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Invention du Vide (L’)
N. Debon
Dargaud

Albert Frederick Mummery, le narrateur du livre, nous raconte ici l’une de ses plus belles aventures : l’ascension du Crépon, l’un des plus coriaces pics des Alpes. Avec lui, les règles de l’alpinisme, imposées par les gentlemen fortunés des Clubs, volent en éclats. Plus de « Monsieur », ni de recours à des équipements lourds et artificiels. Seul compte le respect des hommes pour cette montagne qui les domine.
Entre fiction et réalité, Nicolas Debon nous offre un récit prenant, riche en rebondissements. Un bel hommage à ces pionniers de l’Alpinisme, prêts à tout pour conquérir les sommets.



Je ne suis pas féru d’alpinisme. Loin de là.
Cependant, la série en cinq tomes « Le Sommet des Dieux » m’avait totalement scotché. Incapable de décrocher du manga à partir du moment où j’avais feuilleté les premières pages. Rares sont les livres à m’avoir fait cet effet. Dans un autre registre, l’excellent album « Le Tour des Géants » avait réussi cet exploit. Et là, qu’apprends-je ? Nicolas Debon, l’auteur du “Tour des Géants” a créé une BD sur l’alpinisme de la fin du XIXème siècle. Ma curiosité est piquée au vif. Je dois lire ce livre. Une fois cette soif assouvie, une seule conclusion : et si, finalement, j’étais fan d’alpinisme…

Décidément, les récits narrant les débuts de l’alpinisme sont captivants. Surtout s’ils sont bien documentés. Et en termes de recherches préliminaires, Nicolas Debon se pose là. Il suffit de lire la liste incommensurable de références indiquées dans la bibliographie, à la fin de l’album, pour s’en rendre compte. Tout y passe : bulletins de l’Alpine Club, livre documentaire du début du siècle, photographies d’époque, romans thématiques contemporains… Mais avant tout, comme l’auteur l’écrit lui-même, « cette histoire est librement inspirée de l’ouvrage d’Alfred Frederick MummeryMy Climbs in the Alps and Caucasus”, initialement paru en 1895 ». Car Alfred F. Mummery, considéré aujourd’hui comme le père de l’alpinisme moderne, est le héros de ce récit. Il en est même le narrateur.

Réputé pour ses nombreuses premières ascensions dans les Alpes, Albert Mummery est connu pour avoir fait la première tentative de sommet de plus de 8000 mètres d’altitude. Il réussit en 1881, à quelques jours d’intervalle, l’ascension de l’aiguille verte par le versant de la Charpoua et le Grépon (3482 mètres). Par la suite, avec ses compagnons, il révolutionne la pratique de l’alpinisme en grimpant sans guide, notamment le Grépon en 1892 et l’aiguille du Plan en 1893. Il considère avant tout la beauté de la voie empruntée et sa difficulté, sentiment qui l’amène à gravir le Cervin par des variantes plus difficiles que la voie principale, qu’il considérait comme trop facile. Debon lui prête d’ailleurs la citation suivante dans son album : « La voie la plus difficile conduisant au pic le plus difficile est celle que l’on devrait toujours tenter ».

Nicolas Debon nous raconte la double ascension de 1881. Cet été là, Albert Mummery, Alexander Burgener et Benedikt Venetz entreprirent ensemble d’atteindre le sommet de deux des plus hautes aiguilles de Chamonix. Environs soixante-dix planches sont nécessaires pour décrire les équipements rudimentaires, les relations étroites entre les personnages et la soif de compétition qui animait ces grimpeurs fous. De somptueux dessins, aux couleurs directes, rendent hommage à ces impressionnantes montagnes, ces décors réputés infranchissables.

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Cet ouvrage possède un goût particulier. A priori, une BD sur le thème du début de l’alpinisme ne peut pas plaire à tout le monde. Et pourtant, Nicolas Debon réussit l’exploit de satisfaire les amateurs et de capter les néophytes. Même une personne qui n’aime pas les BD appréciera cet album. Comme dans “Le Tour des Géants”, l’histoire se construit, avant tout, autour des personnages, ce qui en fait une histoire universelle et captivante. Le scénario se divise en chapitres : un par jour entre le jeudi 28 juillet et le vendredi 5 août. Là encore, on retrouve une des caractéristiques du précédent roman graphique de l’auteur.

L’ambiance graphique est également très proche du précédent livre de Nicolas Debon. Ses dessins sont réalisés aux crayons gras et à la craie, coloriés de quelques teintes bleues ou orangées. Les traits des personnages sont simplifiés à l’extrême, ce qui leur donne un aspect cartoon très sympathique. Les petites lunettes rondes de Mummery rendent le héros facilement reconnaissable et assez attachant. Les décors sont majestueux et parfaitement rendus dans de nombreuses cases pleine planche. Le découpage reste classique, en douze cases par planche modulables, mais sert parfaitement la lecture.
Une dernière attention louable : à la fin du livre, un dossier de quelques pages, agrémenté de photos d’époque, présente les vérités historiques concernant les personnages de la BD. Ces pages augmentent la crédibilité de l’album, qui reste avant tout une fiction.

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Ce one-shot est selon moi l’une des meilleures BD de ce milieu d’année. Les prix vont pleuvoir si le livre connait la reconnaissance du public qu’il mérite. C’est tout le bien que je lui souhaite.
Une seule question demeure après la lecture de ce volume : quel sera le thème du prochain ouvrage de Nicolas Debon ? Un autre exploit sportif ? Ce ne sera que le troisième album pour cet auteur, mais gageons qu’il sera réussi.


L’invention du Vide
- Scénario : Nicolas Debon
- Dessin : Nicolas Debon
- Éditeur : Dargaud
- Dépôt légal : 1 juin 2012
- Format : 240 x 320 mm
- Pagination : 80 pages quadrichromie
- ISBN : 978-2205-06701-9
- Prix Public : 16,45 €


Illustrations © Debon et Dargaud (2012)



Allison & Julien
12 décembre 2012




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