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Maison des Mages (La)
Adrien Tomas
Mnémos, Icares, roman (France), fantasy, 442 pages, mai 2013, 22€

Il suffit qu’une maison des mages, bienfaiteurs de la population, parte en fumée pour qu’aussitôt on s’en prenne à leur ennemi héréditaire, les sorcières, et qu’on lance une croisade contre leur monastère le plus proche.
Qu’un mercenaire nain tombe sur une prophétesse elfe durant l’assaut, c’est là un drôle de hasard. Et que le seul survivant des mages, et accessoirement le plus mauvais étudiant de tous les temps, soit aussi lié à leur quête...
Pendant ce temps, de l’autre côté du continent, encore fidèle aux anciennes croyances, le roi et la fine fleur de l’ordre des paladins se fait massacrer par l’adversaire barbare dans une campagne qui devait initialement se borner à de la diplomatie un rien intimidatrice. Une défaite qui laisse le champ libre aux mages, un peu opportunistes sur le coup.
Et si tout cela faisait partie d’un plan ?



Bon, je n’ai toujours pas lu « La Geste du Sixième Royaume », le premier pavé d’Adrien Tomas récompensé par le prix Imaginales 2012. Et j’ai lu « La Maison des Mages » il y a quelque temps déjà, à sa sortie. Mais je voulais laisser reposer tout cela, car mon impression à chaud était assez bizarre.
Je ne vais donc pas plonger dans le détail ici, ma mémoire est bonne mais point absolue.

Le roman d’Adrien Tomas est un délicat équilibre de défauts et de qualités. Voire, si je puis l’exprimer ainsi, de bons défauts et de mauvaises qualités.

C’est un pavé, écrit petit. Une grande saga, à l’échelle du continent. On y suit différents groupes de protagonistes, qui ne se rejoindront pour certains jamais. Il y a trois, quatre intrigues plus ou moins parallèles. Toutes reliées par les Mages, et ce qui se cache derrière.

Des mages à double visage. D’une intrigue à l’autre, on réalise vite qu’ils sont opportunistes, et que leur bonté est une façade grâce à laquelle ils s’attirent l’appui populaire et font leur trou dans les hautes sphères du pouvoir. À l’image du mage raté, qui se révèle agent double, voire triple, avant de se retrouver une conscience et un honneur.

La trame du roi et de la paladine, après un sursaut de surprise alors qu’on les croyait morts (ce qui n’aurait pas été une mauvaise idée), s’oriente vers une magie chamanique, qui ajoute une nouvelle composante au panthéon des croyances déjà rencontrées. Un élément parmi d’autres pour vous dire que l’univers des Cinq Royaumes est complexe et que beaucoup de destinées s’y entrelacent. Peu de choses sont innocentes et laissées au hasard, avec néanmoins suffisamment de rebondissements imprévus pour ne pas tomber dans une monotone linéarité.

À l’inverse, la quête de la prophétesse elfe, qui doit sauver le monde et les races anciennes, devient un lent périple touristique à la rencontre justement de tous ces peuples (on se fait jeter chez les garous, alors on va chez les elfes, on se refait jeter, alors on va chez les nains...), descriptions grandioses et historiques de leur civilisation à la clé. Tout cela pour retomber finalement dans la mode presque contemporaine du « tout ça fait partie du plan », la suite de coïncidences et de choix faits par le groupe devant justement conduire en un lieu précis pour que ça fonctionne, et ils y arrivent tout pile.

La fin peut prendre une dimension d’apocalypse cosmique, avec des forces démentielles en présence, et seule la volonté des hommes fera pencher la balance du côté du Bien ou du Mal.

Adrien Tomas réussit à mon sens un tour de force : nous proposer une saga de fantasy ultra-complexe sur le fond, très dense et détaillée, et ultra-classique sur la forme. Sa plume est capable de nous tenir en haleine durant les scène d’action, de nous faire trembler de tension quand ligne par ligne une trahison ou un retournement de situation se dessine, mais parfois on a la sensation d’une surcharge d’information, de connaissances superflues, qui certes donnent de la couleur à l’histoire, mais dont la surabondance ajoutent des pages et des pages pas forcément indispensables à la bonne marche du récit.

Pour résumer mon propos et conclure, j’ai beaucoup aimé « La Maison des Mages », parce que c’est une grande saga de fantasy épique comme on n’en fait plus au XXIe siècle, avec une plume vive et actuelle. Mais j’ai refermé ce livre légèrement insatisfait parce que ce n’était « que » ça ; une saga de fantasy classique, aux ressorts souvent attendus et aux implications universelles, façon Raymond Feist et ses « chroniques de Krondor » qui n’en finissent pas.
La narration omnisciente à points de vue multiples tranche avec l’immersion d’un récit à la première personne, très à la mode, où on se coule dans la peau du narrateur. La dimension continentale de l’intrigue est à cent lieues de ces nouveaux romans où tout se passe dans la même ville, le même quartier.

Bref, « La Maison des Mages », suite du prix Imaginales 2012 catégorie roman français, est l’exact opposé du « Baiser du Rasoir », le prix étranger décerné simultanément, et dont je viens de finir la lecture. Lecture qui m’a motivé pour revenir, presque un an après, sur cette saga.
Affaire de goût, j’en conviens tout à fait : « Le Baiser du Rasoir » a remporté immédiatement tous mes suffrages, et il m’aura fallu du temps pour apprécier à leur juste valeur toutes les qualités de « La Maison des Mages ».

Le prochain roman d’Adrien Tomas est annoncé pour la fin du printemps 2014, et devrait nous conduire sur d’autres terres.


Titre : La Maison des Mages
Auteur : Adrien Tomas
Couverture : Alain Brion
Éditeur : Mnémos
Collection : Icares
Site Internet : fiche du roman
Pages : 442
Format (en cm) :
Dépôt légal : mai 2013
ISBN : 978-2-35408-155-3
Prix : 22 €



Nicolas Soffray
27 avril 2014


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