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Boucher (Le)
Olivier Gay
Midgard, roman (France), fantasy, 584 pages, septembre 2012, 16,50€

Deria, jeune et jolie fille du baron Froideval, débarque au palais impérial pour faire son entrée à la cour. Élevée dans la rude province de son père à la frontière nord, elle goûte peu la diplomatie et les flatteries, et se lie davantage avec Mahlin, le garde qui l’a accueillie, et Shani, une servante un peu timide. Les deux jeunes gens, au contact de Deria, voient leur routine prendre d’autres couleurs.
Puis Deria est retrouvée, morte, violée, dans la basse ville. Des proches de l’empereur au capitaine de la garde, tous semblent vouloir ne pas ébruiter l’affaire. En mémoire de leur amie, Mahlin et Shani fuient la capitale et, au prix d’un dur périple, vont porter la triste nouvelle au baron Froideval.
Et découvre qu’il n’est autre que Rekk, dit le Boucher (et bien d’autres noms encore), le bras armé de l’empereur précédent, un général particulièrement violent qui fait aujourd’hui figure de croquemitaine. Qu’on croyait mort. Et qui n’a plus d’un désir : venger, dans le sang, beaucoup de sang, le meurtre de sa fille adorée.



Les deux jeunes gens collés aux basques, Rekk entreprend de rentrer, 20 ans après son exil plus ou moins volontaire, à Musheim. Même là-bas, au palais, quelqu’un, voire plusieurs ne souhaitent pas recroiser son chemin, et lui envoient assassins et chasseurs de primes. Dont il se débarrasse sans la moindre délicatesse, ravivant sa légende rouge.
Au palais, tandis que certains tremblent, l’Empereur Marcus, mal-aimé du peuple pour préférer le calme de la paix aux enrichissantes guerres d’expansion de son père, préfère jouer patte de velours, et confie à Rekk la reprise en main de la ville et la sécurité du palais, car les tentatives d’attentat contre lui se multiplient.

Les complots s’emmêlent et s’accélèrent avec l’arrivée du Boucher, obnubilé par sa vengeance. Jusqu’à...

Stop. Je ne vais pas vous révéler la fin. Car c’est le premier reproche que je ferais au « Boucher » : c’est un tome 1, et ce n’est indiqué qu’en dernière ligne du roman. Au temps pour ceux qui pensaient avoir le fin mot de l’histoire, Olivier Gay se dérobe.

Admirateur de David Gemmell et George R.R. Martin, il livre avec « Le Boucher » de la bonne fantasy, bien classique, avec tous les ingrédients habituels : deux jeunes gens en plein apprentissage, et qui découvrent leurs sentiments mutuels ; la figure d’un vieux héros encore combatif avec une vengeance à assouvir ; un trône menacé.

Avant les 100 dernières pages, je n’aurais gratifié ce roman que de bons qualificatifs, car la plume d’Olivier Gay ne démérite pas. Si les choses sont un peu lentes à s’installer puis à démarrer, les caractères des deux jeunes héros sont très travaillés. Les innombrables réflexions de l’une sur l’aveuglement des hommes font écho aux remarques de l’autre sur la complexité des femmes. Shani aime Mahlin, qui peine à ouvrir les yeux, d’abord hypnotisé par Deria, puis captivé par la légende qu’est son père. Quand bien même tout le monde les croit ensemble. Cela donne quelques situations post-adolescentes où les joues rougissent et font sourire le lecteur. Car tout cela sonne plutôt juste.
Le roman prend ensuite son temps. Le suspense sur l’identité du baron Froideval ne dure pas autant qu’essaie de le maintenir l’auteur, et on retrouve un peu le même problème avec les différents complots et les scènes furtives qui voudraient nous éclairer ou mieux nous embrouiller. Après une première moitié plutôt bonne sur l’aller-retour dans le Nord, le retour de Rekk et des deux jeunes gens à la capitale marque le pas.

Ce qui commence presque comme un roman policier, et promet une enquête peut-être laborieuse mais certainement délicate, est totalement balayé par l’action omniprésente dès l’arrivée de Rekk à Musheim. Dommage pour l’auteur, dont l’autre roman, « Les talons hauts rapprochent les filles du ciel », a remporté le prix du polar de Beaune cette année. L’éditeur ne manque d’ailleurs pas de le signaler à grand renfort de bandeau rouge sur la couverture, au risque de tromper l’acheteur inattentif, empiétant sur la très belle couverture de Pascal Quidault.
De plus, le faible nombre de protagonistes secondaires importants (six) faisait craindre un coupable sorti d’un chapeau. On pouvait espérer un commanditaire haut placé, ou, je l’ai cru un temps, que le véritable criminel ait voulu protéger le principal suspect. Non, trois fois non. Il n’y a qu’un suspect évident et, tenez-vous bien, c’est lui le coupable.
Idem pour le complot contre l’empereur : entre son héritier imbuvable et ses deux ducs ambitieux, l’hésitation laissait présager des manœuvres retorses. Que nenni, on se contentera du simple et évident. Désolé à l’auteur du « Trône de Fer », l’inspiration a dû manquer.
La fin du « Boucher » n’en sera que plus décevante, et l’attente avant la suite plus dangereuse : Olivier Gay a intérêt à mettre la barre bien plus haut pour recaptiver les lecteurs échaudés par un tel flop après 600 pages.

Constat final plutôt bancal, dirais-je. Le roman est très agréable à lire, l’auteur s’attache à certains détails et à la psychologie de ses personnages principaux, développe sans exagération notre connaissance de l’empire, et Rekk, véritable éléphant dans le magasin de porcelaine de la cour, fait sourire un temps avant que les carnages, plutôt bien décrits, ne prennent le dessus. Néanmoins, la faiblesse des personnages secondaires, en nombre comme en épaisseur, la banalité du complot, son apparition tardive puis sa relégation au second plan, et la fin grand-guignolesque gâchent ces qualités premières.

Des qualités qui raviront les néophytes, des défauts qui rebuteront les dévoreurs du genre. Un second roman, et premier de fantasy, prometteur et décevant à la fois. Est-ce récupérable ? La situation finale, loin d’être inédite, laisse un maigre espoir. Espérons donc.


Titre : Le Boucher
Série : (pas de titre de série), tome 1/ ?
Auteur : Olivier Gay
Couverture : Pascal Quidault
Éditeur : Midgard, label d’Asgard/Lokomodo
Site Internet : page roman (blog éditeur)
Pages : 584
Format (en cm) : 13 x 21 x 3,8
Dépôt légal : septembre 2012
ISBN : 9782365990073
Prix : 16,50 €


Signalons enfin les 80 coquilles qui émaillent les 600 pages du roman. Fautes de frappe (espaces -insécables ou non- manquantes), ponctuation hasardeuse (des questions sans point d’interrogation, ou trop de ses mêmes points saupoudrés n’importe où, des points manquants...), des pluriels sans s, et quelques erreurs plus ou moins impardonnables : Mahlin est qualifié 5 fois de « jeune noble » alors qu’il est roturier (c’est d’ailleurs un point important de sa relation avec les autres protagonistes, il n’est « qu’un garde ») ; pour se muscler les jambes, on descend « ses genoux (...) parallèles au sol » (p.242) plutôt que ses cuisses ; le « chaud soleil méditerranéen » (p.307) m’a fait plus que tiquer, enfin page 569 « mangeant rarement à sa fin » se passe de commentaire...


Nicolas Soffray
2 octobre 2012


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