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Sagesse de la Comté (La)
Noble Smith
Fleuve Noir, traduit de l’anglais (États-unis), essai, 248 pages, novembre 2013, 14,90€

Après une courte préface de Peter S. Beagle (dont nous ne saurions que trop recommander la lecture de son recueil de nouvelles, « Le Rhinocéros qui citait Nietzsche »), Noble Smith, qui a vécu à Paris, se fend d’une préface propre à l’édition française qui nous caresse dans le sens du poil (ce poil que nous avons, en brave hobbits, sur le dessus des pieds) en nous expliquant que nous autres Français sommes particulièrement semblables à des hobbits, parce que nous sommes experts en bonne chère et en boisson, amateurs de marche au grand air, que nous préférons l’amitié profonde à la superficialité et aimons les conversations intenses.



«  Quand on se goinfre dans un fast-food, on pourrait aussi bien avaler de la bouffe pour Orques.  »

Après de tels compliments, avons-nous encore besoin de la sagesse de la Comté ? Assurément, oui, car si nous sommes indiscutablement des champions de la bonne chère (mais nous ne mangeons pas encore comme eux six fois par jour), nous avons encore besoin de progresser un peu pour être de parfaits hobbits. Entre autres thématiques – une vingtaine environ, déclinées en autant de chapitres – , Noble Smith nous apprend à surmonter ce qui en nous exerce un effet délétère (notre équivalent de l’anneau), à composer avec ceux qui (hélas nombreux) font office dans notre entourage de véritables Gollums, à aménager partout nos propres terriers de Hobbits, à dormir mieux et plus longtemps, à ne pas nous dissiper en occupations superficielles et qui finalement ne nous apportent pas de véritables satisfactions, pour mieux nous concentrer sur l’essentiel, comme la marche, la fête, la camaraderie, le jardin, la nature et autres plaisirs intemporels.

La vie et l’œuvre de Tolkien

Sans jamais sombrer dans le didactisme pesant ni dans la tonalité universitaire, Noble Smith, toujours avec légèreté, toujours par petites doses, revient sur des éléments de l’abondante œuvre de Tolkien ou de sa biographie, qu’il met, souvent de façon convaincante, au service de ses thèses sur cet art de bien vivre qui n’est autre que celui des hobbits.

«  L’expansion urbaine, ou « orquification », transforme nos villes et villages en immenses et hideux supermarchés .  »

Noble Smith n’oublie bien entendu pas que Tolkien était avant tout philologue et nous apprend ici l’étymologie du terme « shiriff », là l’origine du mot « orque », mais nous explique aussi des termes et concepts modernes comme celui d’« upcycling » ou de « locavorie », et nous apprend que Tolkien n’hésitait pas à inventer de nouveaux vocables, comme le terme relativement optimiste de l’ « eucatastrophe ».

Un ouvrage anecdotique mais plaisant.

Les grands connaisseurs de la vie et l’œuvre de J.R.R. Tolkien – ceux qui sont non seulement capables de réciter par cœur l’intégralité du « Hobbit » ou du « Seigneur des Anneaux, » mais aussi de citer ses autres œuvres de fiction ou sa correspondance – auront beau jeu de dire que l’ensemble ne casse pas trois pattes à un nazgûl et que la science tolkiennesque dont Noble Smith fait preuve reste congrue. D’autres pourront voir dans la rédaction de ce livre une tentative opportuniste de rapporter un traité sur le mode de vie à un univers indiscutablement très vendeur, que ce soit sur le plan littéraire ou cinématographique. À ces critiques, nous objecterons : « oui, peut-être, mais pas seulement. »

Car s’il y a peut-être un peu de vrai dans ces arguments, il n’empêche que ce petit volume, qui aurait pu donner l’impression de se greffer artificiellement sur la déferlante de tolkienneries contemporaines, est au final assez sympathique. Plaisant, facile à lire, destiné aux adultes mais accessible également aux plus jeunes, invitant à réfléchir sur ce que nous sommes et sur la manière dont nous vivons, il constitue une lecture agréable, apaisante presque, une invitation à cesser de se disperser vers le futile pour se recentrer sur les plaisirs essentiels de l’existence. Pour les amateurs de Tolkien, il constituera une amusante curiosité. Pour ceux qui ne l’ont pas lu, et qui hésitent à se plonger dans son œuvre monumentale, il pourra faire office d’accroche et d’invite. Quant à la catégorie, assez fournie, de lecteurs ayant lu et apprécié cet auteur longtemps avant les longs métrages de Peter Jackson, mais sur qui l’effet de mode affectant cet auteur depuis maintenant plus d’une décennie aura fait office de repoussoir, il constituera une incitation à y replonger et à retrouver d’anciens plaisirs.


Titre : La Sagesse de la Comté (The Wisdom of the Shire, a short guide to the long and happy life, 2012)
Auteur : Noble Smith
Traduction de l’anglais (États-unis) : Erwann Perchoc
Couverture : Tim McDonagh
Éditeur : Fleuve Noir
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 248
Format (en cm) : 13 x 18,5
Dépôt légal : novembre 2013
ISBN : 978-2265097681
Prix : 14,90 €



Hilaire Alrune
12 décembre 2013


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