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Oniromaque
Jacques Boireau
Armada, roman (France), science-fiction, 244 pages, septembre 2012, 14€

XXe siècle fictif. Les pays d’Europe du nord, banquiers et capitalistes, se sont ligués contre les Méditerranéens. Des révolutions éclatent, la Grèce tombe au mains des colonels, des brigades internationales voient le jour.
Jordi, le narrateur, en fait partie. D’une brigade spéciale, convoyée en secret au nord de la Grèce, dans un château isolé. Pour employer une nouvelle arme, encore expérimentale, contre l’Ennemi : l’oniromaque, une machine à rêver, à faire des rêves capables d’influencer la réalité.
Mais cela n’a rien d’une science exacte. Et bientôt, il devient difficile de séparer rêve et réalité. Ou de définir la réalité.



Ainsi que le rappelle Pierre Stolze dans sa préface, Jacques Boireau, disparu en 2011, est un grand oublié de la SF française. Boudé par les éditeurs malgré des textes de grande qualité et un prix Rosny aîné de la nouvelle en 1980, il sera très peu publié (2 romans et 40 nouvelles) en regard de sa production que sa veuve et les éditions Armada nous rendent désormais disponible.

Après une intro longuette, qui nous met plus dans l’ambiance que dans le cadre fictionnel (bien moins, en tout cas, que la préface de Stolze, grand merci à lui), le premier rêve, mené par Saura, fait remonter l’intérêt en flèche : on joue le jeu du rêve, mais après des premiers succès faciles le système s’enraye inexplicablement, pour faire capoter les efforts du groupe. Et Jordi de comprendre que les savants qui mènent l’expérience tâtonnent, qu’eux ne sont pas les héros d’une future victoire mais des cobayes d’un projet bancal et dangereux : au fil des rêves, ils deviennent de plus en plus passifs, comme si la seule conséquence réelle de leur rêve était de les éloigner de leur objectif de vaincre l’envahisseur. Les changements les affectent en premier lieu, et beaucoup moins le reste de l’Europe, pour le peu qu’ils (du moins Jordi) en sachent.

« Oniromaque » est très bien écrit, très « écrit », inutile d’en débattre. Les différents rêves articulent l’action en chapitres très différents, où le style et le ton varient, allant jusqu’à l’imitation (de Céline notamment, très littéraire et assez ardu). Les personnages s’inspirant de grandes figures du XXe siècle (Buzzati, Saura, Piaz, Ritsos), on retrouvera leurs domaines de prédilection, sans aller jusqu’à perdre le lecteur moins féru de grande littérature. On comprend très rapidement le reproche des éditeurs de SF : si le fond relève du genre, avec une uchronie et des réalités parallèles (?), la plume relève de la littérature générale, et pas des moindres.

Et c’est finalement le reproche qu’on pourra lui adresser aujourd’hui. Outre l’absence dans cette édition d’une date de rédaction, on ne saura que penser de cet « Oniromaque » un peu suranné, typique d’une SF des années 80, à l’action quasi inexistante et à la fin très dickienne qui nous laisse sur notre faim, habitués que nous sommes désormais à des choses claires et prosaïques. C’est donc aussi une bouffée d’oxygène que ce roman qui nous perd, dans le rien le si peu, puis dans le brouillard.

Il faudra se contenter de la contemplation, de plus en plus centrale à mesure que le roman, sinon l’intrigue, avance, et ne pas attendre de réponses. Comme chez Dick, ne pas chercher où est le vrai et le faux, le rêve et la réalité. Car le roman forme un cercle quasi parfait, où au final l’on cernera une forme de compréhension du système par le narrateur. Après les multiples échecs qui auront jalonné le roman, cette fin est-elle une victoire ? Tout dépend du point de vue.

Un roman lent et difficile, mais qui ravira les amateurs de bonne vieille SF et les lecteurs exigeants.


Titre : Oniromaque
Auteur : Jacques Boireau (1946-2011)
Préface : Pierre Stolze
Couverture : Michel Borderie
Éditeur : Armada
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 244
Format (en cm) : 20,5 x 12,7 x 2,2
Dépôt légal : septembre2012
ISBN : 9791090931145
Prix : 14 €


Assez peu de coquilles (moins d’une quinzaine, de très rares fautes, mais des traits d’union manquants), les plus grosses étant malheureusement dans la préface.


Nicolas Soffray
31 janvier 2013


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