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Mission Nouvelle Terre : Glow - tome 1
Amy Kathleen Ryan
Le Masque, Msk, traduit de l’anglais (États-Unis), Science-fiction initiatique, 395 pages, octobre 2012, 17,60€

Glow, ce sont deux vaisseaux spatiaux qui, alors que leur mission est de sauver l’humanité, nous rejouent les guerres de religion. Un récit qui traite de l’espérance, et surtout de ce que l’on peut faire par désespoir, mais aussi de religion et du pouvoir qu’elle procure sur des masses désemparées.



L’histoire de Waverly commence dans un vaisseau spatial en route pour une Nouvelle Terre. Bienvenue dans les clichés de la SF des années 80.
La planète est surpeuplée, surpolluée, surexploitée et l’humanité cherche à se sauvegarder en envoyant des centaines de personnes en direction d’une planète suffisamment semblable à notre bonne vieille Terre pour être « terraformée ». Cela me rappelle d’ailleurs une série qui passait fin des années 80, début des années 90, où un équipage particulièrement jeune était envoyé en éclaireur pour trouver une nouvelle planète (le nom de la série m’échappe, désolée).

Revenons-en à Waverly : ses parents ont embarqué sur l’Empyrée, un bâtiment suffisamment immense pour que chaque famille dispose d’un appartement et d’un potager ; mais aussi pour abriter une forêt de type tropical, des vergers, de grands champs, des greniers, des élevages de chèvres et de poules. Bref, au descriptif qu’en fait Amy Kathleen Ryan, on imagine une petite ville sous cloche avec tout son écosystème en totale autarcie et des moteurs nucléaires. Un petit bijou technologique. Et un bijou double car l’Empyrée n’est pas seul : un an avant lui est parti son frère jumeau, le Nouvel Horizon.

Enfin presque jumeau puisque sur le Nouvel Horizon, ils n’ont pas de chèvres, mais des vaches et aussi une spiritualité plus marquée puisque l’équipage est composé exclusivement de croyants là où l’Empyrée est essentiellement constitué de laïcs. Cela ne devrait être qu’un point de détails et pourtant…

Si tout se passe bien au début, les deux équipages s’inquiètent après quelques années de l’absence de grossesses au sein des vaisseaux. Des recherches sont menées et l’Empyrée trouve une solution qu’il communique au Nouvel Horizon. Près de 15 ans après cet échange, environ 300 enfants grandissent dans le premier vaisseau et la succession au sein de l’équipage commence à se mettre en place quand soudain le Nouvel Horizon apparaît dans le champ visuel.
Complètement affaibli par 30 ans de sécurité complète, l’équipage est pris au dépourvu lorsque le Nouvel Horizon attaque et kidnappe les filles, massacrant au passage la quasi-totalité de l’équipage adulte.

Trahisons, sabotages, manipulations, le cocktail habituel des scénarios jeunesse est présent tout comme la fille qui hésite entre deux garçons : le gentil pas vraiment gentil et le mauvais garçon qui fait de son mieux.

Cette prépondérance de l’atmosphère « jeunesse romantique » est bien illustrée par une couverture très « jeune fille naïve en détresse » là où, pour une fois, on aurait pu mettre en avant le côté science-fiction de l’œuvre (en même temps, il ne faudra pas longtemps à un lecteur averti pour comprendre pourquoi l’auteur évite d’insister sur cet aspect science-fiction).
Vous vous doutez bien que toutes les jeunes filles, mais surtout l’héroïne, vont passer par d’horribles épreuves et revenir plus fortes encore mais avec ce petit côté écorchées vives qui fait craquer.

En dehors de la romance, le thème principalement abordé par l’ouvrage est la religion, pente savonneuse s’il en est surtout, je pense, pour un auteur américain qui semble vouloir mettre les jeunes en garde contre les extrémités qu’elle peut dissimuler.
Attention cependant, la violence exprimée dans Glow ne vient pas de la religion mais du désespoir des intervenants. Ce que Amy Kathleen Ryan pointe du doigt est surtout l’instrumentalisation de ce désespoir par un leader charismatique, disant agir au nom de Dieu (et non d’un leader soutenu spontanément par tous), pour l’obtention du pouvoir. La dérive est parfois lente et semble très bien illustrée par l’évolution du personnage de Kieran qui use d’abord de discours et de nourriture pour remonter le moral des troupes et ressouder l’équipe pour finalement passer par une étape « Cette épreuve est une punition pour notre manque de piété » pour enfin finir avec un « Je parle au nom de Dieu, suivez-moi, ou périssez ». Un abus de pouvoir d’autant plus facile quand le public se compose d’orphelins de moins de 13 ans.

Sujet donc ô combien complexe et délicat, manié cependant avec une relative finesse, ce qui sauve le récit.

Attention, spoilers !


Car l’aspect science-fiction, lui, a été bâclé. L’histoire repose uniquement sur la tension créée par le fait que l’un des vaisseaux a réussi à procréer et pas l’autre. De plus, le capitaine de l’Empyrée aurait fourni au Nouvel Horizon une formule qui, au lieu de stimuler les ovaires, les aurait détruits. D’accord.

Mais est-ce vraiment crédible qu’à une époque où la société est capable d’envoyer deux vaisseaux gigantesques, en autarcie complète, vers une planète détectée et choisie à environ 80 années de distance, aucune étude sur les effets de la micropesanteur sur la fertilité humaine n’ait été menée ? Par ailleurs, les animaux emmenés qui sont, pour la plupart, des mammifères ne souffrent pas de stérilité.

De plus, le médicament miracle n’est rien d’autre qu’un stimulant ovarien et, lors de la séquestration des filles, celles qui étaient matures se sont vues prélever des ovules après stimulation, qui ont été fécondés in vitro et inséminés dans des dizaines de femmes du Nouvel Horizon sensées être stériles et qui sont immédiatement tombées enceintes. Il y a donc fort à parier que la FIVETE (Fécondation In Vitro Et Transfert d’Embryons), technique parfaitement opérationnelle sur notre bonne vieille Terre depuis plus de 30 ans, aurait réglé le problème des deux équipages dès le départ. Donc plus d’histoire…

Un tel paradoxe scientifique est mortel pour un récit de science-fiction et Glow pourrait bien être déclassé finalement. Et je reste perplexe quant au fait qu’une si grosse faiblesse dans le scénario soit restée sans suite.

J’attends au tournant Amy Kathleen Ryan sur sa capacité à gérer intelligemment la problématique religieuse qu’elle a installée, tout en espérant ne pas la voir trop s’appesantir sur un domaine scientifique qu’elle n’a apparemment pas étudié. C’est dommage, son récit aurait pourtant pu se démarquer de l’offre jeunesse actuelle malgré le triangle amoureux mis en place.

Un dernier point, la petite phrase d’accroche : « Une nouvelle série pour les fans de Hunger Games ! ». Ou comment faire l’amalgame entre Battle Royale et Star Trek. Ça fait mal quand même.


Titre : Glow (Glow, 2011)
Série : Mission Nouvelle Terre, tome 1
Auteur : Amy Kathleen Ryan
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Alice Delarbre
Couverture : Angela Goddard / Melania Brescia / Darling Kindersley / Getty Images
Éditeur : Le Masque
Collection : Msk
Site Internet : Glow (site éditeur)
Pages : 395
Format (en cm) : 15 x 21,4 x 2,6
Dépôt légal : Octobre 2012
ISBN : 978-2-7024-3628-8
Prix : 17,60 €



Emmanuelle Mounier
2 janvier 2013


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