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7 Secondes pour devenir un aigle
Thomas Day
Le Bélial’, recueil (France), science-fiction, 352 pages, septembre 2013, 19€

Voilà bien des années que j’ai découvert Thomas Day, la revue « Bifrost » du même éditeur débutait juste. Dès la première nouvelle lue, j’ai accroché et, une fois que c’est le cas, je crois que l’on ne se débarrasse plus de ce lien, car il se renforce avec le temps. Chaque nouvelle apparition apporte sa pierre à l’édifice et nourrit cette envie de le lire, afin de découvrir le monde sous une autre facette, celle hautement addictive de Thomas Day.



« 7 Secondes pour devenir un aigle » nous fait voyager et porte en cela la marque d’une personne qui a beaucoup bougé, comme si elle cherchait sa place : aux abords de Fukushima au Japon, Mariposa une île du Pacifique, au Cambodge, au fin fond de l’Australie, ainsi que du Canada aux États-Unis.
Trois inédits, trois rééditions pour un total de six textes qui tous nous transportent et distillent un message. L’écologie se place au centre des préoccupations. L’homme n’a pas le droit de dénaturer chaque lieu qui l’intéresse, de l’adapter selon sa volonté pour son seul confort. Dans “Mariposa”, en pleine seconde guerre mondiale, les Japonais se déchaînent face aux Américains lorsque ceux-ci touchent à un arbre. Dans la nouvelle dont le titre a été repris pour le recueil, un Indien vire au terrorisme écologique, alors qu’un mystérieux tigre protège une zone de jungle cambodgienne du tourisme exotique (“Éthologie du tigre”).
Cette volonté d’en avoir toujours plus nuit à la planète et assombrit notre futur. Il suffit d’évoquer la catastrophe de Fukushima pour comprendre les risques que l’on prend. “Shikata ga nai” n’est pas sans évoquer le chef-d’œuvre « Stalker » des frères Strougatski. Certains bravent le danger, radioactif aussi bien qu’humain, pour récupérer ce qui possède de la valeur dans la zone.
Dans “Tjukurpa”, le quotidien est tel que le seul moyen de s’évader, de nier une existence monotone, passe par la réalité virtuelle renouant avec les traditions.
La novella “Lumière noire” nous présente une I.A. qui a échappé à ses créateurs et agit pour sauver la planète, mais elle ne fait pas de sentiments et tranche dans le vif.

Thomas Day possède un grand pouvoir d’évocation, il parvient à donner corps à ses récits, à nous immerger dedans. Il a une façon d’écrire qui sonne vrai. Cela ne semble pas sur écrit, léché à l’extrême, ce qui donne une certaine froideur et augmente la distanciation par rapport au texte. L’auteur possède indiscutablement du style. Cette patte, plus son imagination, donnent des romans et des nouvelles marquantes. Il est impossible une fois la dernière ligne avalée de passer d’emblée à autre chose, il faut un temps d’adaptation, de réflexion autour de l’histoire avant de tourner la page.
Les nouvelles sont de tailles très différentes : une dizaine de pages pour “Shikata ga nai”, alors que “Lumière noire” en fait une centaine. Forcément, l’immersion n’est pas le même, car on passe bien plus de temps pour la seconde, mais l’impact ne change pas. Chacune des 6 nouvelles se savoure comme une friandise, il y a du bon dans chacune d’elle. Même si “Tjukurpa” m’a le moins parlé, la description d’Anna s’est imprégnée dans mon esprit, tellement elle est bien présentée. Le fait que ce soit elle qui le fait et sans complaisance, a renforcé cette impression.
Du talent, Thomas Day en a à revendre et, même s’il s’est assagi comme le précise fort justement Olivier Girard dans la préface (je me souviens en particulier d’un texte dans « Bifrost » qui a du en choquer plus d’un), il s’agit incontestablement d’un des tous meilleurs auteurs français de l’imaginaire.

« 7 Secondes pour devenir un aigle » est un recueil de qualité, d’autant plus incontournable qu’il fait également la part belle au talent d’Aurélien Police. La couverture est magnifique et traduit bien la force de ce recueil et encore, elle n’est qu’un avant goût des illustrations intérieures associées à chaque nouvelle. Il est d’ailleurs possible de les admirer en ligne.

Alain Sprauel nous livre avec le sérieux et l’exactitude qu’on lui connaît une bibliographie des œuvres de Thomas Day. Pourtant il avoue lui-même ne pas être sûr d’avoir recensé toutes les nouvelles, ce qui montre que l’auteur est productif.
Et un article de Yannick Rumpala traite de l’anthropocène, à savoir l’impact de la transformation par l’activité humaine de la biosphère au plus profond de ses mécanismes régulateurs. Un sujet d’importance sur lequel on n’insistera jamais assez pour laisser aux générations futures une planète viable, ce que fait très bien Thomas Day à travers six cris d’alarme.


Titre : 7 Secondes pour devenir un aigle
Sommaire (dans l’ordre d’apparition) : Mariposa, Sept secondes pour devenir un aigle, Éthologie du tigre, Shikata ga nai, Tjukurpa et Lumière noire
Auteur : Thomas Day
Couverture et illustrations intérieures : Aurélien Police
Éditeur : La Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 352
Format (en cm) : 13,9 x 20,5
Dépôt légal : septembre 2013
ISBN : 978-2-84344-121-9
Prix : 19 €



Autres œuvres de Thomas Day chroniquées sur la Yozone :
- « Sympathies for the Devil » (Folio SF)
- « Du Sel sous les Paupières » (Folio SF)
- « La Cité des Crânes » (Le Bélial’)
- « Le Trône d’Ébène : Naissance, Vie et Mort de Chaka, roi des Zoulous » (Le Bélial’)
- « L’Automate de Nuremberg » (Gallimard, Folio 2€)
- « La Maison aux Fenêtres de Papier » (Folio SF)


François Schnebelen
2 octobre 2013


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