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Mystère du Drake Mécaniste (Le)
Lilith Saintcrow
Le Livre de Poche, Orbit, traduit de l’anglais (États-Unis), steampunk / fantastique, 414 pages, juin 2013, 7,60€

Lilith Saintcrow est surtout connue en France pour ses romans de bit-lit, notamment la série de Danny Valentine (« Le Baiser du démon », « Par-delà les cendres », « A la droite du diable », « Terminus Saint City ») et Jill Kismet (« Mission nocturne », « La Prière du chasseur »). Avec « Le Mystère du drake mécaniste », elle inaugure la série des aventures d’Emma Bannon et Archibald Clare, deux personnages excentriques vivant dans un empire victorien parallèle, une transposition de Londres renommé Londinium. Ceci, on s’en doute, ne peut que faire se dresser les antennes des amateurs de steampunk, sans compter les rouages dentés, quasi-emblèmes du genre, qui apparaissent de part et d’autre des personnages sur l’illustration de couverture.



Un démarquage victorien

Dans l’univers imaginé par Lilith Saintcrow, Londinium a remplacé Londres, Yton a pris la place d’Eton, la Themis s’est substituée à la Tamise, la tour de Londres a été remplacée par une série de tours dans les douves desquelles rôde une créature horrifique et enserrées par une Ombre vivante, la reine se nomme plus Victoria mais Victrix. La magie y est largement répandue, et dans ses plus hautes sphères gravitent les Prime, ceux et celles qui disposent des plus grands pouvoirs. Emma Bannon, jeune femme de fort caractère, fait partie de ceux-là. À l’opposé se situent les mentahs, dont Archibald Clare, un avatar de Sherlock Holmes – même physique, même goût pour le violon – un de ces individus doués de capacité de déduction supérieure, et que tout étalage trop appuyé de magie a tendance à rendre malade – car la magie est une chose totalement illogique. Après l’assassinat inexpliqué de toute une série de mentahs rattachés à l’Empire, la magicienne Emma Bannon, mandatée par la Reine, vient s’assurer des services de Clare : c’est le début d’une enquête à travers Londinium et ses bas-fonds, à la recherche de traîtres à la Couronne et de menaces prussiennes.

Une ambiance particulière

Avec une femme à la plume, et habituée de bit-lit qui plus est, l’on pouvait s’attendre à plus de séduction que de déduction, à plus de fashion que d’action. Les lectrices auront droit à leur dose de bijoux et de toilettes, d’argenterie et de services à thé, de corsets et de linge de table, d’amourettes de magiciennes avec leurs gardes du corps, de réparties fines et de dialogues à fleurets mouchetés, beaucoup plus qu’à des références culturelles (Lady Lovelace et les machines de Babbage, et c’est à peu près tout). La part de merveilleux n’est pas exclue avec une assez jolie description de la Collégiale, sorte d’Olympe en lévitation au-dessus de Regent’s Park, accessible à travers les airs grâce à un voyage en phaéton. Pour les activités surnaturelles, on aura droit à sa dose de globes magiques, de scintillements en tous genres, de symboles de chartes et de sorts chantés –et bien entendu de morts violentes allant avec. Et, comme il se doit dans tout récit de genre, des fiacres, du brouillard, des bouges et des coupe-jarrets, sans compter une évocation de la supériorité mécanique de l’ennemi à venir – l’art allemand plus avancé du Mechanisterum – et des horreurs et inégalités sociales de l’époque, les émigrés irlandais confinés dans les sinistres zones industrielles du Southwark et faisant désormais partie des Altérés, repoussantes créatures mi-chair-humaine, mi-outils mécaniques.

Quelques petites déceptions

Les lecteurs exigeants comprendront vite pourquoi Lilith Saintcrow a choisi, plutôt qu’un passé londonien parallèle comme le voudrait la tradition du steampunk, un univers marquant plus nettement sa différence. Elle s’évite ainsi toute nécessité de recherche historique, tout manque de cohérence que les aficionados du genre ne manqueraient pas de lui reprocher, mais aussi, sans doute, toute lourdeur historique ou littéraire que son lectorat n’est pas prêt à goûter. À ce pincement de regret vient s’ajouter la déception d’une intrigue trop linéaire, d’éléments qui n’apparaissent qu’à mesure que le récit les requiert, sans création vraie d’une toile de fond préalable, d’un personnage principal – Archibald Clare – qui ne fait jamais la preuve véritable de ses capacités de déduction et n’apparaît surtout que comme un faire-valoir à Emma Bannon, mais aussi d’un certain manque d’inventivité : ainsi les gigantesques créatures mécaniques évoquent-elles beaucoup trop les univers cinématographiques (les robots-exosquelettes géants mis en scène par James Cameron à la fin d’« Aliens » et d’« Avatar », l’araignée mécanique du « Wild Wild West » de Barry Sonnenfeld) ou certaines découvertes trop récentes (les microprocesseurs), pour que le roman apparaisse parfaitement homogène, d’autant plus que Lilith Saintcrow n’hésite pas à ajouter pêle-mêle griffons, dragons endormis, et repoussantes créatures biomécaniques. Mais tous ces éléments finissent par fusionner en une scène de combat épique, ambitieuse et réussie qui n’est pas sans lorgner vers la démesure hollywoodienne – avant d’en finir, pour de vrai cette fois-ci, comme la tradition le veut, autour d’une bonne tasse de thé.

Une légèreté assumée

Si l’on est loin de l’érudition, de la classe littéraire, de l’inventivité souvent associées au steampunk, s’il ne laissera pas de souvenir indélébile dans les mémoires, « Le Mystère du Drake mécaniste » a néanmoins certains arguments pour plaire, tout particulièrement au lectorat de Lilith Saintcrow : une écriture fluide et facile à lire, un découpage en chapitres brefs, une intrigue assez simple, des rebondissements réguliers, une légèreté assumée. Des qualités suffisantes pour en faire, par ces temps estivaux, un bon petit roman de plage, en attendant la traduction, qui ne saurait sans doute tarder, de « The red plague affair », le second tome des aventures d’Emma Bannon et Archibald Clare.


Titre : Le Mystère du Drake mécaniste (The Iron Wyrm Affair, 2012)
Série : Emma Bannon et Archibald Clare, tome I
Auteur : Lilith Saintcrow
Collection : Orbit Poche
Traduction de l’anglais (États-unis) : Michele Charrier
Couverture : Lauren Panepinto / Craig White / Shirley Green
Éditeur : Le Livre de Poche
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 414
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : juin 2013
ISBN : 978-2-253-16965-9
Prix : 7,60 €



Hilaire Alrune
6 juillet 2013


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