Sans aucun rapport avec le film « La Planète Interdite », le livre de Laure-Marie Lapouge fait état d’une humanité déshumanisée qui a cherché sa survie dans l’expansion interstellaire. Rien de bien nouveau ici dans le domaine de la science-fiction spatiale. Stationnée à l’abri derrière une lune, une station orbitale observe une planète. Mais à l’heure où de très nombreuses nouvelles Terres sont colonisées par le Consortium, la planète Bérénice n’est pas n’importe quel caillou : abandonnée en toute hâte il y a plusieurs siècles, la planète est interdite, dangereuse. Cependant les besoins des humains sont grands et la planète regorge de minerais précieux. Les hommes sont donc revenus devant Bérénice et observent les peuples à l’œuvre à sa surface, tentant de comprendre leur manière de vivre mais aussi l’origine du danger. Car malgré leur technologie et leurs techniques de dissimulation, les espions qui descendent sur la planète disparaissent, ou meurent de manière suspecte. D’ailleurs, c’est bien vrai qu’il se passe de drôles de choses sur cette planète.

Comme vous pouvez le voir, le thème n’a franchement rien d’exceptionnel, même dans la littérature jeunesse où l’espace commence à faire son apparition - il suffit de lire « Glow » ou « 172 Heures sur la Lune ». Des intrigues plus ou moins bien menées qui servent parfois (souvent ?) de prétexte à une histoire d’amour adolescente qui fait bouger les montagnes. Devinez quoi ? « La Planète Interdite » n’a absolument rien à voir avec ça ! Laure-Marie Lapouge ne joue pas la carte du drame amoureux, les adultes y jouent leur rôle rassurant, éducateur, encadrant d’adultes normaux, tandis que les enfants font des bêtises. Les amourettes ne concernent que les adultes et ne sont que de petites historiettes sans grande importance sauf pour la psychologie des personnages.
En effet, c’est un livre tout sauf enfantin que nous propose cette auteure française de talent. Pas de midinettes, d’ados plus courageux que les adultes de toute façon absents et sans substance. À la place, un récit d’une grande richesse tant dans la forme que dans le fond, mêlant science-fiction et fantastique. Nous aurions pu craindre une énième histoire à la Poncahontas, heureusement l’auteure est française et on échappe à ce sempiternel tourment américain.

Tout commence sur Lointaine, la station spatiale, avec un ethnologue, Mac Lir, profondément épris de Bérénice, la planète qu’il observe depuis des années. Aucune femme ne lui arrive à la cheville, et quand sa collègue disparaît puis que quatre jeunes filles de Bérénice sont faites prisonnières et retenues sur la station, le scientifique commence à avoir des doutes sur les motivations réelles de ses supérieurs. Mais lorsqu’il est question de torturer les jeunes filles pour savoir de quoi il retourne réellement sur la planète, et que les dirigeants de l’expédition parlent de mettre Bérénice à feu et à sang pour se servir après, Mac Lir pète les plombs et s’enfuit. Dans ce monde un peu sauvage, le jeune homme va revivre, va guérir.
En parallèle, le lecteur pourra suivre le prince Kaherdin. Dans une société essentiellement matriarcal, des rumeurs courent sur le père véritable de cet homme droit mais tourmenté. Une quête va l’amener à assumer tous ses héritages, mais, plus important, il va aussi conduire toute une cohorte d’enfants qui pourraient bien s’avérer indispensables à l’histoire.

« La Planète Interdite » est un ouvrage qui vous fait croire que ce que vous voulez, c’est savoir comment la planète va être sauvée, mais à la fin, le lecteur se rend compte que c’est tout le reste qui était important, toute la découverte de ce monde qui se fait ingénieuse et avec une grande exhaustivité. Et finalement, ces personnages, on s’y est beaucoup attaché et on n’a pas vraiment envie de les lâcher. Alors que les trilogies fleurissent et que le lecteur est presque content de pouvoir tomber sur un bon one-shot de temps en temps, on se prend à regretter que Laure-Marie Lapouge n’ait pas écrit un cycle sur Seis-Keyah, mais un cycle pour adultes dans le style de « La Ballade de Pern ». Certes, la française n’est pas tout à fait au même niveau, mais il y a quand même un sacré don. Et ce récit marquera, j’espère, la littérature jeunesse pour amener une forme plus évoluée et adaptée aux filles comme aux garçons.

Titre : La Planète Interdite (2011)
Auteur : Laure-Marie Lapouge
Couverture : Miguel Coimbra
Éditeur : Albin Michel
Collection : Wiz
Site Internet : page roman
Pages : 461
Format (en cm) : 14,5 x 21,5 x 3,2
Dépôt légal : mars 2011
ISBN : 978-2-226-19552-4
Prix : 15 €