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Fabrique de best-sellers (La)
anonyme
Porc-éPic, les manuels impertinents, roman (France), anticipation satirique, 105 pages, novembre 2008, 9€

2022. Le président Ricola Narkozy, dans son mandat de 20 ans, a nationalisé la culture, placé comme ministre le sémillant Bernard Vibrot et, suite à une canicule fort opprtune, fait entrer à l’Académie Française Lars Mévy, Guillaume Museau, Katherine Potcole, Anna Flagada, Amélie Rotonde et Maxime Ramdam. Que des grands noms de l’édition dont la prose a l’effet recherché : endormir les masses populaires et laborieuses.
Tandis qu’on prépare la nationalisation de l’édition et de la librairie, Victor, gauchiste normalien, rejoint le haras d’auteurs à la botte du ministre. Sa mission : écrire un livre à la sauce Mévy-Museau à la gloire du mariage, institution en berne. Mais faut que le lecteur rêve, qu’il voyage, qu’il espère, qu’il relativise sa propre condition devant des personnages d’un récit poignant : une Angolaise excisée devra choisir entre l’amour d’un éboueur magrébin et un Ch’ti qui vend des frites... Qu’il s’applique, le livre pas encore écrit va recevoir le Goncourt !



En marge de ces grandes manigances, la résistance s’organise autour de Pascal Bovary et du collectif Céline, qui veut libérer les bibliothèques et rétablir l’accès à la culture et aux grands auteurs classiques. Mais la police de l’édition est à leurs trousses, et malgré quelques actions terroristes d’éclat, ils sont peu visibles. Mais Pascal, avec Victor, prépare un grand coup...

Je ne vais pas éventer le finale de ce petit bouquin fort drôle, dont la centaine de pages est un délice pour peu que vous soyez un peu remonté contre la rentrée littéraire ou ces auteurs de best-sellers dont les livres sont apportés sur une palette et posés à l’entrée des supermarchés, dans un rayon soi-disant « culturel ». Par le prisme de l’anticipation parodique, « La Fabrique de best-sellers » met en lumière un état de fait déjà actuel : les gens, dans leur majorité, lisent les mêmes livres, formatés et faciles, et entrent dans un cercle vicieux qui poussent les auteurs (gentiment caricaturés sous des pseudonymes transparents) à écrire toujours la même chose, du creux, du vent mais qui suffit à faire rêver des gens à l’imagination assommée par le train-train quotidien. On ne peut que frémir en pensant qu’à notre époque déjà, la production annuelle de ces 10-12 auteurs suffit à alimenter en « lecture » la population française. Car chacun publie un livre par an, sans forcer, puisque c’est toujours la même chose, les mêmes trucs, le titre en forme de question ou de phrase, le mystère amoureux, le fantastique léger avec un fantôme d’être aimé...

Bon, si vous êtes en train de lire ceci, vous n’êtes normalement pas concerné. Quoique... avez-vous lu vos classiques, ou êtes-vous noyé dans le tout-venant des best-sellers qu’on vous « impose » ?

Bref, un petit bouquin qui fait un peu réfléchir sur le fond avec une dictature de la culture normalisée et une résistance qui n’est pas sans rappeler celle de la Seconde Guerre mondiale ou l’impression clandestine des siècles précédents.
La forme satirique rend la lecture souvent hilarante tant les personnages sont extrêmes et dissèquent finement le produit qu’ils vont vendre. Le happy end laisse croire que les masses peuvent encore être capables d’intelligence, pour nous poser une dernière question : que se passerait-il si nous exigions tous de la littérature de qualité ? Qu’adviendrait-il de ces petits gribouilleurs et autres tireurs à la ligne ?


Titre : La Fabrique des best-sellers
Auteur : anonyme
Couverture : E. Chardin / PoodlesRock/Corbis
Éditeur : Porc-éPic
Collection : Les manuels impertinents
Pages : 105
Format (en cm) : 20 x 12 x 0,7
Dépôt légal : novembre 2008
ISBN : 9782847363418
Prix : 9 €



Nicolas Soffray
5 décembre 2013


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