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Reno, Roi du pixel
L’interview exclusive du dessinateur d’Aquablue
13 avril 2012

La série « Aquablue » a vu défiler pas moins de quatre dessinateurs. Pas simple de prendre le relais pour le douzième tome et pourtant Renaud Scheidt, dit Reno, a accepté de relever ce défi. Nous avons voulu en savoir plus et il a accepté de répondre à quelques questions.



Pouvez vous nous brosser rapidement votre parcours ?

J’ai fait des études d’illustration aux arts décoratifs de Strasbourg, ma ville natale (la même promo que Boulet, Erwann Surcouf, Nicolas Wild entre autres). Puis des études d’animation 2D/3D au CFT Gobelins à Paris où j’ai vécu et travaillé pendant 6 ans. Après un court passage d’un an dans l’animation 3D, je me suis mis à la BD chez Glénat avec « Womoks » sous l’impulsion de Boulet.

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Comment vous êtes-vous trouvé « embarqué » sur le (faucon-)Stromboli » ?

A l’époque où je travaillais sur « Valamon », il y a 7 ans de cela, Thierry Joor, mon éditeur chez Delcourt, m’avait proposé de faire quelques essais pour une éventuelle reprise ou un spin-off d’« Aquablue ». Mes roughs avait plu à tous les intéressés mais le projet ne s’est finalement pas fait, faute de temps.
C’est à la fin de l’été 2010 que Thierry m’a recontacté à ma grande surprise pour me relancer sur cette idée. Delcourt ayant récupéré l’intégralité des droits sur la série, il nous a donné à Régis et à moi carte blanche pour cette reprise.
C’est extrêmement exaltant de reprendre une série aussi emblématique (même si elle a fait beaucoup de petits depuis) qui m’avait tant fait rêver adolescent. J’étais surpris et honoré que le choix du dessinateur se porte sur moi en premier. Mais l’univers graphique et narratif d’« Aquablue » correspond tellement à mon imaginaire que les choses se sont faites très naturellement.

Comment s’est passé la passation graphique ? Avez-vous dû produire des planches « test » ?

Comme je le disais, j’étais (et je suis toujours !) vraiment très enthousiaste à l’idée de cette reprise mais j’avais immédiatement mis en avant le fait que je ne voulais pas faire une reprise de « commande » en singeant le trait de Vatine, Tota ou Siro. Je voulais vraiment apporter ma vision du monde d’« Aquablue » en tentant (modestement !) de sublimer ce qui me semblait être les points forts de la série, à savoir une SF épique mais ancrée dans des contextes concrets, avec un contraste visuel fort entre les aspects paradisiaques et lumineux de la planète Aquablue et les représentations froides et sombres des scènes spatiales. Également transcender l’aspect très cinématographique impulsé par Vatine et son génial sens du story board par ma manière d’aborder les mises en scène et les designs que je souhaite les plus « hollywoodiens » possibles (au bon sens du terme !).
Et finalement, poursuivre avec mon traitement graphique ce qui me semble être le métissage idéal entre les influences franco-belge, manga et comics qui caractérise cette série.

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Pour revenir à la question , oui, bien sûr, j’ai réalisé quelques planches test qui n’ont pas forcément été évidentes à faire passer dans un premier temps. Guy Delcourt souhaitait (et c’était tout à fait compréhensible) une plus grande harmonie graphique avec les précédents tomes. Ma technique qui relève plus de la peinture numérique que du dessin de BD classique les avait séduit mais ils craignaient que cela n’effraie quelque peu des lecteurs plus sensibles à une approche traditionnelle.
Mon point de vue était que, tant qu’à faire une reprise cinq ans après le dernier tome, autant marquer le coup avec une « patte » vraiment nouvelle et originale, sans renier ce qui m’avait plu à la lecture des précédents opus. Et pour moi, cette série mérite un souffle cinématographique que je pense pouvoir lui apporter. J’ai donc insisté et ils ont fini par me donner le feu vert (et leur confiance !)
Aujourd’hui, je sais que beaucoup de monde est ravi de cette reprise (éditeur, auteurs historiques comme lecteurs). J’ai bien conscience que j’ai encore du chemin à faire pour peaufiner certains aspects de mon traitement, affiner les personnages et dynamiser certaines scènes, mais ce sont là des réglages qui vont se faire naturellement au cours des 4 ou 5 prochains tomes. Je suis confiant.

Comment travaillez-vous sur une planche type d’« Aquablue » (planche comportant des paysages et des personnages) ?

Pour tout ce qui est décors, engins complexes et paysages récurrents, je les modélise avec un logiciel de 3D plus ou moins rapidement selon leur importance. Cela me permet d’aller très loin dans le détail sans me soucier de la complexité de la mise en scène. C’est un investissement de temps qui me permet d’en gagner à long terme. Par exemple, le Stromboli, qui revient très souvent d’une page à l’autre, est entièrement modélisé du cockpit à la soute, je choisis l’angle de prise de vue qui correspond à la case sur laquelle je travaille et je lance un rendu basique sur lequel je vais complètement revenir à la peinture numérique sous photoshop. Les petits détails ou les éléments organiques sont dessinés à la main ainsi que les personnages.
C’est une technique très proche de ce qui peut se faire en « matte painting » pour l’animation, les jeux vidéo ou le cinéma à effets spéciaux qui me permet d’aborder seul la couleur et le dessin de manière fouillée dans un délai assez court pour ce genre d’album (j’ai moins d’un an pour boucler un tome). Mon défi étant de rendre tout cela le plus harmonieux possible et cohérent dans une BD. Je sais que j’ai encore du chemin à faire pour affiner cet aspect là, mais c’est mon Graal artistique et j’y travaille sans relâche, croyez-moi !

(hors questionnaire : je vous invite à regarder l’émission « Roadstrip » qui devrait être diffusé en avril sur la chaine calée Nolife ou sur Ankama.com, où devrait être montrée une petite capture vidéo de ma méthode de travail.)

Votre contrat est-il lié à un nombre d’albums ?

Il n’est pas possible d’avoir un contrat pour plusieurs tomes mais nous avons un engagement signé de la main de Guy Delcourt qui nous lie, éditeurs et auteurs, pour les cinq tomes de ce nouveau cycle.

De quelle manière fonctionnez-vous avec Régis Hautiére, le scénariste ?

Quasiment et uniquement par mail, Régis vit à Amiens et moi dans un petit village du Tarn (c’est beau le progrès !). Il m’envoie ses découpages de planches écrits et je travaille directement à partir de cela. Nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde et cette collaboration se fait très naturellement.

Celui-ci espère une sortie pour la fin d’année prochaine, où en êtes-vous du prochain tome ?

Hmmm...allo, allooo ? Oh je vous capte mal, on doit passer sous un tunnel...
oui, la fin d’année (cette année, pas la prochaine !)... je vais retourner bosser sur mes planches en fait.

Avez-vous d’autres projets en parallèle ?

Rha...J’aimerais bien, je suis très curieux de beaucoup de choses, j’adorerais pouvoir monter un projet de jeu vidéo, refaire une BD avec Boulet, retaper le rez de chaussée de notre nouvelle maison, mettre à jour mon blog (hohoho !), reconstruire la version optimisée de mon vivarium à fourmis, lancer une ligne de Lego Aquablue sur le site « Lego cuusoo », expérimenter la cuisine moléculaire et m’enfiler les 3 tonnes de BD, de bouquins, de films et de séries qui s’entassent sur nos étagères, acheter un kayak sur ebay pour me balader dans les gorges du Tarn et refaire le Hoover dam (barrage sur le fleuve Colorado aux États-Unis) en galets avec ma fille. Mais avec l’arrivée d’un petit dernier tout récemment et le fait que ma technique soit très très consommatrice de temps et mes délais de bouclage drastiques, je n’ai malheureusement plus l’opportunité de vraiment faire autre chose pour l’instant. J’ai bon espoir pour l’année prochaine qui devrait être un peu plus sereine..inch allah, tudieu de tudieu.

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J’ai particulièrement aimé la mise en couleurs ainsi que le design (station orbitale, vaisseau) que je rapprocherai de celui de Manchu.
Une petite remarque plus perso, je trouve que le contour noir des personnages est parfois un peu épais, voire doublé d’une autre couleur, comme si celui-ci était « incrusté » sur un fond. Est ce volontaire de votre part ?

Merci pour les compliments, ça me touche d’autant plus que je me donne vraiment du mal sur ces aspects là (et Manchu fait partie de mes références en matière de peinture SF. Je pourrais citer également John Harris, Ralph Mc quarrie, Moebius et plus récemment Ryan Church ou Travis Charest entre autres, dont les travaux m’ont toujours inspiré et fait rêver. Sans même parler des nombreux et talentueux artistes de ma génération, que j’ai découvert grâce au net.)
Je suis d’ailleurs impatient de traiter entre autres les prochaines scènes à venir du tome 13 qui impliquent les lunes d’Aquablue... Ca va être un travail passionnant de design et de mise en couleur... Pour vos remarques, je vous renvoie à mes commentaires précédents, l’effet « d’incrustation » étant un artefact pas toujours encore pleinement maîtrisé de la technique que j’utilise. Après, il y a un parti pris esthétique de personnages cernés sur des décors peints qui renvoie d’une certaine manière à ce que l’on peut trouver en animation (et sur les couvertures des opus réalisées par Vatine) et qui, à mon sens, peut avoir toute sa place dans une BD de SF.
Comme je le disais précédemment, je vais, à force de travail, affiner tout cela car autant l’album a été très bien accueilli, autant j’ai entendu cette critique à plusieurs reprises et j’ai à cœur pour les prochains tomes d’améliorer cet aspect là. J’ai encore beaucoup à faire et à montrer et j’espère que les lecteurs ressentiront, en les lisant, le même enthousiasme que j’ai eu (et j’aurai !) à les réaliser.

Merci pour cette interview et vive Aquablue !

Merci à Reno pour sa disponibilité et encore félicitations pour le récent heureux événement.

Et pour en savoir plus, voici le lien vers le blog de Reno.


©Delcourt 2011 Reno/Hautière



arjulu
23 avril 2012




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Reno Angouleme 2012



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