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Sauvage
Christopher Golden et Tim Lebbon
Castelmore, traduit de l’anglais (États-unis), fantastique, 316 pages, février 2012, 15,20 €

Haute en couleurs, dense, dramatique, aventureuse : de tels qualificatifs, et sans doute bien d’autres, seraient nécessaires pour décrire la vie de Jack London.
Pourtant, cette existence étonnamment remplie semble ne l’avoir pas été suffisamment aux yeux de Christopher Golden et de Tim Lebbon, qui ont décidé de lui adjoindre, dans un registre un peu moins réaliste, toute une série de nouveaux chapitres.
En effet, « Sauvage » est présenté comme le premier d’une série de romans consacrés à la « revisitation » de l’existence aventureuse de London sous forme de récits fantastiques, où épouvante et surnaturel s’associent au souffle de l’aventure.



Prenant quelques libertés avec la chronologie officielle – ils s’en expliquent dans une postface – les deux auteurs décident de faire débarquer Jack London à l’âge de dix-sept ans dans le Grand Nord.
Arrivant en bateau à Dyea, puis empruntant la fameuse piste Chilkoot, qui fit renoncer bien des prospecteurs et en tua même certains, Jack London, en compagnie de ses deux amis Merrit Sloper et Jim Goodman, tente de gagner avant l’hiver la ville prétendument aurifère de Dawson. Mais malgré l’inépuisable énergie de Jack London, malgré ses idées, ses aptitudes à la navigation sur un fleuve en train de geler, malgré sa témérité et son enthousiasme, les trois hommes sont obligés d’hiverner dans une cabane au milieu de nulle part, entre fleuve figé et forêt enneigée, par des températures inhumaines.
Hiverner, oui, mais plutôt survivre.

C’est dans cette première partie, avant tout réaliste – les amateurs de récits classiques du grand Nord, mais aussi des très beaux récits d’hivernages qu’ont publié les éditions Gallmeister ces dernières années, par exemple le magnifique « Indian Creek » de Pete Fromm ou les « Vingt-cinq ans de solitude » de John Haines ) apprécieront – que sont peu à peu distillés les premiers éléments fantastiques : un loup mystérieux dont l’intelligence semble humaine, et qui, secrètement, semble veiller sur Jack London et lui permet d’échapper à la mort.

Lorsque, au dégel, les trois hommes atteindront Dawson, les choses prendront une tournure plus complexe. La sauvagerie du grand Nord sera compliquée par celle des hommes.
Prisonnier d’esclavagistes sans merci capturant leurs semblables pour les faire trimer à l’orpaillage sans autre espoir qu’une mort rapide en guise de récompense, Jack London fera le difficile apprentissage de la vie. Mais la situation, déjà désespérée, s’aggravera encore. Car si le loup semble veiller sur Jack London, d’autres puissances mystérieuses rôdent dans la forêt glacée : le terrible wendigo tout d’abord (dès lors, comment ne pas penser aux grands espaces des nouvelles d’Algernon Blackwood) qui éventre, dépèce et dévore les hommes ; le non moins mystérieux Leshii, créature issue du folklore russe et arrivée avec des chercheurs d’or de ce pays ; et d’autres encore dont nous ne dirons rien.

On ne saurait pas reprocher grand-chose à cet ouvrage sinon un aspect linéaire et une transition peut-être un peu trop brutale entre l’univers du grand froid et le monde idyllique et magique dans lequel Jack London se retrouve un moment projeté.
Hormis ce détail, le récit fonctionne à la perfection, et l’on se croirait, tout particulièrement en ce qui concerne la première partie, dans un roman de Jack London lui-même. Les apparitions progressives du loup rendent bien la part de mystère des espaces sauvages ; plus loin, l’adéquation entre l’homme et l’animal, la révélation de la nature profonde de Jack London se font en finesse et par petites touches. Les apparitions et poursuites du wendigo sont mises en scène de façon particulièrement efficace, et la sauvagerie de cette ruée vers l’or, où, historiquement, bien peu s’enrichirent et beaucoup périrent, est particulièrement bien rendue.

Publié dans une collection destinée à la jeunesse, ce roman aura en définitive deux mérites : d’une part faire découvrir aux plus jeunes, sous forme de fiction, l’existence aventureuse d’un personnage bien réel, d’autre part de rappeler à leurs parents l’émerveillement ressenti à la lecture des œuvres de l’auteur, œuvres dans lesquelles ils seront vraisemblablement tentés de se replonger.

Depuis la parution de cet ouvrage chez Castelmore, un second « Voyage secret de Jack London » intitulé « The Sea Wolves » a été publié par Christopher Golden et Tim Lebbon en langue originale.
En attendant sa traduction, les jeunes lecteurs stimulés par cet ouvrage pourront se précipiter, s’ils ne les ont pas déjà lus, sur les classiques de Jack London comme « Croc-Blanc » ou « L’Appel de la forêt », ou même sur son magnifique roman « Martin Eden », lui aussi à forte composante autobiographique.


Titre : Sauvage (The Wild, 2011)
Série : Les Voyages secrets de Jack London (The Secrets Journeys Of Jack London, tome I
Auteur : Christopher Golden et Tim Lebbon
Traduction de l’anglais (États-unis) : Tristan Lahière
Éditeur : Castelmore
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 316
Format (en cm) : 14,3 x 21,3 x 2,5
Dépôt légal : février 2012
ISBN : 978-2-36231-051-5
Prix : 15,20 €



Hilaire Alrune
22 janvier 2013


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