Dans les genres qui nous intéressent, André Ruellan a surtout publié sous le pseudo de Kurt Steiner, ne signant sous son vrai nom qu’en de rares occasions. Ses principaux ouvrages sont chroniqués et m’ont rappelé bien des souvenirs agréables. Il faut dire que Kurt Steiner était un des auteurs qui sortaient du lot dans la collection Anticipation du Fleuve Noir. Remarque qui vaut aussi pour Angoisse.
C’est dans l’interview qui lui est consacrée que nous pouvons prendre toute la mesure de ses activités. Il a notamment signé de nombreuses adaptations pour le cinéma.
“Obsolescence” nous parle d’une étrange maladie frappant les jeunes de 12 à 17 ans. Des symptômes ressemblant à Alzheimer mais beaucoup plus précoces, aigus et rapides déciment cette catégorie d’âge. Aucun pays n’est épargné, les scientifiques se perdent en conjectures sur l’origine de ce mal. Quand son enfant se comporte bizarrement, on peut craindre le pire...
André Ruellan nous sert en quelque sorte Alzheimer à sa sauce. On ne sait rien du pourquoi, le fait que cela s’attaque à des jeunes gens qui ont tout l’avenir devant eux augmente le choc, surtout que l’issue s’avère souvent fatale. Beau détournement.

Autre gros morceau : la science-fiction en Chine. Autant dire que l’on sera nombreux à la découvrir grâce à l’auteur Wu Yan, titulaire à l’université de Pékin de la chaire de littérature de science-fiction, autour duquel s’articulent les trois parties du dossier. Il a signé “une introduction à la SF chinoise”, un article publié dans « Science Fiction Studies », il a été interviewé par Lavie Tidhar et la nouvelle “Le tapis de souris” n’est autre que de lui.
Un tapis de souris révolutionnaire change du tout au tout la vie d’un couple. L’idée de départ semble saugrenue, le début confirme cette impression, c’est un peu gros mais on se prend vite au jeu et la fin donne même une explication rationnelle.
À un moment, on nage en plein cyberpunk. Même s’il y a parfois confusion entre la souris et le tapis, l’ensemble est agréable à lire, plutôt original.
Elle n’est d’ailleurs pas sans points communs avec “Miracle 2.0” de Jean-Michel Calvez. La mère d’un féru d’informatique aurait tant voulu aller à Lourdes pour la venue du pape. Mais le déplacement est trop cher, surtout qu’elle est en chaise roulante. Alors le fils imagine de lui faire vivre l’événement au moyen de la réalité virtuelle...
Même si on s’attend un peu au résultat, l’ensemble est très bien mené, amusant jusqu’au bout et non dénué d’une certaine réflexion.

Philippe Curval nous invite à de la science-fiction culinaire. Un chercheur débarque sur Kitzyn. Il s’intéresse aux religions en cours sur la planète. En rencontrant un des hauts responsables de l’une d’elles, il va en apprendre plus sur le sujet.
Philippe Curval écrit toujours aussi bien, il parvient à nous étonner par la tournure que prend le récit et à ne pas sombrer dans la facilité en se renouvelant en cours de route. “Cuisine kitzyn” constitue un bon moment de lecture.

“Des grenouilles sur le paillasson” d’Annette Reader s’avère poignante. Elle concerne la disparition inexpliquée d’une petite fille dans la cour de sa maison. Aussi, lorsqu’une adolescente passe la porte de la maison une année plus tard et dit : « Bonjour maman ! » y a-t-il de quoi douter.
Annette Reader s’attaque à un sujet grave et d’actualité. Elle touche forcément une corde sensible au fond de chaque parent. “Des grenouilles sur le paillasson” évoque aussi bien les univers parallèles que le voyage dans le temps. Alors que les parents d’Ellie, la disparue, n’arrivent pas à lever le voile, seul son jeune frère de 6 ans parvient à dépasser les apparences.
Le sujet sensible des disparitions est ici très bien traité et marque le lecteur. Pour moi, la plus belle nouvelle du numéro.

Dans la partie rédactionnelle, Philippe Ethuin nous parle du roman « Le Char fantastique » de Norbert Sevestre et Denis Labbé de John-Antoine Nau. Les deux articles s’avèrent comme à l’accoutumée instructifs et prenants, revenant sur un passé que l’on aurait tort d’oublier...

Les chroniques d’ouvrages couvrent une cinquantaine de pages, bien plus qu’en général. La critique de « Les Douze » de Justin Cronin est accompagnée de trois questions posées à l’intéressé.

Un « Galaxies » consistant, s’ouvrant notamment sur la science-fiction chinoise, une grande inconnue et bien sûr un formidable marché. Il revient aussi sur André Ruellan - Kurt Steiner qui a fait rêver bien des lecteurs et nous présente de belles nouvelles.
Et puis bien sûr, il y a le CD de Brain Damage, l’occasion de retrouver le temps de quelques chansons Roland C. Wagner, que nous n’oublierons pas.

Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 24 (66 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : reprise d’une couverture de la revue chinoise Science-fiction World
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : juillet 2013
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€