tout le reste qui m’effraie.

Cette entrée en matière nous annonçait un roman fort en sentiment, où la mort, la vie et les tourments qui les accompagnent auraient une place centrale. On s’attend donc à un récit poignant relatant des faits graves. Mais, parce qu’il y a un “mais”, en refermant ce livre, on reste un peu sur notre faim, les promesses étant juste touchées du doigt mais pas complètement tenues.

L’histoire est racontée en alternant les points de vue des deux protagonistes, cela apporte un réel plus au récit. Josh et Nastya sont tous les deux des personnages complexes, aux pensées tortueuses, et il aurait vraiment manqué une partie si on n’avait eu qu’un seul point de vue, ou même si la narration avait été à la troisième personne. Le choix de l’auteur pour ce genre d’histoire était donc parfaitement approprié.

Les personnages principaux évitent le cliché, on appréciera notamment l’originalité de l’héroïne, Nastya, gothique de dix-sept ans qui, pour se démarquer, aime se pavaner à l’école en talons aiguilles et mini-jupe. Elle se soûle jusqu’à rouler au sol et ne prononce jamais une parole (enfin c’est pas toujours vrai). Nastya ne parle pas la plupart du temps et cela permet au lecteur de connaître ses pensées tandis que les personnages se posent des questions sur elle. On entend tous ses dires intérieurs et on assiste aux spéculations des autres personnages.

Je peux être des tas de filles différentes, mais aucune d’entre elles ne sera jamais moi

Josh pourrait être qualifié de bouée de sauvetage pour Nastya alors qu’il est lui-même complètement à la dérive. Le destin semble s’acharner sur ses proches, les lui retirant les uns après les autres. Il n’a plus personne, orphelin émancipé et les gens encore en vie semblent l’éviter. C’est un solitaire, il aime passer son temps à fabriquer des meubles en bois dans son garage. La menuiserie est son exutoire.

Il ne m’a pas offert un endroit où m’asseoir, mais un lieu où me sentir chez moi.

C’est donc tout logiquement et sans grande surprise que ces deux âmes en peine vont se tourner autour, se comprendre et s’accrocher l’un à l’autre tout en essayant de continuer à cacher leurs secrets intimes. D’ailleurs sur ce point l’auteure maintient le suspens un bon moment, ne dévoilant qu’une par une les pièces de ces puzzles.

L’écriture de Katja Millay est simple mais efficace. On découvre un certain sens de l’humour qui compense avec le manque d’action et tient le lecteur bien réveillé. Parfois dure, crue, elle mêle le vocabulaire familier, grossier aux émotions tout en réussissant à rendre le tout poétique. Les émotions, les ressentis des personnages ressortent de son écriture et c’est là où avec une facilité à manier la description, on se demande pourquoi l’auteur n’a pas poussé plus loin.

Autre point sur lequel l’auteure aurait pu davantage développer : le traumatisme lié au fait que Nastya ne peut plus pratiquer sa passion. On parle peu de musique, un piano fait une apparition brève dans le décor, mais malheureusement il reste en toile de fond. On en vient à espérer au fil des pages que la jeune fille se batte un peu plus contre sa condition et en revienne à jouer. Mais non.

On a l’impression qu’en évitant de développer, l’auteure n’a pas voulu trop se compliquer la tâche et s’est un peu retranchée dans la facilité. Car même avec les bases de ce récit qui paraissait compliqué, toutes les explications qui seront données à la fin, les acceptations, le pardon... tout semble avoir était survolé. Une envie de happy end certes, mais trop de choses vont se voir bouclées d’un simple revers de main. D’où cette impression en refermant le livre de ne pas avoir été rassasié.


Titre : Tes mots sur mes lèvres (The sea of Tranquility, 2013)
Auteur : Katja Millay
Traduction de l’anglais : Juliette Lê
Couverture : Mandy Erskine / Arcangel Images
Éditeur : Fleuve Noir
Collection : Territoires
Séries : Jeunesse
Site Internet : Page du livre
Format (en cm) : 14,0 x 22,5
Pages : 501
Dépôt légal : janvier 2014
ISBN : 9782265097940
Prix : 17,50 €



Delphine Dumouchel
12 mars 2014


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