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Zendegi
Greg Egan
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (Australie), science-fiction, 370 pages, mars 2012, 23€

En 2012, le journaliste Martin Seymour est envoyé en Iran pour couvrir des élections. Une nuit, son voisin Omar le réveille et lui parle d’un accident mettant en cause un membre du gouvernement ayant avalisé les listes électorales et rejeté les opposants au régime.
Aidé de son voisin, Martin couvre l’évènement qui va pousser la partie du peuple mécontent à réagir et à provoquer de nouvelles élections.
Dans le même temps, Nasim Golestani, une exilé d’Iran, vit aux États-Unis où elle effectue des recherches sur le PCH, une cartographie des connexions neuronales du cerveau humain. Lorsque la possibilité de retourner dans son pays natal s’offre à elle, Nasim n’hésite pas.



Cette première partie couvre le tiers du roman et l’essentiel se déroule en Iran. Greg Egan a achevé « Zendegi » en 2009, donc avant le Printemps Arabe qui a vu les dirigeants de plusieurs pays obligés de quitter le pouvoir. Les évènements de 2012 s’avèrent passionnants à lire. Découvrir un homme influent fréquentant un transsexuel donne le courage à certains de s’insurger, de manifester leur volonté d’avoir de nouvelles élections cette fois-ci représentatives et non truquées dès le départ. Le reporter Martin nous permet de suivre de l’intérieur cette révolution pacifique, souvent aux prises avec d’autres factions essayant de les faire rentrer dans le rang.
Greg Egan nous surprend (personnellement je ne l’attendais pas dans ce registre), et montre là tout son talent, surtout que par la suite il donne un ton profondément humain au récit avec la détresse d’un père qui voit dans la technologie le seul moyen de poursuivre l’éducation de son fils.

La deuxième partie de « Zendegi » se déroule en 2027-2028 et dévoile la rencontre de Martin et Nasim, venue à l’enterrement de sa femme Mahnoosh, qu’il a rencontrée en 2012 lors d’une manifestation. Leur vie bascule le jour de la première rentrée de leur fils Javeed ; un véhicule les heurte, Mahnoosh est tuée sur le coup et Martin gravement blessé. Un examen approfondi à l’hôpital révèle qu’il souffre d’un cancer et les signes ne sont guère encourageants.
Que va devenir Javeed ? Omar et sa famille, de grands amis, l’élèveraient sans problème, mais cette idée le rebute un peu, car il ne partage pas du tout les mêmes valeurs qu’Omar.

C’est là qu’intervient Nasim qui s’occupe de Zendegi, un univers virtuel. Pour que Zendegi ne tombe pas sous le poids de la concurrence, elle décide d’y intégrer ses recherches sur le PCH, ce qui permet de développer l’autonomie des figurants virtuels et ainsi de gagner en autonomie et en interactivité. Cette nouveauté permet à sa société de se démarquer face aux autres, mais éveille aussi des jalousies et des problèmes d’éthique, car les êtres virtuels deviennent étonnement humains.
Martin y voit justement le moyen de perdurer à travers le jeu dont son fils est fan. Lors de fréquents IRM, Nasim tente de cartographier son cerveau et de créer un Martin virtuel.

La technologie s’invite dans un drame familial, offre une porte de sortie acceptable à un père ne désirant pas laisser son fils grandir seul. Mais en est-elle capable ? Les promesses seront-elles tenues ? Toute la difficulté consiste à ce que la copie soit suffisamment proche de l’original pour que ses réactions soient plausibles. Pas facile lorsque l’on est forcément obligé de prendre des raccourcis du fait de la complexité du cortex humain.

Greg Egan mêle parfaitement les deux thématiques, montre que la technologie est au service de l’homme, ne doit pas faire peur, mais qu’elle n’offre pas la solution à tous les problèmes.
Au centre de l’histoire, le drame de Martin prend aux tripes, il ne laisse pas le lecteur insensible, il le pousse même à l’interrogation : à la place de Martin, comment agirait-il ?

C’est d’ailleurs là que se pose la question du choix de l’Iran comme cadre au roman. Finalement, la problématique de Martin aurait fonctionné partout. Dans la postface, Greg Egan nous éclaire un peu sur ce choix, il a d’ailleurs choisi délibérément de placer le début dans un avenir si proche. 2012, nous y sommes ! Forcément, le parallèle se fait entre la situation actuelle et celle décrite, ce qui donne un petit air d’uchronie à « Zendegi ».

De plus, l’Iran offre un formidable arrière-plan. Situer l’intrigue ailleurs n’aurait pas permis une telle richesse, une telle soif de découverte chez le lecteur. Comme déjà écrit, le début qui sert d’entame à la véritable histoire est réellement prenant. La partie 2027-2028 l’étant aussi, mais d’une autre façon. Les menaces sur le projet Zendegi ne sont que des péripéties autour de la tentative de Nasim pour réussir à créer un Martin virtuel.

Là où l’on peut être plus critique, c’est lorsque Greg Egan traite le déménagement de Martin de Sydney pour Téhéran. Quel intérêt de s’étendre sur la collection de vinyles du journaliste, qu’il choisit de digitaliser pour l’emporter avec lui ? Cela n’a aucune incidence sur la suite.

« Zendegi » s’avère une très belle surprise. C’est un roman de Greg Egan capable de contenter un bien plus large public que la plupart de ses productions. Le sort de Martin, la possibilité de survivre sous une autre forme et donc ne pas abandonner complètement les siens, l’Iran, voilà les atouts indéniables de ce livre émouvant, prenant et si intéressant.
Du Greg Egan là où on ne l’attendait pas, mais du grand Greg Egan !


Titre : Zendegi (Zendegi, 2010)
Auteur : Greg Egan
Traduction de l’anglais (Australie) : Pierre-Paul Durastanti
Couverture : Nicolas Fructus
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 370
Format (en cm) : 13,9 x 20,5
Dépôt légal : mars 2012
ISBN : 978-2-84344-110-3
Prix : 23 €



François Schnebelen
17 avril 2012


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