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YOZONE
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Jean-Pierre Favard : entre fantastique et noir
Une interview Yozone
Juin 2012

À l’instar d’autres noms, tels Amelith Deslandes, François FierobeJean-Pierre Favard est un auteur à côté de qui il est aisé de passer, si le lecteur ne se montre pas un tant soit peu curieux.
Croisé au détour de l’anthologie « Codex Atlanticus », puis de la revue de polar « Alibis », ma véritable découverte de Jean-Pierre Favard date de l’édition chez Lokomodo du « Destin des Morts », un excellent recueil nous montrant tout son talent.
Cet auteur insère habilement un certain humour dans des histoires graves relevant du fantastique. Loin de se limiter à ce seul genre, il ne dédaigne pas le polar. Son imagination semble le pousser à faire fi des frontières, ce dont on ne peut que se féliciter, car être surpris rajoute au plaisir de la lecture.

Jean-Pierre Favard est un auteur à découvrir, mais je me dois de vous donner un avertissement : « une fois que vous commencerez un de ses livres, il y a de grandes chances que celui-ci ne vous lâche plus et que l’homme aux deux visages, le rieur et l’inquiétant, occupe vos soirées… »




Jean-Pierre Favard sur la Yozone
- « Le Destin des Morts »
- « Belle est la Bête »
- “Mauvaises vibrations” dans « Freaks n°1 »
- “La collection Prescott” dans « Codex Atlanticus n°19 »
- “Saint-Valentin” dans « Alibis 41 »


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Yozone : Jean-Pierre, pourriez-vous brièvement vous présenter ?

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Tout à fait. Jean-Pierre Favard, quarante et quelques années, auteur en passe de réaliser son rêve.

Yozone : Qui a eu cette idée, que je trouve excellente, de mêler différentes longueurs d’écrits dans « Le Destin des Morts » ?

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En fait, c’est venu en plusieurs temps. Tout d’abord, les éditions Lokomodo m’ont proposé de rééditer mon roman, « La seconde mort de Camille Millien » initialement paru chez un petit éditeur associatif nivernais, le Panier d’Orties. Peggy Van Peteghem m’a ensuite demandé si je n’avais pas d’autres textes à lui proposer afin de « grossir » un peu le volume. Je lui ai donc proposé de ressortir “Mauvaises vibrations”, texte paru dans la revue « Freaks Corp ». De là l’idée m’est venue de lui proposer un autre texte, toujours dans cette logique d’obtenir un volume un peu plus conséquent. Et comme les deux textes précédents tournaient autour du thème de la maison hantée, je lui ai proposé d’écrire quelque chose de plus long (et de totalement inédit) qui exploiterait, de manière différente, ce même thème. Elle a donné son accord de principe et je m’y suis attelé. Fort de ces trois textes, l’idée m’a alors traversé l’esprit d’écrire une micro-nouvelle comme une sorte de blague à mettre en fin de livre. Ainsi, me suis-je dit, le volume regroupera-t-il une micro-nouvelle, une nouvelle, une novella et un roman. J’aime m’amuser avec ce genre d’idées, de concepts. Et les éditions Lokomodo ont immédiatement accepté de jouer le jeu. Donc on peut dire que nous sommes équitablement responsables de la chose. Et que je plaide, pour partie, coupable.

Yozone : D’ailleurs, entre la micro-nouvelle, la nouvelle, la novella et le roman, quelle est la distance qui vous inspire le plus ? Celle sur laquelle vous êtes le plus à l’aise ?

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Ce sont des exercices très différents, même s’il s’agit toujours d’écriture. La micro-nouvelle, comme je vous le disais, est plus à prendre comme une blague. J’en ai écrit quelques-unes dans cette veine, sous pseudo, pour la revue « Freaks Corp. », ce n’était donc pas une première pour moi et ceux qui me connaissent un peu savent à quel point j’adore ce genre de jeux de mots déb... enfin bref. La nouvelle est un genre que j’aime particulièrement parce qu’il est exigeant. Il faut aller à l’essentiel, poser la situation et les personnages en peu de mots et, si possible, aboutir à une fin qui surprenne. C’est un excellent exercice, notamment pour se faire la main. Un peu comme le court métrage peut l’être au cinéma, du moins je suppose. En tout cas, c’est le genre de défi que j’aime relever. La novella se situe à mi-chemin entre la nouvelle et le roman. Ce n’est déjà plus l’une mais pas encore l’autre. On a le temps de poser l’ambiance mais sans trop rentrer dans les détails. Une fois de plus, on doit aller à l’essentiel. En fait, pour ne rien vous cacher, je ne suis pas de ces auteurs qui commencent à écrire en sachant pertinemment là où ils vont aller. Je n’ai jamais de plan préconçu en tête. Ni de fin avant d’y arriver. Je suis, en quelque sorte, mon premier lecteur. Je découvre en même temps que j’écris. Les idées me viennent, s’enchaînent, en amènent d’autres et ainsi de suite. Du coup, ça peut se terminer en nouvelle ou en novella. Pour le roman, c’est différent. Le roman est un texte beaucoup plus long. Les personnages sont plus nombreux, les situations multiples. Il peut y avoir une histoire principale et des histoires annexes qui, à la fin, se recoupent. Ou pas. En termes de construction, on peut aller beaucoup plus loin, on peut enchevêtrer les époques, les situations, jouer avec le lecteur, le conduire sur de fausses pistes, s’amuser avec lui. On a plus de temps. Plus d’espace. Plus de liberté ? En fait, je crois que j’aime autant chacune de ces « distances », pour des raisons différentes et pour les frissons qu’elles procurent, chacune à leur manière.

Yozone : Le cadre de la maison hantée dans le Morvan revient à deux reprises. Un peu comme dans “Ghost ‘n’ Roll Baby”, cherchez-vous à lancer un nouveau genre de tourisme ? Et ne louez-vous pas une propriété, hantée ou non, dans le coin ?

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Puisqu’on en parle, j’ai justement une petite masure à demi effondrée au fin fond du Morvan à louer. Un horrible massacre s’y serait déroulé et on parle de... non, trêve de plaisanterie. J’ai situé ces histoires dans le Morvan (“Mauvaises vibrations” également même si ce n’est pas dit explicitement) parce que je suis originaire de la région. Qu’il existe un fort légendaire local. Et que je préfère situer les histoires que j’écris dans des lieux que je connais. Quant à lancer un nouveau genre de tourisme, pourquoi pas ? C’est une belle région, encore sauvage. Elle mérite d’être découverte. Et l’économie n’y est pas assez florissante pour que ce soit mal vu des autochtones. Ceci étant dit, je n’ai pas fait de recherches mais je suis à peu près certain que le concept de la maison hantée à louer existe déjà. En tous cas, je serais fort étonné que ce ne soit pas le cas.

Yozone : N’y a-t-il pas du vécu dans les pages du « Destin des Morts » ? Une sortie de classe ou avec une bande de copains aurait-elle laissé des traces ?

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Non, pas du tout. En fait, j’ai voulu partir des clichés de certains films d’horreur afin de mieux les contourner, les prendre à contre-pied. Les étudiants qui partent faire la fête dans une maison au fond des bois où se serait déroulé un drame dix ans auparavant... Je crois que c’est LE cliché absolu du genre. Or, attention, ça va être la minute intellectuelle de cette interview, or, comme le disait Alfred Hitchcock dans les entretiens qu’il a accordé à François Truffaut, « mieux vaut partir d’un cliché que d’y parvenir ». Il disait cela à propos de la fameuse scène de l’avion dans le champ de maïs de « La mort aux trousses ». À quoi s’attend-on en général ? Un homme seul, la nuit, dans une ville, sous la pluie. Une voiture qui arrive et ses occupants qui cherchent à le tuer. Cliché. Hitchcock place donc son personnage en plein jour, sous un soleil éclatant, dans un champ loin de toute trace d’habitation et c’est du ciel que vient le danger. Disons que je me suis inspiré de ce conseil. Et venant d’un maître de cette envergure...

Yozone : Dans le numéro 41 d’« Alibis », “Saint-Valentin” relève du polar noir ; « Le Destin des Morts », du fantastique saupoudré de terreur… Dans quels genres votre inspiration vous pousse-t-elle à écrire des histoires ?

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J’aurais tendance à dire tous. Je suis, pour ma plus grande fierté, le genre d’auteur sur lequel on a du mal à coller une étiquette. Ça part comme un polar, ça finit en fantastique. Je me suis un peu essayé à la SF mais ce n’est pas mon terrain de jeux préféré. En fait, tout découle de l’histoire, de ce qu’elle amène elle-même. Je me laisse guider. C’est assez troublant comme démarche mais jusqu’à présent elle ne me réussit pas trop mal (enfin, je pense). Alors je continue. J’aime ces auteurs qui réussissent dans plusieurs genres tout en conservant le style propre, leur identité. Et puis tout cela n’est qu’un jeu, alors pourquoi se limiter à une seule règle ?

Yozone : Quelles sont vos habitudes lorsque vous écrivez (un objet fétiche, un rituel spécial, un lieu précis…) ?

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Dans ma cuisine, sur un coin de table. Pas d’objet fétiche. Pas de rituel particulier. Aucune superstition. Bon, bien sûr, il m’arrive comme de nombreux auteurs de sacrifier un animal en poussant des hurlements à la lune le corps enduit de margarine mais je ne pense pas que ça soit très original.

Yozone : Quel est votre futur éditorial ? Quels sont vos projets d’écriture ?

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J’ai de la chance, j’ai des éditeurs qui croient en moi et en mon travail. Je dis « des » car en plus des éditions Lokomodo, j’ai l’insigne honneur d’être publié par les éditions La Clef d’Argent, dont je suis un grand fan en tant que lecteur. Il serait donc malvenu, dans ces conditions, de ne pas avoir de projets. La Clef d’Argent qui vient d’ailleurs de publier mon premier recueil de nouvelles, « Belle est la bête » que la Yozone a également chroniqué, fin de la parenthèse. Mes projets me demandiez-vous avant que je ne m’interrompe moi-même... au début de l’année 2013, les éditions Lokomodo ressortiront un autre de mes romans. En fait, il s’agit de trois romans, sortis séparément, mais se faisant suite (une sorte de trilogie si vous préférez). Il sortira cette fois-ci en un seul et même volume ce qui me fait vraiment très très plaisir. Il s’agit d’un roman mêlant les époques, revenant sur de nombreux faits historiques réels, débutant comme un polar mais versant, un peu, dans le fantastique, rempli de suspense et ayant pour toile de fond, l’alchimie. Il y a, bien entendu, des méchants, des sociétés secrètes et d’étranges documents aux pouvoirs insoupçonnés. Je travaille également sur un autre roman, ayant toujours pour toile de fond l’alchimie, mais dans une veine Steampunk cette fois. J’espère le voir sortir en 2013. Sinon, ce sera pour 2014. Enfin, je m’amuse à écrire un petit quelque chose à destination des plus jeunes. Mais là je ne peux pas vous en dire plus, je n’en suis qu’au tout début.

Yozone : Comme mot de la fin, auriez-vous quelques conseils à donner à un aspirant-écrivain ?

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Des conseils ? Moi ? Ce serait un peu présomptueux. Mais bon, puis que vous me le demandez si gentiment. En premier lieu, je dirais, lire. Pour moi, on ne peut pas se prétendre « auteur » s’il l’on n’est pas avant tout « lecteur ». Il faut aimer les mots, aimer jouer avec, ne pas avoir peur de les triturer, de les malmener. Ensuite, savoir être patient. Ne pas abandonner après le soixante-quinzième refus d’éditeur. Persévérer. Croire en ce que l’on fait et surtout, surtout, le plus important : s’amuser. L’écriture est une passion. Ça ne doit pas être une torture. Dans une interview pour je ne sais plus quel journal, Bret Easton Ellis a dit quelque chose que je trouve très juste, « Si l’écriture est une souffrance, arrêtez d’écrire ! » Il faut faire en sorte que cela reste un plaisir (attention, c’est mon point de vue et je peux tout à fait comprendre qu’il soit différent pour chacun). Quant à ceux et celles qui pensent que c’est un bon moyen de gagner beaucoup d’argent en peu de temps, qu’ils s’inscrivent à une émission de télé-réalité ou jouent au loto, ils auront plus de chances d’y parvenir.

Yozone : Merci beaucoup, Jean-Pierre.

Tout le plaisir fut pour moi.

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Propos recueillis pour la Yozone en juin 2012 par :


François Schnebelen
7 juillet 2012


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Le Destin des Morts (Lokomodo, 2012)



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Belle est la Bête (La Clef d’Argent, 2012)



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Sex, drugs & Rock’n’Dole (La Clef d’Argent, 2010)



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La seconde Mort de Camille Millien (Le Panier d’Orties, 2009)



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La trilogie La Commission des 25



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Mauvaises vibrations dans Freaks n°1 (2009)



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La collection Prescott dans Codex Atlanticus n°19 (2010)



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La cousine maudite dans Codex Atlanticus n°20 (2011)



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Saint-Valentin dans Alibis n°41 (2012)



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